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Le projet de loi « ALUR » et les baux d'habitation | Flash info Immobilier

21/10/2013

Source :
Projet de loi n°1179 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« ALUR »), adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 septembre 2013.

Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 septembre 2013, pourrait réformer significativement la sphère du logement. En effet ce texte, qui doit être discuté au Sénat à partir du 22 octobre prochain, modifie sensiblement les dispositions applicables aux baux d’habitation.

1 - Le champ d’application de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989

Le projet de loi ALUR définit la notion de « résidence principale » qui conditionne l’application de la loi du 6 juillet 1989 aux baux de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation. Il s’agit du « logement occupé au moins huit mois par an sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le bénéficiaire ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation »1.

Si la volonté de définir une notion jusqu’alors incertaine doit être saluée, il nous semble toutefois que la définition proposée n’est pas assez précise pour permettre de mettre un terme au contentieux actuel sur le champ d’application de la loi du 6 juillet 1989.

2 - Les conditions financières

  • Loyer

Modalités d’encadrement du loyer - Selon ses promoteurs, le projet de loi ALUR tend à un rééquilibrage des relations locatives en allant au-delà des apports du décret n°2012-894 du 20 juillet 2012 relatif à l’évolution de certains loyers.

Le régime d’encadrement des loyers prévu est applicable dans les zones dites « tendues », définies comme les « zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé des demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social, définies à l’article 232 du code général des impôts ». Dans ces zones, dont l’étendue est nécessairement évolutive, le projet de loi ALUR prévoit la création d’un observatoire local des loyers à l’initiative des collectivités territoriales ou d’un EPCI et agréé par le ministère chargé du logement2. En dehors de ces zones tendues, la fixation du loyer des logements demeure parfaitement libre.

Dans les zones tendues, le préfet devra, avec l’appui de l’observatoire local des loyers, fixer « chaque année, par arrêté, un loyer médian de référence, un loyer médian de référence majoré et un loyer médian de référence minoré, définis par référence à un prix au mètre carré de surface habitable, par type de logement et par secteur géographique ». Le loyer médian de référence majoré ne pourra être fixé à un montant supérieur à 20% du loyer médian de référence et le loyer médian de référence minoré ne pourra être fixé à un montant supérieur au loyer médian de référence diminué de 30%3.

Fixation du loyer initial - Même dans les zones tendues, le principe est la libre fixation du loyer initial du bail d’habitation entre les parties « dans la limite du loyer médian de référence majoré » en vigueur à la date de signature du contrat.

Un complément de loyer pourra toutefois être appliqué au loyer de base « pour des logements présentant des caractéristiques, notamment de localisation ou de confort, qui, par leur nature et leur ampleur, le justifient ». Ce texte, pour le moins lapidaire, renvoie à une notion de logement « hors du commun » justifiant un complément de loyer. En pratique, devrait se poser la question de savoir dans quel cas appliquer le loyer médian majoré (dont le montant ne peut être supérieur à 20% du loyer médian de référence) ou le complément exceptionnel de loyer. Le risque de contentieux sera d’autant plus grand que le locataire dispose d’un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour contester le montant de ce complément exceptionnel de loyer, en saisissant la commission départementale de conciliation et que, à défaut de conciliation, il bénéficie d’un nouveau délai de trois mois pour saisir le juge, étant précisé que la décision de conciliation ou le jugement a un effet rétroactif à la date de prise d’effet du bail3.

Révision du loyer - A défaut d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’un an suivant la date de prise d’effet du bail, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l’année écoulée. En revanche, si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d’un an, la révision de loyer ne prend effet qu’à compter de sa demande4.

Fixation du loyer du bail renouvelé - Dans les zones tendues, tant le bailleur que le locataire peut engager, lors du renouvellement du bail, une action en réévaluation du loyer, dès lors que le loyer est soit inférieur au loyer médian de référence minoré, soit supérieur au loyer médian de référence majoré.

  • Charges locatives

Le projet de loi ALUR impose la régularisation annuelle des provisions pour charges versées et prévoit, en cas de régularisation après le terme de l’année civile suivant l’année de leur exigibilité, la possibilité pour le locataire de solliciter un paiement fractionné sur une année5.

  • Garantie universelle des loyers (GUL)

Une garantie universelle des loyers (GUL) est créée. Ce dispositif, dont les modalités d’application seront précisées par décrets, s’appliquera aux contrats de location relevant de la loi du 6 juillet 1989 et aux logements meublés constituant la résidence principale du locataire conclus à compter du 1er janvier 2016. Il a pour objet de couvrir, sous la forme d’un « système d’aides, les bailleurs contre les risques d’impayés de loyer, afin de favoriser l’accès au logement et de prévenir les risques d’expulsion ». Sa mise en place et sa mise en œuvre seront contrôlées par un établissement public administratif de l’Etat créé au plus tard le 1er octobre 20146.

  • Autres dispositions notables

Le projet de loi ALUR prévoit que la rémunération des personnes mandatées pour se livrer ou prêter leur concours à l’entremise ou à la négociation d’une mise en location d’un logement, nu ou meublé, est à la charge exclusive du bailleur, à l’exception des honoraires liés à la réalisation de l’état des lieux et à la rédaction du bail7.

Par ailleurs, le délai de prescription des actions en paiement dérivant d’un contrat de bail d’habitation sera abaissé de cinq à « trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit »8.

3 - Les modalités de terminaison du bail

  • Congé du locataire

Dans les zones tendues (au sens entraînant l’application de l’encadrement des loyers), le locataire peut délivrer son congé avec un délai de préavis réduit à un mois, sans aucune autre condition.

Dans les autres zones, le délai de préavis demeure de trois mois. Toutefois, les cas ouvrant droit à un préavis réduit sont augmentés, étant précisé que, contrairement à la jurisprudence actuelle, le locataire doit, dans la lettre de congé, préciser le motif invoqué pour obtenir ce préavis réduit et en justifier expressément9.

  • Congé du bailleur (hors vente par lots)

Les seuils concernant les offres de relogement faites par le bailleur en cas de délivrance d’un congé à certaines catégories de locataires âgés et à faibles ressources sont modifiés. L’âge des locataires bénéficiant de cette offre est abaissé de 70 à 65 ans. Le seuil permettant au bailleur de s’exempter de cette obligation est, quant à lui, relevé de 60 à 65 ans9.

Par ailleurs, il est prévu qu’en cas d’acquisition d’un bien occupé, tout congé pour vente ou pour reprise n’est autorisé qu’au terme du premier renouvellement du bail en cours9.

Et le fait de délivrer un congé justifié frauduleusement par la décision de reprendre ou de vendre le logement serait passible d’une amende administrative de 3 000 € pour une personne physique et de 15 000 € pour une personne morale9.

  • Cas particulier de la vente par lots

Le projet de loi ALUR étend le champ d’application du régime institué par la loi Aurillac du 31 décembre 1975 aux ventes par lots affectant plus de cinq logements dans le même immeuble (au lieu de dix)10. Il reconnaît également un droit de préemption subsidiaire à la commune dans l’hypothèse où le locataire n’est pas en mesure financièrement d’user de son droit11.

  • Restitution du dépôt de garantie

Le bailleur est tenu de restituer le dépôt de garantie au locataire dans les deux mois à compter de la remise en mains propres ou par lettre recommandée avec accusé de réception des clés. En cas de défaut de restitution dans les délais, le dépôt de garantie est majoré d’une somme égale à 10% du loyer mensuel en principal par mois de retard. Dans les immeubles collectifs, le bailleur peut retenir une provision ne pouvant excéder 20% du montant du dépôt de garantie jusqu’à l’arrêté annuel des comptes de l’immeuble ; il doit restituer le solde dans le mois qui suit l’approbation définitive des comptes de l’immeuble12.

4- Les locations meublées

Le projet de loi ALUR rapproche considérablement le régime des locations meublées de celui des locations vides13. Par ailleurs, au cours des discussions parlementaires, ont été ajoutées des dispositions visant à encadrer d’avantage les meublés touristiques. Il est ainsi prévu un régime d’autorisation pour les locations de courte durée, étant précisé que le conseil municipal pourra créer un régime temporaire de location sans qu’il soit nécessaire de demander un changement d’usage14.

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Le projet de loi ALUR ne laisse insensibles ni les associations représentant les bailleurs, ni celles représentant les locataires, ni les syndicats d’agents immobiliers et encore moins nos élus (députés et sénateurs)15. Nombre d’entre eux sont inquiets des effets de la loi qui sera votée et projettent un renforcement de la crise du logement.

S’il part d’une volonté louable d’améliorer l’accès au logement, de renforcer la protection des locataires et de « réguler les excès du parc privé », voté en l’état ce projet pourrait bien, à notre avis, perturber les investissements immobiliers en France et aggraver, en réalité, la pénurie de logements dans les zones dites tendues.


1 Voir article 1er I 2° du projet de loi ALUR
2 Voir article 3 I 1°) du projet de loi ALUR
3 Voir article 3 I 2°) du projet de loi ALUR
4 Voir article 3 I 3°) du projet de loi ALUR
5 Voir article 3 I 12°) du projet de loi ALUR
6 Voir article 8 du projet de loi ALUR
7 Voir article 1er I 8°) du projet de loi ALUR
8 Voir article 1er I 11°) du projet de loi ALUR
9 Voir article 2 I 4°) du projet de loi ALUR
10 Voir article 2 II 2°) du projet de loi ALUR
11 Voir article 2 II 1°) du projet de loi ALUR
12 Voir article 3 I 9°) du projet de loi ALUR
13 Voir article 4 du projet de loi ALUR
14 Voir articles 6 ter à 6 sexies du projet de loi ALUR
15 Voir QE n°38281 JOAN 24 septembre 2013

Par Aline Divo, avocat associé et Chalotte Félizot, avocat

Auteurs

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Aline Divo
Associée
Paris