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Aide existante incompatible avec le marché intérieur

responsabilité de l'Etat seulement à compter de la décision d'incompatibilité de la Commission européenne

22/01/2019

Dans un arrêt du 25 octobre 2018, le Conseil d’Etat rejette l’action engagée par la compagnie aérienne Ryanair en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait du régime français de redevances aéroportuaires qui permettait de différencier le montant des redevances d’atterrissage et par passager selon la destination du vol.

Par décision du 28 janvier 2009, la Commission européenne avait considéré que ce régime constituait une aide d’Etat à la fois "existante" car instaurée avant l’entrée en vigueur du traité de Rome et incompatible avec le marché intérieur pour ce qui était de la différenciation des redevances par passager. Elle n’avait toutefois pas prescrit de mesures pour faire cesser cette différenciation, sa suppression par les autorités françaises ayant été réalisée en 2008 pour la majorité des aéroports français et prévue pour le 1er avril 2009 pour les aéroports de Paris.

Restait toutefois la question des effets produits par ce régime avant la décision de 2009. Estimant son préjudice à près de 110 millions d’euros, Ryanair soutenait que la responsabilité de l’Etat devait être regardée comme engagée dès la mise en œuvre dudit régime puisqu’il s’agissait d’une aide incompatible avec le marché intérieur.

Le Conseil d’Etat ne lui a toutefois pas donné raison, rappelant que, selon la jurisprudence européenne, les "aides existantes" sont réputées légales et peuvent continuer à être exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité avec le marché intérieur. Il en a déduit ainsi que "la responsabilité de l’Etat ne saurait être engagée pour méconnaissance fautive de la réglementation relative aux aides d’Etat à raison de la mise en œuvre d’une aide existante pour la période antérieure à l’intervention de la décision de la Commission constatant son incompatibilité avec le marché commun".

Si cette solution peut paraître relativement sévère pour les entreprises, elle ne fait en réalité que tirer les conséquences des régimes procéduraux différents s’appliquant aux aides "existantes" et "nouvelles" :

  • les "aides nouvelles" doivent être obligatoirement notifiées et autorisées par la Commission préalablement à leur mise en œuvre sous peine d’être illégales. Elles peuvent en outre faire l’objet de récupération ;
  • les "aides existantes" ne font pas l’objet d’un contrôle a priori mais permanent de la Commission européenne, en coopération avec les Etats membres. Elles ne sont ainsi pas soumises à une exigence de notification et d’autorisation préalable et sont réputées légales aussi longtemps que la Commission ne les déclare pas incompatibles. La Commission ne peut en outre ordonner que leur modification ou suppression pour l’avenir, sans récupération possible.  

Ici le Conseil d’Etat a semble-t-il saisi l’occasion de rappeler que lorsqu’il s’agit d’aides existantes, il n’y a pas de place pour un "raisonnement rétroactif", comme l’y invitait le rapporteur dans ses conclusions.

D’une portée non négligeable puisque, au-delà des aides octroyées avant l’entrée en vigueur du traité, la catégorie des "aides existantes" regroupe aussi les aides déjà autorisées par la Commission européenne dans une précédente décision, les aides pour lesquelles le délai de prescription de dix ans est échu et les aides qui ne constituaient pas des aides au moment de leur entrée en vigueur mais qui le sont devenues en raison de l’évolution du marché intérieur, la solution vient ajouter la dimension "réparation du préjudice" aux nombreux enjeux contentieux liés à la qualification d’aide existante.


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Claire Vannini
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