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Unité des conventions collectives

September 2015

Allemagne : une loi pour mettre fin à la surenchère des syndicats

Le premier semestre 2015 a été marqué en Allemagne par d’importantes grèves des conducteurs de train et des pilotes de ligne. Ces grèves paralysant le pays résultaient d’une surenchère entre syndicats concurrents d’une même branche, défendant chacun des conventions collectives différentes pour leurs adhérents.

Une concurrence à outrance

Cette situation est le fruit d’un arrêt de la Cour fédérale du travail de 2010 qui a abrogé le principe selon lequel une seule convention collective par métier pouvait s’appliquer à la même entreprise. Depuis, plusieurs conventions collectives négociées par différents syndicats peuvent s’appliquer à une même catégorie d’employés.

Ainsi, de véritables conflits sociaux autour de l’application d’une convention plutôt que d’une autre pouvaient avoir un impact durable sur les relations sociales, rendant les syndicats peu enclins au compromis. Ces conflits pouvaient en outre conduire des syndicats concurrents, lors de négociations avec l’employeur, à avoir des demandes de plus en plus exigeantes et à vouloir imposer celles-ci par des grèves. C’est dans cette situation ubuesque que s’était retrouvée l’entreprise ferroviaire allemande Deutsche Bahn, lorsque le syndicat de conducteurs de train s’opposait au syndicat de la branche ferroviaire et des transports.

Restauration du dialogue social

Dans le but d’aider les entreprises soumises à une pluralité de conventions collectives et donc confrontées au risque d’un conflit social, le Bundestag a adopté le 22 mai 2015 la loi sur l’unité de convention collective (« Tarifeinheitsgesetz ») dans un contexte de forte controverse. En effet, la Fédération allemande des syndicats (Deutscher Gewerkschaftsbund) et l’Union fédérale des fédérations patronales (Bundesvereinigung der Deutschen Arbeitgeber-verbände) soutiennent l’initiative alors que les partis d’opposition (gauche radicale et écologistes) ainsi que plusieurs syndicats de taille inférieure s’y opposent au motif d’une violation des libertés constitutionnelles.

La réforme introduit quatre mécanismes afin de rétablir un dialogue social apaisé :

  • Principe majoritaire
    La loi allemande sur les conventions collectives va être complétée d’un nouvel article prévoyant qu’en cas de pluralité des conventions collectives applicables, seule la convention du syndicat majoritaire s’appliquera. La majorité sera appréciée au regard du nombre d’employés syndiqués au moment de la signature de la convention la plus récente. Ce principe d’unité de convention collective ne sera cependant que subsidiaire, les syndicats étant encouragés à éviter les conflits entre conventions par la négociation commune de leurs conventions respectives.
  • Droit syndical à être entendu
    Afin d’encourager la négociation d’une seule convention et d’éviter la conclusion de conventions concurrentes, chaque syndicat obtiendra le droit d’être entendu par l’employeur (ou l’organisation patronale) et de lui exposer oralement ses demandes et propositions si ce dernier a ouvert des négociations avec un autre syndicat.
  • Double-obligation patronale de publicité
    Dans le but de garantir l’effectivité du droit syndical à être entendu, l’employeur (ou l’organisation patronale) sera obligé de rendre public à temps et de manière satisfaisante l’ouverture de négociations avec un syndicat. L’employeur est en outre obligé de rendre public les conventions trouvant application dans l’entreprise tout comme les décisions de justice imposant une convention en raison du principe majoritaire.

L’encadrement du droit de grève rétablit

L’application de l’unité de convention collective en raison du principe majoritaire n’a pas d’impact direct sur le droit de grève, la loi ne contenant aucune disposition à ce sujet. Ainsi, les syndicats restent en droit d’essayer d’imposer leurs demandes par des grèves, ceci leur étant garanti par la liberté constitutionnelle d’association.

Cependant, l’employeur pourra, afin de protéger son entreprise, le public et les employés ne prenant pas part à la grève, obtenir une vérification de l’admissibilité de la grève par référé. Dans le cadre de cette vérification, la proportionnalité de la grève pour atteindre son objectif sera vérifiée non seulement à l’aune de la nécessité et de l’adéquation des mesures mais aussi au vu de la loi sur l’unité de convention collective. Les employeurs devraient donc pouvoir obtenir des mesures conservatoires à l’encontre des grèves d’un syndicat minoritaire.

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Ann-Christin Fomm
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Dr. Daniel Ludwig
Partner
Hamburg