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Nouvelles obligations de transparence dès le 12 janvier 2016 pour certains OPC | Flash info Banque & finance

14/01/2016

Le Règlement (UE) 2015/2365 du 25 novembre 2015 relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et la réutilisation des titres (le « Règlement SFT ») a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, le 23 décembre 2015.

Ce texte s’inscrit dans le prolongement du plan d’action global sur le « renforcement de la surveillance et de la réglementation du système bancaire parallèle » adopté par le Conseil de stabilité financière (le « FSB »), le 29 août 20131.

La déclinaison européenne de ce plan d’action s’articule autour de deux volets reprenant les orientations du rapport du groupe d’experts Liikanen s’agissant des interactions entre le système bancaire traditionnel et le système bancaire parallèle et prévoyant, d’une part, l’adoption d’un projet de règlement sur les mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit toujours en discussion et, d’autre part, la mise en œuvre du Règlement SFT.

L’objectif affiché du Règlement SFT est de limiter le transfert des activités de financement vers des secteurs moins régulés dit shadow banking. En pratique, il ne limite pas les opérations de financement sur titres ni la réutilisation du collatéral. En revanche, il impose à tous les acteurs réalisant des opérations visées par le texte de déclarer ces dernières auprès des référentiels centraux et pour les organismes de placement collectifs (OPC) engagés dans ces transactions de divulguer certaines informations à leurs investisseurs. Il aura donc des conséquences organisationnelles importantes pour les acteurs de marché et, notamment, les gestionnaires d’OPC.

Les principaux points saillants du règlement peuvent être résumés ainsi :

1. Un champ d'application relativement large

Le Règlement SFT s’applique à toute contrepartie, quel que soit son statut d’entité financière ou non-financière réalisant une opération de financement sur titres ou un contrat d’échange sur rendement global, ce qui inclut :

  • le prêt/emprunt de titres ou de matières premières ;
  • les opérations d’achat ou vente à terme2 ;
  • les prises et mises en pension ;
  • les prêts avec appel de marge ;
  • les contrats d’échange sur rendement global (contrats dérivés de gré à gré)3.

A ce titre, sont concernés tous les gestionnaires d’OPCVM ou de FIA réalisant de telles opérations qu’ils soient situés dans l’Union ou qu’ils soient situés dans un pays tiers, dès lors que l’opération est réalisée dans le cadre de l’activité de leur succursale européenne ou que la réutilisation des titres concerne des instruments financiers fournis en vertu d’un contrat de garantie conclu avec une contrepartie située dans l’Union (en direct ou au travers de sa succursale européenne).

Sont exclus du champ d’application du Règlement SFT, les banques centrales et organismes à vocation similaire (Agence France Trésor, par exemple) ainsi que la Banque des règlements internationaux.

2. Des obligations de reporting aux référentiel centraux similaires à celles prévues par EMIR dans leur format et leur processus

L’obligation de reporting aux référentiels centraux4 s’applique à toutes les contreparties à une opération de financement sur titres. Aussi, les deux contreparties à une même opération devront-elles respecter les exigences prévues5. Une exception est toutefois prévue pour les contreparties non-financières se situant en deçà des seuils prévus par l’article 3 (3) de la directive 2014/34/UE définissant les entreprises de taille moyenne6. Dans ce cas, seule la contrepartie financière est chargée de faire la déclaration au nom des deux contreparties.

Lorsqu’un OPCVM ou un FIA est la contrepartie d’une opération de financement sur titres, l’obligation de déclaration pèse sur le gestionnaire7.

Les contreparties doivent déclarer aux référentiels centraux ou à défaut, à l'Autorité européenne des marchés financiers (l’« ESMA »), les éléments des opérations visées par le Règlement SFT au plus tard le jour ouvrable suivant leur conclusion, leur modification ou leur cessation, exception faite des contrats conclus avant la date d’entrée en application et dont la maturité est supérieure ou égale à 180 jours à compter de cette date. Pour ces contrats, les acteurs disposeront d’un délai de 190 jours à compter de la date d’application pertinente.

Les obligations de reporting sont applicables aux contrats :

  • conclus à la date d’application pertinente prévue par le Règlement SFT selon les catégories de contrepartie ou après celle-ci8 ;
  • conclus avant la date d’application pertinente prévue par le Règlement SFT selon les catégories de contrepartie et non dénoués lorsqu’ils ont une maturité ouverte à cette date ou ne sont pas encore dénoués 180 jours après cette date9.

Les contrats conclus avant la date d’application pertinente prévue par le Règlement SFT, selon la catégorie de contrepartie et non dénoués, ne seront pas soumis à l’obligation de reporting aux référentiels centraux s’ils ont une maturité inférieure à 180 jours.

A minima, les déclarations aux référentiels centraux devront prévoir :

  • l’identité des parties aux opérations visées par le Règlement SFT et, s’il est différent, le bénéficiaire des droits et obligations en découlant10 ;
  • le montant du principal ; la monnaie ; les actifs utilisés à titre de garantie ainsi que leur type, leur qualité et leur valeur ; la méthode utilisée pour fournir les garanties ; la question de savoir s’il existe ou non une faculté de réutilisation de la garantie ; lorsqu’il est possible de distinguer la garantie des autres actifs, le fait qu’elle a été ou non réutilisée ; toute substitution de garanties ; le taux de rachat, les honoraires de prêt ou le taux de prêt marginal ; toute décote ; la date de valeur ; la date d’échéance ; la première date où le rachat est possible ; et le segment du marché11 ;
  • selon la nature des opérations de financement sur titres, les contreparties auront également à fournir des éléments relatifs au réinvestissement des garanties en espèces, aux titres ou matières premières prêtées, ainsi qu’à la collatéralisation des positions12.

L’ESMA est chargée d’élaborer les projets de normes techniques de réglementation qui viendront préciser ces différents aspects et qui sont censés assurer la cohérence avec les exigences de reporting prévues par le Règlement n° 648/2012 dit EMIR, couvrant déjà les contrats d’échange sur rendement global en leur qualité de produits dérivés en ce qui concerne a minima les formats et les procédures opérationnelles de reporting aux référentiels centraux soumis au secret professionnel13.

Par ailleurs, toutes les contreparties doivent conserver un enregistrement des opérations qu’elles ont conclues ou modifiées durant une période minimale de 5 ans après la cessation de l’opération14, mais elles peuvent déléguer l’obligation de déclaration à des prestataires de services15.

Le Règlement SFT prévoit des plafonds maximaux pour les sanctions administratives pécuniaires que les autorités compétentes pourront prononcer en cas de non-respect de l’obligation de reporting aux référentiels centraux16.

3. Un renforcement du niveau d'information transmis aux investisseurs quant à la politique d'investissement et l'exposition des OPC

A. Transparence renforcée dans la documentation périodique

La section A de l’annexe du Règlement SFT détaille les informations que les rapports périodiques des OPCVM et des FIA devront contenir en la matière. Cette liste, au niveau 1, est déjà longuement détaillée, ce qui laisse présager des standards techniques de l’ESMA encore plus normatifs que ceux élaborés en application des précédentes initiatives portant obligation de reporting pour les fonds.

B. Transparence renforcée dans les documents précontractuels

La section B de l’annexe du Règlement SFT précise les éléments relatifs aux opérations de financement sur titres et aux contrats de rendement global à communiquer aux investisseurs au titre des prospectus.

Certaines de ces informations sont déjà prévues par la doctrine de l’AMF et en particulier par la position 2013-06 (sections sur les techniques de gestion efficiente des portefeuilles et la gestion des garanties financières) qui reprend les orientations de l’ESMA sur les fonds cotés (ETF) et autres questions liées aux OPCVM17.

D’autre part, un travail d’anticipation de la mise en œuvre du Règlement SFT avait été conduit de manière complémentaire dans le cadre de la mise à jour du guide AMF 2012-19, intervenue en janvier 2015 et venue renforcer les bonnes pratiques de Place en matière d’acquisition et de cessions temporaires de titres.

A noter cependant que certains éléments constituent de réelles nouveautés pour les acteurs français. Ainsi, l’évaluation des garanties prévoyant notamment la méthode d’évaluation des garanties et sa justification devront désormais être communiquées aux investisseurs.

D’autres éléments sont formalisés de manière beaucoup plus précise et prescriptive que ne l’ont fait les orientations ESMA et la position AMF 2013-06.

Aussi, l’AMF devrait-elle lancer très prochainement un travail de mise à jour des positions et instructions18 précisant les informations à communiquer aux investisseurs d’OPCVM dans les prospectus et la documentation périodique, de sorte à garantir la cohérence entre les textes de doctrine et le Règlement SFT d’application directe.

4. Un formalisme accru des contrats de garantie de collatéral

Le Règlement SFT précise à quelles conditions un contrat de garantie peut prévoir le droit à la réutilisation des titres sans préjudice des règles plus strictes applicables prévues par les directives OPCVM et AIFM, pour les OPC ou pour les actifs appartenant aux clients des entreprises d’investissement par la directive MIF 2 en application du principe de la lex specialis19.

A cet égard, le Règlement SFT précise les conditions préalables à la réutilisation des instruments financiers remis en collatéral. Ces conditions cumulatives20 prévoient :

  • l’information de la contrepartie fournisseuse de collatéral des risques et conséquences du défaut de la contrepartie ayant reçu le collatéral en garantie avec constitution de sûreté21 ou en pleine propriété22 ;
  • l’accord exprès de cette contrepartie fournisseuse de collatéral par signature ou moyen équivalent ; et
  • le transfert des instruments financiers, objet de la réutilisation depuis le compte de la contrepartie fournisseuse de collatéral23. C’est ce transfert qui matérialise la réutilisation des titres, sauf lorsque le compte de la contrepartie est situé dans un pays tiers prévoyant un autre mécanisme de traçabilité de la réutilisation des titres. Cette dernière exigence présente peu d’impact au regard des pratiques de Place du marché français prévoyant que le transfert de compte à compte des actifs réutilisés, se traduit sur le plan juridique par un transfert de propriété dans la quasi-totalité des cas.

Ces mesures devraient néanmoins donner lieu à un travail de revue des modèles de contrats existants, dans la mesure où le non-respect de ces dernières expose les acteurs aux mêmes sanctions administratives que celles prévues pour l’obligation de reporting aux référentiels centraux24.

5. Une entrée en application progressive des différentes exigences prévues par le Règlement

Pour tenir compte des contraintes liées à la complexité de la mise en œuvre des nouvelles obligations de reporting et de transparence, le Règlement SFT prévoit une entrée en application progressive de ces exigences tenant compte de la nature juridique des contreparties.

A. Pour les obligations de reporting aux référentiels centraux

L’entrée en application des obligations de reporting s’étale entre 12 et 21 mois après la publication des normes techniques de réglementation (RTS) par la Commission et est définie en fonction du statut juridique de la contrepartie25.

Catégories de contrepartie

Date prévue pour la mise oeuvre des obligations de reporting aux TR à partir de la date d'entrée en vigueur des normes techniques de réglementation (niveau 2)

Entreprises d'investissement, établissements de crédit et entités de pays tiers similaires soumises à agrément ou enregistrement

12 mois soit janvier 2018 (prévisionnel)

Contreparties centrales, dépositaires centraux de titres et entités de pays tiers similaires sou à agrément ou enregistrement

15 mois soit avril 2018 (prévisionnel)

Gestionnaire d'OPCVM et de FIA et autres contreparties financières telles que les entreprises d'assurance et de réassurance et les institutions de retraite professionnelles et entités de pays tiers similaires soumises à agrément ou enregistrement

18 mois soit juillet 2018 (prévisionnel)

Contreparties non financières

21 mois soit octobre 2018 (prévisionnel)



B. Pour les obligations d’information aux investisseurs d’OPC

La mise à jour de la documentation périodique des OPCVM et des FIA (rapports semestriels et annuels) doit intervenir avant le 13 janvier 201726.

En matière d’information précontractuelle, les fonds constitués à partir du 12 janvier 2016 doivent respecter les exigences prévues par le Règlement SFT à compter de cette date27. Cela inclut les OPC agréées ou déclarés avant cette date mais qui n’ont pas encore été créés et n’ont pas démarré leur activité, bien que leur nombre soit limité en France.

Les fonds constitués avant le 12 janvier 2016 disposent d’une clause de grand-père leur permettant de disposer d’un délai supplémentaire de 18 mois après la date d’entrée en vigueur du Règlement SFT. Ces derniers doivent mettre à jour la documentation des OPC qu’ils gèrent avant le 13 juillet 201728.

C. Pour les exigences de formalisme portant sur la réutilisation de titres

Les dispositions prévues par le Règlement SFT en matière de réutilisation de titres sont applicables à compter du 13 Juillet 2016 y compris pour le stock de contrats de garantie de collatéral en cours à cette date29.

6. Points d'actions immédiates :

  • mise à jour de la documentation périodique des OPCVM et des FIA constitués à partir du 12 janvier 2016 ;
  • mise à jour des prospectus des OPCVM et des FIA constitués à partir du 12 janvier 2016 ;
  • revue de la documentation contractuelle portant sur la réutilisation des titres avant le 13 juillet 2016.


1http://www.fsb.org/wp-content/uploads/r_130829c.pdf
2 Sell-buy back et buy-sell back
3 Total Return Swap (‘TRS’)
4 Trade Repositories (TR)
5 Double–sided reporting
6 Article 4 (3)
7 Article 4 (3) al 2
8 Article 4 (1) b)
9 Article 4 (1) a)
10 Article 4 (9) a)
11 Article 4 (9) b)
12 Article 4 (9) c)
13 Article 18
14 Article 4 (4)
15 Article 4 (2)
16 Article 22 (4) f) et g)
17 ESMA 2012/832 et ESMA 2014/937
18 Sont potentiellement concernées par ce travail de refonte : pour les OPCVM, l’instruction 2011-19 et la position 2013-06. Pour les FIA, l’instruction 2014-02 et les instructions 2011-20 à 2011-22
19 Considérant 24
20 Article 15
21 Security Collateral Arrangement – SCA tel que défini à l’article 2 (1) c) de la directive 2002/47/CE dite Directive Collatéral
22 Title Transfer Collateral Arrangement- TTCA tel que défini à l’article 2 (1) de la directive Collatéral. Etant entendu que l’article 16 (10) de la directive 2014/65/UE dite MiFID 2 prohibe la conclusion de TTCA avec la clientèle de détail.
23 Article 15 (2) b)
24 Article 22 (1)
25 Article 33(2) a)
26 Article 33(2) b)
27 Article 14
28 Article 33 (2) c)
29 Article 33 (2) d)

Auteurs

Portrait deJérôme Sutour
Jérôme Sutour
Associé
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Alexandre Marion