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Délais de paiement : un bilan nuancé

22/03/2010

Prenant appui sur les directives communautaires, en dernier lieu la directive du 30 mai 2000, le législateur français a progressivement règlementé les délais de paiement entre entreprises. Il a d'abord instauré des contraintes sectorielles, dans le domaine des produits alimentaires périssables ou des transports, par exemple, avant de prendre, par la LME du 4 août 2008, une mesure générale plafonnant les délais de paiement convenus entre entreprises à 45 jours fin de mois ou 60 jours date de facture. Conscient de la nécessité de prévoir une période de transition, le législateur a laissé aux différents secteurs économiques la possibilité de conclure des accords permettant d'étaler sur trois ans la réduction des délais de paiement et leur alignement sur le maximum légal.

Même si l'on s'accorde généralement pour considérer que la LME a commencé à produire des effets dès 2009, un certain nombre d'incertitudes sur la mise en œuvre du dispositif continuent à se faire jour. Si on laisse de côté la plus ou moins bonne volonté de certaines entreprises ou la difficulté de cerner le champ d'application des accords dérogatoires, un certain nombre de questions juridiques se posent en pratique.

Ainsi, il est clair que le dispositif a été conçu dans l'optique de normaliser les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs, en particulier, les PME susceptibles d'être pénalisées par le déséquilibre économique caractérisant leurs relations avec leurs clients. En revanche, on peut se demander comment l'appliquer à certains secteurs économiques dans lesquels l'échelonnement des paiements est de tradition.

On pense en particulier aux secteurs du BTP ou de l'équipement industriel. Comment intégrer la retenue de garantie dans le dispositif de la loi ? On peut également s'interroger sur le champ d'application géographique de la loi : comment un fournisseur français va-t-il pouvoir imposer à son client étranger les contraintes résultant de la LME surtout si son contrat est conventionnellement soumis à la loi nationale de son cocontractant ?

Peut-on réellement contraindre une entreprise en difficulté à respecter le délai légal ? Sur ce point, la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales (CEPC) propose la possibilité de mettre en place, sous le contrôle du juge dans le cadre de la procédure de conciliation, un moratoire permettant d'échelonner le paiement dans le temps. Cette procédure ne peut toutefois viser que des cas extrêmes. On peut penser que, la plupart du temps, les fournisseurs consentent spontanément un dépassement et se dispensent de réclamer les pénalités de retard.

Ces différentes questions ne manqueront pas de poser des cas de conscience aux agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes qui devraient intensifier leurs contrôles en 2010.

On notera enfin que ce dispositif légal commence à se fissurer puisque la loi du 27 janvier 2010 vient de libérer le secteur du livre des contraintes posées par la LME.


Olivier Benoit, avocat associé

Article paru dans la revue Option Finance le 15 février 2010