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Loi Sapin II et décret sur la facturation électronique : quelles nouveautés en matière de contrats publics ?

29/11/2016

La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite "loi Sapin II", définitivement adoptée le 8 novembre 2016 mais non encore promulguée à ce jour, comporte un certain nombre de dispositions qui intéressent les contrats publics. Ces dispositions ne sont pas directement concernées par le contrôle constitutionnel auquel le texte est actuellement soumis.

Dans l’actualité récente, il convient également de signaler le décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016 relatif au développement de la facturation électronique, qui vise les contrats conclus par les acheteurs publics.

L’ensemble de ces textes devrait conduire à une stabilisation temporaire du droit de la commande publique… en attendant sa prochaine codification (en principe à droit constant) mais aussi, auparavant, l’ordonnance qui doit modifier le droit des contrats domaniaux.

L’impact de la loi Sapin II sur les ordonnances "marchés publics" et "concessions"

Tout d’abord, les articles 39 et 40 de la loi Sapin II ratifient les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (voir sur ce point notre flash info "Réforme des marchés publics, bref aperçu des principaux apports de la nouvelle ordonnance") et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession (voir également notre flash info "Refonte du droit des concessions sous l’influence du droit de l’Union européenne") leur donnant ainsi une valeur législative pleine et entière.

Ensuite l’article 39 de la loi Sapin II apporte quelques aménagements à l’ordonnance "marchés publics", dont les plus notables nous paraissent les suivants :

  • la suppression de la possibilité, prévue à l’article 32 de l’ordonnance "marchés publics", de présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus ;
  • le remplacement de l’obligation, mentionnée à l’article 45 de l’ordonnance "marchés publics", de produire des extraits de casier judiciaire pour prouver l’absence de condamnation pénale constitutive d’une interdiction de soumissionner par la production de simples attestations sur l’honneur, compte tenu des difficultés engendrées par cette exigence (et ayant donné lieu à la contestation de procédures de mise en concurrence ; voir par exemple, adoptant des solutions disparates : TA Bastia, 24 août 2016, n° 1600918, Autocars du Cortenais ; TA Grenoble, 20 septembre 2016, n° 1604801, Jean Perraud et Fils ; TA Toulouse, 5 août 2016, n° 1603203, Grand Sud Navettes) ;
  • l’introduction, en matière de marchés de partenariat, de l’obligation d’identifier une équipe de maîtrise d’œuvre, obligation qui existe déjà en matière de marchés globaux sans financement privé depuis l’adoption de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (dite "loi CAP") ;
  • l’harmonisation, à une nuance près qui nous paraît sans grande conséquence, de la rédaction des dispositions concernant l’indemnisation du titulaire d’un marché de partenariat en cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le juge avec celle de l’ordonnance "concessions" (sur le contexte dans lequel s’insère cette disposition, voir notre article "Une censure juridictionnelle qui préserve l’avenir").

Par ailleurs, il y a lieu de noter qu’un projet de décret vise à mettre en cohérence les décrets d’application de l’ordonnance "marchés publics" en tenant compte notamment des modifications récentes apportées par la loi CAP et de celles induites par la loi Sapin II, mais également afin de corriger quelques scories. Ce projet de décret était en consultation publique jusqu’au 24 novembre 2016.

Enfin, l’étape suivante sera celle de la codification de la commande publique. Notre cabinet participe à ce travail, représenté par François Tenailleau, qui est membre du comité d’experts associés à la création de ce nouveau code par la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers.

L’extension des procédures de mise en concurrence aux contrats domaniaux

L’article 34 de la loi Sapin II autorise le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, certaines mesures concernant le droit des propriétés publiques. Cette ordonnance portera notamment sur :

  • la mise en concurrence des autorisations d’occupation temporaire du domaine public, contractuelles, mais également unilatérales. L’introduction de telles procédures paraît d’autant plus avisée qu’une récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne implique l’obligation d’attribution transparente d’autorisations d’occupation du domaine public destinées, en l’espèce, à l’exercice d’activités touristiques et récréatives (CJUE, 14 juillet 2016, C-458/14, Promoimpresa Srl, et C-67/15, Mario Melis e.a.). Cette jurisprudence conduit aussi, dès aujourd’hui, à remettre en question la solution retenue, de façon trop générale, par le Conseil d’Etat dans la décision "Jean Bouin" (CE, 3 décembre 2010, n° 338272-338527, Ville de Paris et Association Paris Jean Bouin) ;
  • la mise en concurrence des ventes de terrains par les établissements publics nationaux, afin d'aligner leur régime sur celui applicable aux cessions de terrains par l’Etat. Les ventes des terrains de collectivités territoriales pourront également être concernées. L’ordonnance portera aussi sur la sécurisation des opérations immobilières, y compris de façon rétroactive. Est ici visée, notamment, la lancinante question de la nullité des cessions irrégulières de biens appartenant au domaine public (en ce compris lorsqu’il est "virtuel" ou "anticipé"), qui est imprescriptible. D’ores et déjà, la loi Sapin II, en son article 35, étend aux collectivités territoriales et à leurs groupements et établissements publics, la possibilité déjà offerte à l’Etat et à ses établissements publics de céder des biens du domaine public sous condition de désaffectation.

L’abandon de la réforme du délit de favoritisme et la création d’une nouvelle agence anticorruption

Malgré l’insistance des sénateurs, les députés ont rejeté la réforme du délit de favoritisme qui avait pour objectif de le recentrer en punissant les acheteurs publics qui privilégient délibérément une entreprise et non ceux qui commettent une erreur matérielle dans l’application du droit de la commande publique. Rappelons que ce délit est applicable à l’ensemble des acheteurs soumis au droit de la commande publique et pas seulement aux personnes publiques (voir sur ce point notre article "Application généralisée du délit de favoritisme à l’ensemble des marchés publics").

En revanche, les contrats publics sont, naturellement, directement concernés par l’une des mesures phares de la loi Sapin II : la création de l’Agence française anticorruption (articles 1er à 5 de la loi). Ce nouvel organisme remplacera l’actuel Service central de prévention et de corruption qui avait été créé par la loi "Sapin I" du 29 janvier 1993 et sera doté d’une commission des sanctions.

Cette nouvelle agence sera chargée d’aider "les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées" – c’est-à-dire l’Etat, les collectivités territoriales et les lanceurs d’alerte – à prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Dans ce cadre, l’Agence française anticorruption élaborera des recommandations et sera chargée du contrôle, de sa propre initiative, de la qualité et de l’efficacité des procédures mises en œuvre au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des sociétés d’économie mixte, associations et fondations reconnues d’utilité publique.

En matière de commande publique, l’existence de cette agence est d’évidence susceptible de renforcer les contrôles qui s’exerceront sur la passation des contrats, et donc le risque de sanction.

Parution du décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016 relatif au développement de la facturation électronique

Le décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique, fixe les modalités d'application des nouvelles obligations de transmission et d'acceptation des factures électroniques dans le cadre de l'exécution des contrats conclus entre l'État, les collectivités territoriales ou les établissements publics et les titulaires ou les sous-traitants admis au paiement direct desdits contrats, étant précisé que ces obligations s'appliquent aux contrats en cours.

Pour les grandes entreprises et les personnes publiques, cette obligation de transmission et d’acceptation des factures électroniques s’appliquera à compter du 1er janvier 2017.

Fort justement, dans la présentation qu’elle en fait, la DAJ des ministères économiques et financiers attire l’attention des entreprises et des personnes publiques sur l’intérêt d’adapter, le cas échéant, les stipulations de leurs contrats afin que le dispositif de facturation électronique soit pleinement opérationnel.

Auteurs

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Kawthar Ben Khelil
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François Tenailleau
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