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Nouveau communiqué de procédure sur la transaction

Lettre Concurrence/Economie - Janvier 2019

31/01/2019

Le 27 décembre dernier, l'Autorité de la concurrence a dévoilé son communiqué de procédure sur la transaction, destiné à donner plus de lisibilité et de prévisibilité aux entreprises. Ce document a été élaboré sur la base de la pratique décisionnelle de l’Autorité et de la jurisprudence en la matière puis enrichi des contributions reçues dans le cadre de la consultation publique organisée au printemps 2018.

Issue de la loi Macron du 6 août 2015, la procédure de transaction a succédé, rappelons-le, à l’ancienne procédure de non-contestation des griefs et s’applique aux procédures dans lesquelles des griefs ont été notifiés après le 7 août 2015. Elle permet au rapporteur général de l’ADLC de soumettre à une entreprise qui ne conteste pas les griefs qui lui ont été notifiés une proposition de transaction fixant le montant maximal et le montant minimal de la sanction pécuniaire envisagée.

Cette proposition peut tenir compte des engagements pris par l’entreprise en vue de modifier son comportement. Lorsque l’entreprise accepte la transaction, l’ADLC prononce une sanction pécuniaire comprise dans la fourchette proposée et acceptée (cf. art. L. 464-2, III C. com.).

Depuis l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, une douzaine de transactions ont été rendues à propos de pratiques variées. Pour les entreprises, la transaction peut être synonyme de rapidité, d’économie de coûts procéduraux et de plus grande prévisibilité de la sanction ou à tout le moins d’une fourchette de sanction. Toutefois, elle vaut reconnaissance d’imputabilité de la pratique, ce qui peut constituer un frein dans la décision d’y recourir face au risque indemnitaire. Pour l’ADLC, elle se traduit à l’évidence par des gains procéduraux en termes de temps et d’utilisation de ressources et de moyens.

Le nouveau communiqué, longuement attendu, présente le déroulement concret d'une procédure de transaction et son appréhension par l’Autorité. Il revêt le caractère de lignes directrices, ce qui le rend opposable à cette dernière, sauf circonstances particulières ou raisons d’intérêt général pouvant la conduire à s’en écarter.

Champ d’application de la procédure

Les affaires dans lesquelles la procédure de transaction peut être mise en œuvre sont extrêmement variées puisqu’il s’agit de celles relatives aux différentes pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de domination, pratiques de prix abusivement bas visés par les articles L. 410-3, L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE) dès lors que des griefs ont été notifiés à une ou plusieurs entreprises, en application de l’article L. 463-2.

Comme sous l'empire de la procédure de non-contestation des griefs, l'ADLC admet que la procédure de transaction puisse être mise en œuvre conjointement avec la procédure de clémence. Ainsi, s’il l’estime opportun, notamment au regard de l’objectif de simplification et d’accélération des procédures, le rapporteur général peut proposer la mise en œuvre de la procédure de transaction à une entreprise bénéficiant du programme de clémence. L’entreprise conservera alors, dans le cadre de la transaction, le bénéfice de l’avis de clémence.

Le communiqué rappelle que, si ces deux procédures s’inscrivent dans une démarche de coopération de la part des entreprises concernées, elles ne contribuent toutefois pas dans les mêmes proportions à l’établissement des faits et au traitement des affaires, la clémence permettant d’établir l’existence d’une pratique et d’en identifier les auteurs alors que la transaction n’intervient qu’après la notification des griefs aux entreprises concernées, sur la base de l’enquête réalisée par l’Autorité. Ceci explique que la réduction de sanction obtenue dans le cadre d’une transaction soit nécessairement moindre que l’exonération, totale ou partielle, de sanction accordée au titre de la clémence.

Demande de mise en œuvre de la procédure de transaction

C’est à l’entreprise destinataire des griefs de solliciter auprès du rapporteur général, la mise en œuvre de la procédure de transaction, sans avoir à expliquer les raisons de sa démarche. Une information préalable sur le déroulement de la procédure peut avoir lieu, à l’initiative du rapporteur général, y compris avant l’envoi de la notification de griefs, étant souligné que l’entreprise concernée peut aussi prendre l’initiative de ce premier contact. En d’autres termes, les entreprises sont invitées à « entrer en transaction » avant la notification des griefs.

En tout état de cause, toute demande de transaction doit être faite le plus rapidement possible afin que le procès-verbal de transaction puisse être signé dans les deux mois de la réception de la notification de griefs. A défaut, l’Autorité n’y donnera pas suite, sauf circonstances exceptionnelles.

Si l’entreprise entend assortir sa demande d’engagements, elle doit l’accompagner des éléments permettant au rapporteur général d’apprécier le caractère substantiel, crédible et vérifiable de ces propositions.

Conditions d’éligibilité à la procédure de transaction

Pour être admise au bénéfice de la transaction, l’entreprise doit nécessairement renoncer à contester les griefs notifiés en déclarant, dans le procès-verbal, « en des termes clairs, complets, dépourvus d’ambiguïté et inconditionnels » qu’elle ne conteste :

  • ni la réalité de l’ensemble des pratiques en cause (c’est-à-dire la matérialité, la durée, le champ géographique des pratiques et sa participation à celles-ci) ;
  • ni leur qualification juridique, telle qu’elle résulte de la notification des griefs (ensemble des éléments constitutifs de l’infraction et, en particulier, l’objet ou l’effet anticoncurrentiel de la pratique) ;
  • ni leur imputabilité.

La renonciation à contester les griefs implique aussi de ne contester ni la régularité, ni le bien-fondé de la notification de griefs. La présentation ultérieure d’arguments remettant en cause, directement ou indirectement, la validité de la notification de griefs, vaudra renonciation au bénéfice de la transaction. En revanche, sous réserve de respecter ces conditions, l’entreprise peut présenter des observations sur les éléments susceptibles d’être pris en considération par le Collège pour déterminer le montant de la sanction pécuniaire qui pourrait être prononcée à l’intérieur de la fourchette retenue par le procès-verbal de transaction.

Comme précédemment, pour tenter de contrer le spectre des actions indemnitaires, le communiqué précise que « le fait de renoncer à contester les griefs ne constitue, en soi, ni un aveu, ni une reconnaissance de responsabilité de la part de l’intéressé » (cf. CA Paris 29 janvier 2008, n° 2006/07820, à propos de la procédure de non-contestation des griefs). Pour autant, la non-contestation des griefs n’en vaut pas moins reconnaissance d’imputabilité de la pratique.

Déroulement de la procédure devant les services d’instruction

Opportunité de la transaction. Le rapporteur général apprécie seul l’opportunité de recourir à la transaction : il n’est en aucun cas tenu de donner une suite favorable aux demandes qui lui sont adressées et l’existence d’échanges avec une entreprise ne préjuge en rien de la suite de la procédure.

Ce pouvoir d’appréciation s’exerce au cas par cas, au regard notamment des gains procéduraux escomptés pour l’Autorité. A cet égard, le communiqué indique clairement que l’Autorité entend, de façon générale, privilégier la mise en œuvre de la procédure de transaction dans les affaires dans lesquelles l’ensemble des parties renoncent à contester les griefs et sollicitent le recours à une telle procédure. Autrement dit, à défaut de renonciation collective à la contestation, une issue favorable risque d'être incertaine pour les entreprises candidates à la transaction.

Discussions préparatoires. En cas de pluralité de demandes de transaction, le rapporteur peut entreprendre des discussions avec chacune des entreprises concernées, notamment sur le niveau de réduction de la sanction envisageable en s’appuyant pour la détermination de la fourchette sur le Communiqué sanctions de l’ADLC du 16 mai 2011. Il peut informer les autres destinataires de la notification de griefs de l’existence de discussions en cours avec une ou plusieurs entreprises, en vue d’une transaction. Il reste libre de mettre fin à ces discussions à tout moment, tout comme les entreprises concernées ont la possibilité de renoncer à poursuivre la procédure.

Lorsque des engagements sont proposés, le rapporteur général doit apprécier leur pertinence puis s’assurer de leur caractère substantiel, crédible et vérifiable.

Le communiqué rappelle qu’aucun des éléments transmis par les parties n’a vocation à être versé au dossier d’instruction, y compris en cas d’achoppement de la procédure de transaction, et que le procès-verbal de transaction signé par une entreprise n’est communicable ni aux autres parties à la procédure ni à des tiers (CA Paris 6 juillet 2017, n° 2017/07296, Direct Energie).

Signature du procès-verbal. S’il estime que la transaction peut être mise en œuvre, le rapporteur général soumet à l’entreprise concernée une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Le montant de la réduction de sanction dépendra des circonstances de l’espèce.

Lorsque l’entreprise a obtenu le bénéfice conditionnel de la procédure de clémence, le rapporteur général tient compte de son l’apport à l’instruction lorsqu’il établit la proposition de transaction. Il en fait de même avec les engagements présentés par l’entreprise qu’il entend proposer à l’Autorité de rendre obligatoires.

Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l’entreprise approuve la proposition, le procès-verbal de transaction consigne l’accord entre l’entreprise et le rapporteur général. Il contient la déclaration de non-contestation des griefs accompagnée, le cas échéant, du texte des engagements proposés par l’entreprise ainsi que la proposition de fourchette de sanction. La signature du procès-verbal doit intervenir, sauf circonstances exceptionnelles, dans les deux mois de la notification des griefs. Le rapporteur général peut informer les parties qui n’ont pas sollicité le bénéfice d’une transaction de la signature d’un procès-verbal afin de leur permettre de déterminer si elles souhaitent présenter une demande à cette fin. Trois semaines au moins avant la séance, il informe l’ensemble des parties et le commissaire du Gouvernement qu’il va proposer à l’Autorité de prononcer une sanction comprise dans la fourchette arrêtée.

Décision du Collège

Si les conditions pour le prononcé d’une sanction sont réunies, le Collège prononce une sanction comprise dans la fourchette fixée par le procès-verbal de transaction en tenant compte, le cas échéant, du respect des conditions prévues par l’avis de clémence et de l’apport du demandeur de clémence à l’instruction.

S’il estime au contraire que ces conditions font défaut ou que les griefs ne sont pas fondés, il peut décider d’un renvoi à l’instruction selon la procédure de droit commun ; le procès-verbal de transaction est alors caduc.

Avant de statuer, l’Autorité vérifie que toutes les conditions d’éligibilité à la procédure de transaction sont réunies, le non-respect de l’une d’elles entraînant automatiquement le retour à la procédure de droit commun. Lorsque la procédure de transaction concerne plusieurs entreprises, le Collège peut décider d’organiser la séance en deux temps : 

  • une première partie commune à toutes les entreprises portant sur les griefs notifiés, les faits et la qualification des pratiques à laquelle le saisissant s’il est présent pourra, même si le Code de commerce ne le prévoit pas, participer et présenter ses observations, si l’Autorité l’estime utile. Dans cette perspective, le Collège pourra lui transmettre le texte des engagements de l’entreprise concernée ;
  • une seconde partie, consacrée à l’examen du montant de la sanction de chaque entreprise, où chaque signataire d’un procès-verbal de transaction est entendu, en présence du commissaire du Gouvernement et hors celle des autres mis en cause, et peut faire part de ses observations sur la fixation du montant de sa sanction, sans remettre évidemment en cause les faits et qualifications retenus par la notification des griefs.

L’Autorité doit déterminer le montant de la sanction pécuniaire infligée à chaque entreprise bénéficiant de la procédure de transaction en faisant application des critères et plafond légaux (cf. art. L. 464-2, I C. com.). A ce stade de la procédure, il n’y a pas lieu pour elle de recourir à la méthode de détermination des sanctions décrite dans le Communiqué sanctions du 16 mai 2011. Pour la prise en compte des engagements éventuellement souscrits par l’entreprise, le Collège vérifie que ces derniers sont bien substantiels, crédibles et vérifiables. Si tel n’est pas le cas, mais que l’entreprise propose des modifications permettant qu’ils le deviennent, le Collège peut rendre obligatoires les engagements ainsi améliorés et prononcer une sanction pécuniaire comprise dans la fourchette.

Communiqué de procédure de l’ADLC du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction


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