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Pénalités de retard : même non prévues, elles peuvent toujours être réclamées

par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat

27/05/2009

L’article L. 441-6 al. 12 du Code de commerce, issu de la loi NRE du 15 mai 2001 et récemment modifié par la LME du 4 août 2008, prévoit que « les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire ».

Mais quelle est la nature juridique exacte de ces pénalités destinées à dissuader les retards excessifs de paiement : pénalités purement contractuelles ou sanction légale ? De la réponse à cette question dépend la possibilité d’exclure ou non en pratique, par une clause spécifique, l’application de toute pénalité en cas de retard de paiement.

La Cour de cassation vient de trancher en faveur de leur caractère légal : après avoir énoncé que les dispositions de l’article L. 441-6, qui répondent à des considérations d’ordre public particulièrement impérieuses, sont applicables, dès la date d’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, la Haute juridiction a affirmé que les pénalités de retard pour non paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats (arrêt du 3 mars 2009).

Au cas particulier, après avoir obtenu en 2004 le paiement de plusieurs factures relatives à un marché de travaux privé exécuté en 2001, une entreprise avait poursuivi le recouvrement des intérêts de sa créance pour les années 2001 à 2003, calculés sur la base du taux majoré de l’article L. 441-6, et à titre subsidiaire, des intérêts de retard au taux légal. La Cour d’appel avait cru pouvoir écarter cette demande en relevant que l’entreprise de travaux ne justifiait pas de conditions générales de règlement fixées à ses clients et communiquées à son cocontractant à l’occasion de la signature du marché qui fondait sa créance ; puis elle avait considéré que la reconnaissance de dette signée au profit de l’entreprise après l’achèvement des travaux, qui prévoyait le règlement de la totalité de la dette en principal avant la mi-juillet 2002, sans intérêts ni pénalités de retard, ne relevait pas de l’article L. 441- 6. A tort !

L’absence de conditions générales de règlement n’interdit donc en aucune manière aux créanciers d’obtenir le versement d’intérêts de retard au taux supplétif. Pour favorable que soit cette solution, l’établissement de conditions générales présente à tout le moins l’intérêt d’exclure le risque de sanction pénale (amende de 15 000 euros) attachée au non respect de l’obligation d’avoir à mentionner dans ce document commercial les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard (art. L. 441-6 al. 13). De surcroît, avantage inattendu lié aux effets de la crise financière, il permet aux créanciers de fixer un taux de pénalités dissuasif (sans être excessif) à l’heure où le taux de refinancement de la BCE servant de base au calcul du taux supplétif semble perdre ce caractère en atteignant le niveau historiquement bas de 1,25 %. Enfin on peut penser au vu de la position de la Cour de cassation que, même lorsqu’elles auront été écartées contractuellement, les pénalités prévues par les conditions de règlement trouveront à s’appliquer au taux figurant dans ces dernières.

Article paru dans la revue Option Finance du 14 avril 2009

Auteurs

Elisabeth Flaicher-Maneval
avocat