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Dénonciation des infractions routières commises par un salarié : les apports des premières décisions

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15/03/2019

Depuis le 1er janvier 2017, les employeurs ont l'obligation de désigner les salariés auteurs d’infractions routières commises avec leur véhicule de fonction ou de service. Ainsi, des avis de contravention pour non-respect de cette nouvelle obligation ont fait l’objet de contestations ayant amené la chambre criminelle de la Cour de cassation à préciser que :

  • l'infraction de non-désignation est imputable tant au représentant légal qu'à l’entreprise (Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 18-82.628) ;
  • l'avis de contravention peut être libellé au nom de la personne morale (Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 18-82.820) ;
  • le représentant légal auteur de l’infraction routière doit s'auto-désigner pour échapper à la contravention de non-révélation du conducteur (Cass. crim., 15 janv. 2019, n° 18-82.380).

 Obligation de désigner les auteurs d’infractions routières

Pour rappel, l'article L.121-6 du Code de la route impose à l'employeur mettant à la disposition de ses salariés des véhicules de désigner, par lettre recommandée avec accusé d’avis de réception ou par voie dématérialisée, le conducteur ayant commis une infraction constatée par un appareil de contrôle automatique, parmi certaines de celles listées à l’article R.130-11 telles que :

  • le non port d’une ceinture de sécurité ;
  • l'usage du téléphone tenu en main ;
  • le non-respect des signalisations imposant l'arrêt des véhicules ;
  • ou encore le non-respect des vitesses maximales autorisées.

À défaut d'indiquer le nom, l'adresse et la référence du permis de conduire de la personne physique qui conduisait le véhicule appartenant à l’entreprise dans un délai de 45 jours à compter de l'envoi ou de la remise de l’avis de contravention et à moins d’établir l'existence d’un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de toute autre événement de force majeure, le représentant légal encourt une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, d’un montant maximum de 750 euros.

L'infraction de non-désignation du conducteur est imputable tant au représentant légal qu'à l'entreprise

Dans une première affaire soumise à la chambre criminelle de la Cour de cassation, un avis de contravention pour non-désignation avait été adressé, non pas au représentant légal, mais à la société elle-même, personne morale. Cette dernière contestait alors sa mise en cause au motif que le refus de satisfaire à la demande de transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur ne pouvait être imputé qu’à son représentant légal. 

La Cour de cassation admet au contraire la possibilité d’imputer l'infraction de non-désignation à la personne morale en retenant que l'article L.121-6 du Code de la route "n'exclut pas qu'en application [de l'article L.121-2 du Code pénal], la responsabilité pénale de la personne morale soit aussi recherchée pour cette infraction, commise pour son compte, par ce représentant" (Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 18-82.628). Il en résulte qu'en cas de refus de transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur, le représentant légal et l'entreprise peuvent être cumulativement poursuivis.

Cette position de la Cour de cassation rejoint celle du ministère de la Justice qui avait indiqué le 15 février 2018 que "le fait que l'avis de contravention pour non-désignation soit adressé à la personne morale est l’expression du choix d’engager sa responsabilité pénale du fait de son responsable légal […]. Ce choix permet également un levier dissuasif plus efficace, par la possibilité d'infliger une amende quintuplée".

Le but recherché par le Gouvernement est ainsi de dissuader la pratique de certaines entreprises consistant à refuser délibérément de désigner le conducteur de leur véhicule et de payer les amendes tant au titre de l’infraction initiale qu'au titre de la non-dénonciation et ce afin d'éviter à leurs salariés de perdre des points sur leur permis de conduire et de leur permettre de continuer à exercer leurs fonctions. 

Ainsi, si le représentant légal n'indique pas aux autorités compétentes l'identité de la personne physique qui a commis l'infraction routière avec le véhicule appartenant à la société, l'employeur devra non seulement s'acquitter du paiement de l'amende prévue en cas d’absence de désignation du conducteur mais également régler l'amende de la contravention initiale dont il reste pécuniairement redevable en tant que titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule (Code de la route, art. L.121-3). 

S’agissant de l’amende pour non-révélation du conducteur, le montant des condamnations peut s’élever jusqu'à 750 euros ou 3 750 euros par amende, selon que l’avis de contravention est adressé au représentant légal ou à la personne morale en application des articles 131-13 et 131-38 du Code pénal.

S’agissant de l’amende initiale réprimant une contravention au Code de la route commise par le salarié, rappelons que d'une part, l'employeur ne pourra pas opérer une retenue sur salaire pour le remboursement de l’amende (Cass. soc., 17 avr. 2013, n° 11-27.550) et, d'autre part, devra payer des cotisations de sécurité sociale puisqu'il s’agit d’un avantage en nature qui doit être intégré dans l'assiette de cotisations de sécurité sociales (Cass. 2e civ., 14 févr. 2019, n° 17-28.047 ; Cass. 2e civ., 9 mars 2017, n° 15-27.538). 

L’avis de contravention pour non-désignation du conducteur peut être adressé au représentant légal comme à l’entreprise

Dans un second arrêt du 11 décembre 2018, la Cour de cassation se prononce sur la validité de la pratique consistant à libeller l'avis de contravention pour non-désignation du conducteur au nom de la personne morale. 

Là encore, la Cour de cassation estime que cela ne fait pas obstacle à la poursuite du représentant légal en retenant que "le juge devait se borner à vérifier si le prévenu, informé de l'obligation à lui faite de désigner le conducteur du véhicule dans les 45 jours de l'envoi de l'avis de la contravention d'excès de vitesse, avait satisfait à cette prescription, de sorte qu'il n'importait que l'avis de contravention pour non-désignation du conducteur ait été libellé au nom de la personne morale" (Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 18-82.820).

En d’autres termes, l'avis de contravention ne doit pas obligatoirement être adressé au représentant légal.

Par ailleurs, la Cour de cassation précise que l'infraction de non-désignation est constituée dès lors que l'avis de contravention est postérieur au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur de l’obligation de dénonciation, peu important la date de commission de l'infraction initiale.

Le représentant légal commettant une infraction routière doit s’auto-désigner comme auteur

Dans une affaire tranchée par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 janvier 2019 (n° 18-82.380), le dirigeant de la société avait payé l'amende pour excès de vitesse qu'il avait lui-même commis en omettant de désigner le conducteur. Il avait, par la suite, reçu un nouvel avis de contravention pour refus de transmission de l’identité et de l’adresse du conducteur dont il sollicitait l’exonération.

Dans cette affaire, le tribunal de police de Tarbes avait retenu qu’en payant la contravention initiale d’excès de vitesse, le représentant légal s’était auto-désigné comme auteur, acceptant la perte de points correspondant. Pour le Tribunal, l’oubli de cocher la case indiquant la désignation du conducteur était une erreur matérielle sans conséquence. Il avait prononcé la relaxe du représentant légal.

Ce raisonnement est écarté par la chambre criminelle de la Cour de cassation qui retient une application stricte de la loi et estime que le représentant légal aurait dû préciser l'identité, l'adresse et la référence du permis de conduire de la personne physique qui conduisait le véhicule au moment de l’infraction, même s’il s’agissait de lui-même (Cass. crim., 15 janv. 2019, n° 18-82.380). 

Au vu de l’ensemble de ces précisions, il n'est pas à douter que les entreprises redoubleront d’efforts pour se doter de moyens permettant d'identifier les salariés auteurs d’une infraction routière commise avec un véhicule qu’elles mettent à leur disposition et apporteront un soin particulier lorsqu'elles les désigneront comme conducteurs auprès de l'autorité mentionnée sur l'avis de contravention.


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