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Exonération des plus-values de titres de PME : le miroir aux alouettes ?

04/09/2006

Le nouvel article 150-0D ter du CGI prévoit l'application d'abattements d'un tiers pour chaque année de possession au delà de la cinquième. A la différence du régime de droit commun (article 150-0D bis), c'est la durée effective de détention qui est prise en compte, et non la durée de possession décomptée seulement à partir du 1er janvier 2006. Les dirigeants de PME détenant leurs titres depuis huit ans au moins peuvent donc nourrir l'espoir d'une exonération intégrale de plus-value.

La société dont les titres sont cédés doit nécessairement être soumise à l'IS et exercer une activité à caractère professionnel, à l'exclusion de la simple gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier (sous réserve du cas des pures holding, cf. 6 ci-dessous). Cette condition respectée, l'exonération profite à toute la richesse générée par l'exercice de l'activité éligible, en ce compris d'éventuels excédents de trésorerie accumulés au sein de la société Cette société doit répondre à trois conditions cumulatives:

(i) au 31 décembre des trois dernières années, elle employait moins de 250 salariés,

(ii) à la clôture du dernier exercice, elle réalisait moins de 50 MEuro de chiffre d'affaires ou présentait un total de bilan inférieur à 43 MEuro.

(iii) de manière continue au cours du dernier exercice clos, elle n'a pas été détenue à plus de 25 % par des entreprises ne répondant pas à ces mêmes conditions de taille.

Si ces conditions évoquent la définition communautaire des PME, la loi ne s'y réfère pas pour autant (à la différence du texte de l'article 885 I ter en matière d'ISF). Dès lors, en toute rigueur juridique, les conditions d'application de la définition européenne n'ont pas vocation à intervenir ici, telle notamment la règle de consolidation des données économiques de la société considérée et de ses filiales.

La cession doit porter sur l'intégralité des titres ou droits détenus par le cédant ou, à défaut, sur un lot de titres représentant plus de 50% des droits de vote dans la société ou plus de 50% des droits aux bénéfices sociaux en cas de détention du seul usufruit des titres. Au cours des cinq années précédentes, le cédant doit:

(i) avoir exercé au sein de la société, de manière continue, des fonctions éligibles à la qualification de biens professionnels pour l'ISF (poste de président, directeur général, directeur général délégué, gérant, etc, effectivement exercé et donnant lieu à une rémunération normale)

(i) avoir détenu au moins 25 % de la société.

La condition de détention de 25 % est appréciée en faisant masse des droits des époux, à l'instar de ce qui est prévu par la loi pour l'ISF. La condition d'exercice des fonctions dirigeantes devrait de la même façon être considérée globalement à l'égard du couple, sous peine de conduire à des impasses bien inéquitables.

Exemple 1. Monsieur et Madame A sont mariés sous le régime de la communauté universelle. Monsieur A est propriétaire des titres de la société S, dont il est le Président. Madame A y exerce des fonctions salariées. Monsieur A est décédé en 2002. Madame A a repris immédiatement la fonction de président précédemment exercée par son époux. Elle envisage de céder les actions S en 2006. Les titres n'ont jamais cessé, depuis au moins 5 ans, d'être la propriété de personnes exerçant la fonction requise et membres du même foyer fiscal.
Pour la même raison, des époux possédant ensemble des titres devront être reconnus individuellement comme étant pleinement titulaires de la qualité de dirigeant.

Exemple 2. Monsieur et Madame B sont mariés sous le régime de la communauté légale, dont relèvent les actions de la société T. Monsieur B, qui en était le Président, a pris sa retraite il y a quelques années. Son épouse, moins âgée, lui a succédé à cette fonction. Monsieur et Madame B envisagent de céder leurs actions en 2006. En dépit de la détention conjointe des titres, la plus-value doit être globalement exonérée du seul fait que Madame B répond à toutes les conditions exigées du cédant. 
«Dans l'année suivant la cession», le cédant doit:

5.1. Cesser d'exercer «toute fonction» dans la société. A priori, il faut comprendre que l'intéressé est tenu d'abandonner dans ce délai ses fonctions dirigeantes et qu'il doit également renoncer à exercer toute activité salariée sous le contrôle de l'acquéreur. La période pendant laquelle les actionnaires dirigeants peuvent exercer des fonctions techniques ou commerciales dans la société cédée, afin de répondre à la demande de l'acquéreur dans le cadre d'une période de transition souvent décisive pour la pérennité de l'entreprise, serait donc limitée. On peut sans doute le regretter, sachant que ce type d'accompagnement est encouragé par le législateur lui-même (cf. le régime du «tutorat» institué par la loi du 2.8.2005). L'Administration pourrait consentir à peu de frais une appréciation souple de la condition de délai en admettant le 31 décembre de l'année suivant celle de la cession comme date butoir.

5.2. Faire valoir ses droits à la retraite. Sauf cas spécifique de début d'activité très précoce, cette condition implique que l'intéressé atteigne l'âge de 60 ans au cours de la période requise. Ceux qui ont déjà fait valoir leurs droits à la retraite avant la cession, tout en poursuivant leur activité sous le bénéfice des règles du cumul emploi-retraite issues des lois Fillon, sont-ils exclus du bénéfice de l'exonération ? On ne peut raisonnablement croire que pareille discrimination corresponde à la volonté du législateur. En effet, le régime spécifique a été conçu en faveur des « dirigeants qui procèdent à la transmission de l'entreprise dans laquelle ils exercent » (cf. en ce sens Rapport AN n°2720 de Monsieur Gilles Carrez). Une interprétation pragmatique du texte doit permettre d'accorder l'exonération aux dirigeants qui ont d'avance satisfait à la condition de départ à la retraite.

La loi rend l'exonération possible dans le cas où la cession porte, non pas sur les titres de la société qui exerce elle-même l'activité d'entreprise, mais sur ceux de la société holding constituée exclusivement en vue de détenir la société opérationnelle. Les autres conditions doivent être respectées au niveau de la holding qui, conformément aux exigences de la loi, doit être purement «passive». Dans ce type d'organisation très répandu en pratique, le contribuable est généralement le dirigeant des deux structures, mais ne perçoit sa rémunération que de la filiale : en effet, la justification économique de son traitement réside dans l'activité exercée au sein de cette dernière et c'est en considération du caractère principal de l'activité déployée en son sein que le dirigeant obtient l'exonération d'ISF attachée aux biens professionnels. Sauf à vider radicalement l'exonération de sa portée, il faut donc réputer le holding inexistant pour admettre que la condition relative à la rémunération s'apprécie au niveau de la filiale, quitte en pareille situation à subordonner cette tolérance au respect des critères économiques (effectif, chiffre d'affaires, total de bilan) à ce même échelon. Dans le cas où les titres cédés proviennent d'un échange réalisé avant 2000, ce qui a pu se produire par exemple si le dirigeant avait apporté les actions de son entreprise à une société holding assujettie à l'impôt sur les sociétés, la plus-value extériorisée lors de l'échange a été placée en report d'imposition. Contrairement aux contribuables ayant participé à des opérations de même nature depuis 2000, fiscalement réputées inexistantes, la loi place les intéressés dans une situation hybride : elle les exonère d'impôt sur le revenu sur la plus-value acquise par les titres depuis l'échange et n'étend pas l'exonération à la plus-value d'échange dont le report d'imposition saute du fait de la cession des titres reçus dans l'échange. Peut-on penser que le législateur ait pu vouloir cette inégalité de traitement ?

Article paru dans la revue Option Finance du 29 mai 2006

Authors:
Olivier de Saint Chaffray, Avocat Associé, Luc Jaillais, Avocat