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Appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle

nouvel exemple de mise en balance avec la liberté du créateur

09/05/2019

Faits et procédure devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) - L’EUIPO a rejeté une demande d’invalidité concernant le modèle communautaire d’appareil d’éclairage ci-dessous, déposé le 28 mars 2014 :

Dans sa demande en nullité, la requérante faisait valoir, notamment, que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001. En effet, il existait des antériorités constituées par le modèle communautaire de 2008 et les deux extraits d’un catalogue de luminaires de 2009 suivants :

L’EUIPO avait considéré, d’une part, que les deux images du catalogue constituaient une représentation du modèle enregistré antérieur et, d’autre part, que les dissemblances entre les deux modèles produisaient des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti.

Cette décision a été contestée devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE). Retour sur les arguments développés.

Sur la notion de caractère individuel - Selon l’article 6 du règlement 6/2002, un dessin ou modèle présente un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle divulgué antérieurement au public.

Selon le règlement, "l'appréciation du caractère individuel d'un dessin ou modèle devrait consister à déterminer s'il existe une différence claire entre l'impression globale qu'il produit sur un utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles, compte tenu de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s'applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève et du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle" (considérant 14).

Pour cette appréciation, il n’y a pas lieu de tenir compte des différences trop peu marquées pour affecter l’impression globale, même si elles ne sont pas insignifiantes. Il faut se concentrer sur les seules différences suffisamment marquées pour créer une impression d’ensemble dissemblable (TUE, 7 novembre 2013, T-666/11, Budziewska c/ Puma).

Le droit des dessins et modèles obéit à une logique différente de celle du droit des marques. C’est pourquoi le risque de confusion entre les produits issus des dessins ou modèles en conflit ou les incorporant ne constitue pas le critère pertinent du caractère individuel.

Par ailleurs, même si l’article 14 du règlement dispose que le droit au dessin ou modèle communautaire appartient à son "créateur", l’existence d’une création reflétant la personnalité du créateur est également inopérante dans la détermination du caractère individuel, contrairement à ce qui peut exister en droit d’auteur.

En définitive, le test décisif dans la détermination du caractère individuel réside dans l’absence d’une impression de déjà vu ressentie par l’utilisateur averti.

L’utilisateur averti, personnage clé dans l’appréciation du caractère individuel, s’entend d’un utilisateur doté d’une vigilance particulière qui dispose d’une bonne connaissance de l’état de l’art antérieur constitué par le patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit existant (TUE, 18 mars 2010, T-9/07, Grupo Promer c/ PepsiCo, point 62).

L’utilisateur averti n’est donc pas le consommateur moyen propre au droit des marques. Au contraire il est informé et attentif et ne se fie pas au souvenir lointain que lui a laissé le dessin ou modèle antérieur. Il procède au contraire à une comparaison visuelle directe des deux, dans le but de déterminer si le modèle litigieux présente des caractéristiques uniques qui le distinguent des modèles antérieurs.

En l’espèce le Tribunal considère que l’utilisateur averti est une personne "habituée aux appareils d’éclairage ainsi qu’aux différents dessins ou modèles existant dans ce secteur" (TUE, 7 février 2019, T-767/17, point 35).

Sur la notion de liberté de création - Pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire mais aussi déterminer l’étendue de la protection qui lui est accordée, il faut tenir compte du degré de liberté du créateur (article 6-2 du règlement).

En effet, la liberté de création peut être limitée par des prescriptions légales, des normes techniques ou encore des contraintes liées à la nature ou à la destination du produit, sur lesquelles le créateur n’a aucune prise. Ces contraintes peuvent conduire à une standardisation de certains éléments, qui deviennent alors communs à tous les dessins ou modèles appliqués à un produit (arrêt Grupo Promer, préc., point 67).

L’examen du caractère individuel doit donc faire abstraction des similitudes nécessaires pour se concentrer sur les seuls éléments à partir desquels le créateur a matérialisé sa liberté de création.

Ainsi, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit seront susceptibles de produire une impression globale identique sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus cette liberté de création est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffiront à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti.

Pour autant, des effets de mode ou des tendances générales en matière de design ne sont pas jugés de nature à limiter la liberté du créateur (TUE, 13 novembre 2012, T-83/11, Antrax It c/ THC, point 95).

Les apports de la décision du TUE du 7 février 2019 - Le Tribunal comme la chambre de recours de l’EUIPO considèrent que le degré de liberté du créateur était moyen, s’agissant des dispositifs d’éclairage se fixant au mur ou au plafond. En effet, tous doivent nécessairement comporter une armature susceptible d’accueillir une ampoule ainsi que des éléments de fixation. Mais la forme de ces armatures ainsi que le nombre et la disposition des têtes d’éclairage peuvent en revanche varier (points 24 et 36).

Au cas particulier, les dessins ou modèles en conflit présentaient d’importantes différences, de sorte que l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté se distinguait de celle produite par le dessin ou modèle antérieur.


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Cet article a été publié dans notre Lettre Propriétés Intellectuelles de mai 2019. Découvrez les autres articles de cette lettre.

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