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Nouveaux usages de consommation et boutiques éphémères

Le droit des baux commerciaux est-il adapté à l’air du temps ?

23/07/2019

Aujourd’hui, l’offre de produits doit être de plus en plus variée et évolutive. Si la vente à distance explose, nombreux sont ceux qui souhaitent encore voir ou toucher avant d’acheter. Face à ces nouveaux défis, le commerce traditionnel a dû se réinventer. Le droit des baux commerciaux peut-il accompagner ces évolutions ?

De la philosophie traditionnelle en matière de baux commerciaux aux nouveaux besoins : le grand écart ? 

Le droit des baux commerciaux est pensé comme un outil régulant les rapports entre les bailleurs et locataires commerciaux. Il doit leur apporter la sécurité et assurer l’équilibre entre leurs intérêts respectifs. Ainsi, classiquement, le souhait du locataire est de pouvoir se maintenir le plus longtemps possible dans les locaux commerciaux, qui sont le centre de sa zone de chalandise.

Aujourd’hui, pourtant, le e-commerce connaît une forte croissance. Pour s’adapter à cette tendance, nombre d’enseignes renforcent leur activité de vente traditionnelle, en boutique, avec de la vente en ligne. Avec ces nouveaux modes de distribution, dématérialisés, la zone de chalandise devient illimitée.

Dans le même temps, pour satisfaire des consommateurs friands de nouveaux produits, mais susceptibles de se lasser vite, les boutiques éphémères se multiplient. Et dans ce cadre, ce n’est plus de sécurité, mais de flexibilité dont les locataires ont besoin.

Dans un contexte où les locaux commerciaux vides sont devenus fréquents, la montée en puissance des pop-up stores est inéluctable. Qu’est-ce qu’un pop-up store ? Il s’agit de magasins éphémères créés sur mesure pour la marque ou le produit à mettre en valeur, pour quelques jours, semaines ou mois.

Les magasins éphémères représentent ici l’opportunité de tester "dans le monde réel" le modèle de magasin sans s’engager définitivement et risquer d’écorner son image.

L’autre avantage du pop-up store : il permet à des marques uniquement présentes en ligne ou sur les grands sites d’e-commerce d’avoir un point de vente physique et d’interagir directement avec leur clientèle.

Statut des baux commerciaux et boutiques éphémères : un cadre à adapter

Le statut des baux commerciaux, qui s’inscrit dans la durée, semble par essence incompatible avec un besoin sporadique d’emplacement physique pour commercialiser des produits ou des services.

Rappelons qu’un bail commercial est conclu pour une durée minimale de neuf ans pour le bailleur et de trois ans pour le preneur. Le bailleur doit renouveler le bail à son échéance. Dans le cas contraire, il doit indemniser son locataire du préjudice lié au refus de renouvellement. L’évolution du loyer que ce soit en cours de bail ou lors du renouvellement du bail est également encadrée.

A priori, le statut des baux commerciaux ne saurait s’appliquer aux boutiques éphémères. En effet, il est de jurisprudence constante que : "le statut des baux commerciaux est applicable, nonobstant la qualification des parties donnée au contrat, à tout local stable et permanent, disposant d’une clientèle personnelle et régulière et jouissant d’une autonomie de gestion" (CA Aix-en-Provence, 20 janvier 2015, n° 13/00940). La cour d’appel d’Aix-en-Provence a ainsi jugé que le statut des baux commerciaux ne pouvait pas s’appliquer à un manège implanté dans un centre commercial dans la mesure où il pouvait être "installé sur site en 4 heures et était donc aisément démontable". 

Quels régimes locatifs peuvent alors être envisagés pour accueillir une boutique éphémère ? 

Certaines formules permettent d’envisager une occupation régulière, équilibrée, mais plus courte que la durée minimale de trois ans imposée dans le cadre d’un bail commercial. C’est le cas :

  • du bail dérogatoire :

Prévu à l’article L.145-5 du Code de commerce, le bail dérogatoire peut être conclu à la condition "que la durée du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans".

Un bailleur peut donc signer un ou plusieurs baux dérogatoires avec le même locataire, à condition que leur durée totale n’excède pas trois ans.

Il faut toutefois être attentif à l’échéance du bail car, si à l’expiration de la durée prévue "et au plus tard à l’issue d’un mois à compter de l’échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre".

Il est donc conseillé au bailleur de délivrer un commandement de quitter les lieux ou un congé pour éviter la requalification en bail commercial.

Conçu pour une occupation d’une durée limitée, le bail dérogatoire est le contrat le plus utilisé pour les locations de courte durée.

  • de la convention d’occupation précaire : 

Création d’origine prétorienne, la convention d’occupation précaire est aujourd’hui régie par l’article L.145-5-1 du Code de commerce.

Elle "se caractérise quelle que soit sa durée par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties".

Ainsi, alors que le bail dérogatoire prend fin à une date déterminée, la convention d’occupation précaire peut durer tant que le motif de précarité ayant justifié sa conclusion perdure.

Ce qui est important, dans ce cadre : caractériser le motif de précarité et ainsi justifier de l’existence de circonstances particulières ne relevant pas de la seule volonté des parties.

  • du contrat de prestation de service : 

Ce contrat permet d’échapper au statut d’ordre public des baux commerciaux et aux contraintes des baux dérogatoires. Il s’agit d’adjoindre à la location d’un espace, d’un lieu ou d’une boutique des prestations de service offertes à chaque occupant.

On ne rentre donc plus dans le champ d’application des contrats de location proprement dit, mais des contrats de service. Ainsi, des espaces peuvent être partagés sous forme d’open space ou d’emplacement individualisé, avec la particularité d’offrir des services communs à tous les utilisateurs de ce lieu.

Les services et prestations proposés doivent être clairement identifiés. Ils doivent être réels et listés dans le contrat de sorte que la jouissance du local n’en soit pas l’objet principal.

Il subsiste un risque de requalification en bail commercial lorsque l’exploitant occupe un emplacement stable et permanent, qu’il dispose d’une clientèle propre et d’une autonomie de gestion, et qu’il exploite dans les locaux un fonds de commerce.

A cet égard, la Cour de cassation a requalifié en bail commercial un "contrat de prestation de services réciproques" conclu aux fins de mise à disposition de locaux commerciaux dans un magasin d’usine (Cass. 3e civ, 19 novembre 2015, n° 14-13.882). La Cour avait relevé que le locataire disposait d’une clientèle propre, qu’il assumait seul les risques de son exploitation et qu’il disposait de son propre personnel. Et que les clauses de mobilité et de durée, qui permettaient unilatéralement au bailleur de faire obstacle à la stabilité du local et de réduire sa superficie, avaient été stipulées dans le but exclusif de contourner le statut des baux commerciaux. Ce montage était donc constitutif d’une fraude.

Enfin, quel que soit le régime locatif envisagé, l’ouverture d’un magasin éphémère doit faire l’objet d’une déclaration au RCS (Avis CCRCS n° 2015-27 du 27 novembre 2015).


Actualité des baux commerciaux :

Cet article a été publié dans notre Lettre des baux commerciaux de juillet 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Sandra Kabla