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Une société commerciale peut-elle bénéficier du régime protecteur des non-professionnels issu du droit de la consommation ?

21/11/2011

L’article L.136-1 du code de la consommation prévoit que le prestataire de service doit informer « le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite » Si cette obligation n’est pas respectée, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat à tout moment à compter de la date de la reconduction.

Cette disposition est applicable tant aux consommateurs qu’aux non-professionnels : un consommateur est une personne qui contracte pour la satisfaction de ses besoins privés ; un non-professionnel est une personne qui conclut, pour les besoins de son activité professionnelle, un contrat dont l’objet ne relève pas de l’activité qu’elle exerce.

Comme pour d’autres textes du code de la consommation, la question de l’application de ces dispositions à des personnes morales se pose. En effet, si ces dernières peuvent difficilement être qualifiées de « consommateur », elles contractent en revanche régulièrement pour des prestations qui ne sont pas, a priori, dans le champ de leur activité. Peuvent-elles alors, dans cette hypothèse, être considérées comme des non-professionnels ?

La 1re chambre civile de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 23 juin 2011(1) que l’article L.136-1 du code de la consommation s’applique tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales dès lors qu’elles peuvent être considérées comme des non-professionnels. Ainsi peu importerait la forme de la personne concernée, seule l’activité exercée et l’objet du contrat en cause seraient pertinents pour apprécier l’application ou non du régime protecteur des non-professionnels.

Cependant, le champ d’application de ce régime vient d’être restreint par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans deux arrêts du 6 septembre 2011(2). La Cour, cassant les deux décisions des premiers juges, pose le principe selon lequel l’article L.136-1 du code de la consommation « ne concerne pas les contrats conclus entre sociétés commerciales ». Une société commerciale serait ainsi toujours présumée agir en tant que professionnel et ne pourrait donc jamais bénéficier des dispositions protectrice de ce texte, quelle que soit la nature de son activité et quel que soit l’objet du contrat qu’elle conclut. Cette solution est également celle qui prévaut pour l’application de la règlementation des clauses abusives.

Les personnes morales pouvant bénéficier du régime protecteur accordé aux non-professionnels ne pourraient donc être que des personnes morales non commerçantes lorsqu’elles concluent un contrat n’ayant aucun lien avec leur activité professionnelle.

Il reste que cette notion de « non-professionnel », et de lien direct avec l’activité, demeure floue en l’absence de définition textuelle précise. Il en découle une certaine insécurité juridique pour les prestataires de service. En s’abstenant de respecter le formalisme imposé par l’article L.136-1 du code de la consommation à l’égard de leurs clientes personnes morales non commerciales leurs clientes sociétés commerciales, ils risquent de voir celles-ci tirer prétexte du fait que l’objet du contrat n’a pas de lien avec leur activité pour résilier le contrat et provoquer ainsi une situation contentieuse.


1. Cass. 1e civ. 23 juin 2011 n° 10-30.645

2. Cass. com. 6 septembre 2011 n° 10-21.583 et n° 10-21.584

Par Mélanie Comert, Avocat,

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 21 novembre 2011