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Flash Concurrence - Projet de loi de modernisation de l'Economie (n° 842)

Délais de paiement (AN)

12/06/2008

L'Assemblée Nationale a adopté l'article 6 du projet LME relatif à la réduction des délais de paiement interentreprises en apportant quelques aménagements au texte déposé par le Gouvernement.

Nous vous présentons ci-après l'essentiel du dispositif retenu par les députés :

  • Plafonnement des délais de paiement contractuels. Aujourd'hui, sauf pour le secteur des denrées alimentaires et celui des transports, les parties peuvent décider librement de leurs délais de paiement, la seule limite étant que le délai convenu ne soit pas constitutif d'une pratique discriminatoire. En l'absence de dispositions contractuelles, un délai maximal de règlement est fixé au 30ème jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée (art. L. 441-6, al. 8 C. com.). En pratique ce délai supplétif de 30 jours a rarement l'occasion de s'appliquer, les CGV - ou, plus souvent, les CGA - prévoyant des délais conventionnels plus longs préjudiciables à la compétitivité des entreprises. Pour y remédier les délais contractuels seraient plafonnés, pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2009, à 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d'émission de la facture (date de réception des marchandises pour les importations dans les DOM) (art. 6 § I 1°, § IV et § VI nouveau LME). Ce plafond s'appliquerait également, dans le cas des commandes dites "ouvertes" (absence d'engagement ferme du donneur d'ordre sur la quantité de produits ou sur l'échéancier des prestations ou des livraisons), aux appels de commandes postérieurs au 1er janvier 2009 (art. 6 § V nouveau). 
  • Réductions sectorielles du plafond. S'inspirant de l'exemple de la filière automobile, l'article 6 § I du projet invitait par ailleurs, les professionnels d'un secteur, clients et fournisseurs, à décider conjointement la réduction de ce nouveau plafond et prévoyait que les accords conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles pourraient être étendus par décret à tous les opérateurs du secteur. Les députés ont complété ce texte en permettant également à un secteur d'activité de déroger, sur la base d'un accord interprofessionnel, à la règle de computation du délai en retenant comme point de départ de ce délai la date de réception de la marchandise ou d'exécution de la prestation. Le choix de cette computation, qui présenterait un intérêt tout particulier pour le secteur de la distribution et ne contrarie pas la directive 2000/35/CE relative à la lutte sur les retards de paiement, aurait vocation lui aussi à devenir opposable par voie réglementaire à l'ensemble des opérateurs du secteur. Observations : Les Pouvoirs publics ont pour objectif une réduction plus ambitieuse des délais de paiement (systématisation du délai de 30 jours). Pour y parvenir des négociations branche par branche doivent être menées jusqu'à la fin 2008 ; si à cette date les calendriers établis d'ici à la fin 2011 ne donnent pas satisfaction, un deuxième arsenal législatif serait alors proposé. On le voit, la volonté affichée est clairement de faire sortir la question des délais de paiement du champ de la "négociabilité" entre opérateurs économiques pour placer le débat au niveau des seules instances professionnelles. 
  • Dérogations sectorielles provisoires. Afin de tenir compte toutefois des spécificités de certains secteurs et faciliter l'application de la réforme, des dérogations exceptionnelles d'une durée limitée seraient possibles. Ainsi des accords interprofessionnels pourraient définir dans un secteur déterminé, pour une durée n'excédant pas le 1er janvier 2012, un délai de paiement maximal supérieur aux 60 jours calendaires, sous réserve du respect des conditions cumulatives suivantes (art. 6 III): - motivation du dépassement par des raisons économiques et spécifiques au secteur concerné (tels niveau des délais de paiement actuellement pratiqués ou contraintes liées à la rotation des stocks) ; - prévision par l'accord de la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et de l'application d'intérêts de retard en cas de non respect de cet objectif (cette dernière précision ajoutée par l'AN vise à dissuader l'allongement des délais au-delà des prévisions des accords interprofessionnels) ; - homologation de l'accord par décret après avis du Conseil de la concurrence. 
  • Pénalités de retard. Le taux minimal d'intérêt des pénalités de retard fixé par les parties serait porté de 1,5 fois à 3 fois le taux de l'intérêt légal. En l'absence de dispositions contractuelles spécifiques, ce taux serait égal au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points (contre 7 points aujourd'hui). 
  • Responsabilité civile. Tout délai de règlement supérieur au délai maximal serait considéré comme abusif et partant source de responsabilité civile pour celui qui l'aurait ainsi fixé. La date d'émission de la facture constituant le point de départ du nouveau délai plafond, le texte adopté par les députés intègre le risque de voir cette émission repoussée : il déclare abusif le fait pour le débiteur de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture, allongeant ainsi le délai de règlement effectif (art. 6 § II). Autre indice du souci d'écarter toute négociabilité en la matière. 
  • Contrôle des pratiques. Pour inciter au respect des délais comme de l'acquittement des pénalités de retard, les députés ont introduit l'obligation pour les sociétés dotées d'un commissaire aux comptes de publier des informations sur les délais de paiement pratiqués avec leurs partenaires économiques ; ces informations feraient l'objet d'un rapport du CAC qui serait tenu de l'adresser au ministre de l'Economie s'il démontre, de façon répétée, des manquements significatifs en la matière (art. 6 bis nouveau). Ce dispositif, qui s'appliquerait pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2009 selon des modalités précisées par décret, permettrait au ministre d'intenter, le cas échéant, une action civile aux lieu et place des entreprises pénalisées par les manquements qui pourraient être dissuadées de prendre cette initiative en raison des rapports de force en présence.

Calendrier

La discussion du projet, déclaré d'urgence, se poursuit à l'Assemblée nationale où le vote est prévu pour 17 juin prochain en vue d'une transmission au Sénat en fin de mois. L'examen du titre II relatif à la modernisation des relations commerciales, reporté après celui des autres titres du projet, a débuté hier avec le rejet de l'ensemble des amendements visant à introduire l'action de groupe en droit interne (la question sera traitée dans le cadre du projet de loi relatif à la dépénalisation du droit des affaires) et l'adoption de dispositions complétant la transposition de la directive de 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales.

Auteurs

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Nathalie Petrignet
Associée
Paris
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Bernard Geneste
Portrait deDenis Redon
Denis Redon
Associé
Paris
Mélanie Romert
Claire Vannini
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