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Réforme du droit du travail : la loi d’habilitation définitivement adoptée !

23/08/2017

Comme annoncé lors de la campagne présidentielle, le premier grand chantier du Gouvernement est consacré à la réforme du droit du travail. S’inscrivant dans la continuité de l’esprit des lois Rebsamen du 17 août 2015 et El Khomri du 8 août 2016, cette réforme d’ampleur sera menée par le Gouvernement, habilité à légiférer par voie d’ordonnances.

Par le biais de flashs réguliers, nous vous tiendrons informés du processus d’adoption de ces ordonnances et en analyserons le contenu.

Le Parlement, a définitivement adopté, le 2 août 2017, la loi d’habilitation " à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social " qui autorise le Gouvernement à procéder, par ordonnances, à une nouvelle réforme du droit du travail.

Ces ordonnances devront être prises dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi, mais le Gouvernement entend légiférer selon un calendrier bien plus rapide : il a prévu de présenter les projets d'ordonnances aux partenaires sociaux au cours de la semaine du 21 août, avant de les envoyer au Conseil d'Etat et aux instances consultatives pendant la semaine du 28 août et de les rendre publics dès le 31 août.

Rappelons que ce texte a fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel le 9 août 2017, qui devrait rendre sa décision au cours de la semaine du 4 septembre prochain. En dépit de ce recours, le Gouvernement a confirmé sa volonté de respecter le calendrier initial, quitte à ajuster le texte en fonction de la décision du Conseil constitutionnel, dont nous vous tiendrons informés.

L’adoption des ordonnances devrait intervenir au Conseil des ministres du 20 septembre, pour une publication au Journal officiel prévue aux alentours du 25 septembre.

Les ordonnances entreront en vigueur, sauf dispositions contraires, immédiatement après leur publication. Toutefois, le Gouvernement devra nécessairement déposer le projet de loi de ratification au Parlement dans un délai de 6 mois. Tant que les ordonnances n'auront pas été ratifiées par le Parlement, elles sont susceptibles d'un recours devant le Conseil d'État et d'une suspension éventuelle en référé.

Le projet de loi d’habilitation présente en dix articles les différents domaines sur lesquels pourront porter les ordonnances, qui devraient être au nombre de neuf. Parmi l'ensemble des sujets traités, ceux qui nous paraissent les plus significatifs pour les entreprises sont :

Dans le domaine de la négociation collective

1. En ce qui concerne l'articulation entre l'accord de branche et l'accord d'entreprise, l’article 1er et l’article 4 de la loi d’habilitation affirment " la place centrale " de la négociation collective et autorisent notamment le Gouvernement à redéfinir leurs rapports.

Afin de clarifier cette articulation, les domaines de négociation seraient répartis en trois blocs :

  • le premier serait constitué des domaines dans lesquels les accords de branche priment toujours sur les accords d’entreprise ;
  • le deuxième serait constitué des domaines pour lesquels la branche a la faculté de faire primer son accord sur ceux d’entreprise ;
  • le troisième serait constitué des domaines pour lesquels la primauté serait accordée à l’accord d’entreprise, comme c'est déjà le cas en matière de durée du travail. L’accord de branche ne s’applique alors qu’à défaut d’accord d’entreprise.

En outre, l’accord de branche pourrait prévoir, dans certains domaines, que certaines de ses stipulations sont adaptées ou ne sont pas appliquées dans les petites entreprises couvertes par l’accord de branche, notamment celles dépourvues de représentants du personnel, afin de tenir compte de leurs contraintes particulières.

2. En ce qui concerne le contenu des accords, l’accord de branche pourrait définir, « dans les limites d’un cadre fixé par la loi », les règles relatives aux motifs de recours, à la durée, au renouvellement et à la succession sur un même poste ou avec un même salarié s’agissant des CDD, des contrats de travail temporaire ainsi que des CDI dits « de chantier » (art. 3 de la loi d'habilitation).

Par ailleurs, il sera possible de permettre « à l’accord collectif de déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires ».

3. En ce qui concerne les procédures de négociation, afin de faciliter la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégué syndical dont l'effectif est inférieur à un certain seuil, les modalités de négociation, de révision et de conclusion d’un accord collectif pourront être revues.

Enfin, les conditions de recours à la consultation des salariés pour valider un accord collectif pourront être assouplies. Alors qu’aujourd’hui, un tel référendum ne peut être à l’initiative que d’organisations syndicales ayant obtenu plus de 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, une telle consultation pourrait être organisée « à l’initiative d’un syndicat représentatif dans l’entreprise, de l’employeur ou sur leur proposition conjointe ».

Dans le domaine de la représentation des salariés

L’article 2 du projet de loi d’habilitation vise à « favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales ».

La loi prévoit la fusion en une seule instance des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Cette instance, qui devrait conserver l’intégralité des compétences des trois instances et qui aurait un budget de fonctionnement propre au moins égal à celui du CE, serait dénommée « comité social et économique ». Les ordonnances fixeront les conditions dans lesquelles peut-être créée, au sein de cette instance, une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

De plus, le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres du comité devra être fixé à trois « sauf exceptions ». Cette dernière mention viserait à tenir compte des situations dans lesquelles il serait difficile de trouver des candidats aux élections.

Enfin, il est prévu de reconnaître à cette instance des compétences en matière de négociation collective si une convention ou un accord collectif le prévoit.

Dans le domaine de la sécurisation de la rupture du contrat de travail

L’article 3 du projet de loi d’habilitation se fixe le double objectif de « renforcer la prévisibilité et ainsi de sécuriser la relation de travail ou les effets de sa rupture pour les employeurs et pour les salariés », ainsi que de modifier les dispositions relatives au licenciement pour motif économique.

1. En ce qui concerne les règles de procédure et de motivation applicables aux décisions de licenciement, le Gouvernement pourra légiférer sur les conséquences à tirer de la violation éventuelle de celles-ci, en amont ou lors du recours contentieux. La loi autorise également le Gouvernement à fixer les conditions dans lesquelles des irrégularités de procédure dans la conclusion du CDD entraînent sa requalification en CDI.

L’instauration d’un barème des indemnités versées au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est une nouvelle fois envisagée. Il s’agirait d’un référentiel obligatoire établi notamment en fonction de l’ancienneté du salarié. Ce barème ne concernerait pas les licenciements en cas de faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité, notamment en cas de harcèlement ou de discrimination.

L’ancienneté requise pour bénéficier d’une indemnité légale de licenciement sera à nouveau réduite. En effet, la condition d’ancienneté minimale exigée par la loi pour bénéficier d’une indemnité de licenciement pourra être diminuée voire même supprimée. En outre, le Gouvernement envisage une augmentation du montant de l’indemnité légale de licenciement.

2. En ce qui concerne le cadre juridique des licenciements économiques, le Gouvernement est habilité à modifier, par ordonnance, les conditions d’appréciation du motif économique des licenciements, mais aussi à adapter les règles relatives à l’obligation de reclassement et l’ordre des licenciements et à favoriser et sécuriser les plans de départs volontaires.

À noter enfin que des mesures correctives pourront être prises dans l’année suivant la promulgation de la loi d’habilitation afin d’harmoniser l’état du droit, d’assurer la cohérence des textes, d’abroger les dispositions devenues sans objet et de remédier aux éventuelles erreurs.