Home / Actualités / Changement de bénéficiaire d’un contrat d’a...

Changement de bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie

Pas de formalisme imposé

17/05/2019

Dans un arrêt du 3 avril 2019 (Cass. Civ. 1re 3 avril 2019 n°18-14640), la Cour de cassation a validé la modification d’une désignation de bénéficiaires de contrats d’assurance-vie, établie sous la forme d’un testament notarié, par de simples avenants aux contrats. Elle a ainsi consacré l’absence de parallélisme des formes entre les différentes désignations successives de bénéficiaires. La condition à remplir pour changer de bénéficiaire est une condition de fond : la volonté certaine et non équivoque du souscripteur assuré. La preuve de cette volonté impose une grande vigilance rédactionnelle et un devoir de conseil accru des professionnels de l’assurance-vie. 

Contenu de la décision du 3 avril 2019

Dans la décision commentée, le souscripteur assuré de contrats d’assurance-vie avait désigné, le 12 août 1997, en tant que bénéficiaires des contrats : son épouse pour l’usufruit et ses cinq filles pour la nue-propriété. La désignation avait pris la forme d’un testament notarié.

Le 1er septembre des années 2005 et 2006, le souscripteur avait changé les bénéficiaires de ses contrats en désignant cette fois son épouse en pleine propriété et à défaut, deux de ses filles. La nouvelle désignation de bénéficiaires n’avait pas pris la forme d’un testament notarié : la modification avait été opérée par des avenants aux contrats d’assurance-vie.
Le souscripteur assuré décède le 22 septembre 2009, laissant pour lui succéder son épouse et ses cinq filles. L’une des filles, écartée du bénéfice des contrats d’assurance-vie par les avenants de 2005 et 2006, assigne sa mère en justice pour obtenir sa part dans les capitaux assurés.

Elle prétend que la modification des bénéficiaires des contrats n’était pas valable. Elle appuie sa démonstration sur l’article 1035 du Code civil qui prévoit que : "Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté". Elle soutient qu’à partir du moment où la désignation initiale avait été opérée par testament, la modification des bénéficiaires devait, pour être valable, prendre également la forme d’un testament.

Sa demande est rejetée par la cour d’appel de Bordeaux, dans une décision du 20 février 2018, confirmée par la Cour de cassation.

encart flèche droite 220x220

Se fondant sur l’article L.132-8 du Code des assurances, la Cour de cassation affirme que la modification des bénéficiaires pouvait avoir lieu par avenants, "sans qu’il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes", à partir du moment où les juges du fond ont constaté la "volonté certaine et non équivoque" du souscripteur assuré.

Portée de la décision du 3 avril 2019

A titre liminaire, on rappellera brièvement dans quelle mesure la fille avait été écartée du bénéfice des contrats d’assurance-vie. La clause bénéficiaire initiale était une clause bénéficiaire démembrée. Autrement dit, l’épouse usufruitière aurait reçue l’intégralité des capitaux assurés mais en contrepartie, aurait eu une dette de même montant, en principe exigible au jour de son décès, envers les cinq filles, y compris celle à l’origine du contentieux. Suite au changement de bénéficiaires par avenants, l’épouse du défunt était devenue bénéficiaire non plus en usufruit mais en pleine propriété. Comme précédemment, elle avait vocation à recevoir l’intégralité des capitaux assurés mais, cette fois, sans être débitrice d’une dette envers ses filles, qui n’avaient donc aucune garantie de bénéficier des contrats.

Voulant récupérer des droits sur les capitaux assurés, l’une de filles s’appuyait sur le mode de révocation des testaments. En effet, bien qu’un testament puisse être révoqué tacitement, la révocation expresse des testaments est encadrée au niveau de son formalisme, qui doit prendre nécessairement la forme d’un testament ou d’un acte notarié en application de l’article 1035 du Code civil. Cependant, cet argument est écarté par la Cour de cassation, qui se fonde sur la règle "specialia generalibus derogant" : autrement dit, les règles spécifiques aux contrats d’assurance-vie, figurant dans le Code des assurances, permettent d’écarter le parallélisme des formes prévu à l’article 1035 du Code civil.

En effet, le Code des assurances consacre une grande souplesse dans le mode de désignation des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie. Ainsi l’article L.132-9-1 prévoit que "la clause bénéficiaire peut faire l'objet d'un acte sous seing privé ou d'un acte authentique" et l’article L.138-2 sixième alinéa du Code des assurances dispose que la désignation ou la substitution de bénéficiaire : "peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire".

encart flèche droite 220x220

La décision du 3 avril 2019 est conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation qui avait consacré la liberté de forme pour la désignation des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie (notamment, pour une désignation bénéficiaire par simple lettre : Cass. Civ. 2e 7 avril 2005 n° 04-11712). 

La validité d’une désignation de bénéficiaires ou d’un changement de bénéficiaire n’est pas soumise à une condition de forme mais une condition de fond : elle nécessite le constat de la volonté certaine et non équivoque de souscripteur assuré (notamment en ce sens : Cass. Civ 1re 7 novembre 2012 n°11-22634). Cette volonté est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond (notamment : Cass. Civ 1re 29 mars 2001 n°99-16606).

L’enjeu de cette désignation est tout d’abord civil : elle permet de déterminer les personnes ayant des droits sur les capitaux assurés lors du dénouement du contrat par le décès de l’assuré. L’enjeu est également fiscal compte tenu de la fiscalité privilégiée des contrats d’assurance-vie par rapport à la fiscalité successorale.

encart flèche droite 220x220

La liberté réaffirmée par la Cour de cassation quant à la forme de la modification de la clause bénéficiaire doit renforcer la vigilance des professionnels conseillant le souscripteur assuré. 

Puisque l’expression de la volonté de ce dernier est la règle, il est vivement recommandé que cette volonté soit explicite. Peu importe la forme choisie, avenant au contrat ou testament ou encore acte ad hoc de désignation de bénéficiaire, dans tous les cas, il est préférable d’indiquer expressément que la nouvelle désignation révoque la désignation antérieure, quelle que soit sa forme. L’expression explicite d’une volonté reste en effet préférable à l’aléa lié à l’appréciation souveraine des juges du fond, tant pour sécuriser l’identification des bénéficiaires que pour limiter le risque de responsabilité des conseils. Par ailleurs, en cas de modification par testament de la clause bénéficiaire, on veillera à ne pas révoquer les dispositions d’un éventuel testament antérieur sans rapport avec l’assurance-vie (sauf volonté contraire du testateur).

La présente décision est l’occasion de rappeler que la désignation des bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie est un exercice délicat. Outre les problématiques susmentionnées liées aux révocations de bénéficiaires, l’attention du souscripteur assuré doit être attirée notamment sur la précision requise dans l’identification des bénéficiaires ainsi que sur la nécessité d’anticiper le risque de décès prématuré ou de renonciation de l’un d’entre eux. Quant aux clauses bénéficiaires complexes, telles que les clauses bénéficiaires démembrées, elles nécessitent de redoubler de rigueur.


Droit patrimonial international : du nouveau pour les couples

Le 29 janvier 2019, entraient en application deux règlements européens, l’un pour le régime matrimonial et l’autre pour le partenariat enregistré, qui modifient le droit international privé des 18 Etats membres participants, dont la France. Pour tous ces Etats, la loi applicable au régime matrimonial est en principe celle de l’Etat de la première résidence commune après le mariage. Mais les couples peuvent choisir une autre loi, ce choix étant encadré.

Découvrez notre accompagnement en cliquant ci-dessous.

Brochure patrimoine couple contexte international 800x300

En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

actualité droit du patrimoine 330x220

Toute l'actualité du droit du patrimoine

nous contacter 330x220

Nous contacter

Vos contacts

Portrait deGrégory Dumont
Grégory Dumont
Associé
Paris