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Imputabilité au travail de l'accident

une présomption impossible à renverser ?

11/10/2019

Par trois décisions récentes rendues à propos de salariés victimes d'infarctus, le juge illustre à nouveau, la souplesse avec laquelle il applique la présomption d'imputabilité au travail de l'accident survenu au temps et au lieu de travail et la difficulté pour l'employeur de rapporter la preuve contraire.

La présomption d'imputabilité de l'accident survenu au temps et lieu de travail

Aux termes de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, "est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise". Il résulte de cette disposition que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, à moins que l'employeur n'établisse que le fait accidentel résulte d'une cause totalement étrangère au travail (Cass. 2e civ., 5 avr. 2007, n° 06-11.468).

Dans une première affaire, à propos d'un salarié décédé à la suite d'un malaise cardiaque survenu au début de la réunion mensuelle du comité de direction, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond qui, pour approuver la décision de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de ne pas prendre en charge le décès au titre de la législation professionnelle, a retenu que l'enquête administrative n'avait identifié aucune cause de stress important. Ainsi, la Cour a jugé que les éléments relevés par l'enquête selon lesquels "l'ambiance était qualifiée de très bonne ; que la réunion à laquelle la victime devait participer ne présentait aucune difficulté particulière ; que les relations de la victime avec son nouveau supérieur étaient très constructives et le dialogue très ouvert" étaient insuffisants à établir que la cause de l'accident était totalement étrangère au travail (Cass. 2e civ., 11 juill. 2019, n° 18-19.160).

Dans une seconde affaire, la deuxième chambre civile approuve les juges du fond d'avoir décidé que l'accident devait bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail, dès lors que "le salarié avait pointé, qu'il avait pris son poste même s'il ne s'était pas rendu immédiatement dans le magasin et se trouvait directement sous l'autorité de l'employeur, au temps et au lieu du travail". En outre, le fait que "les premiers symptômes soient apparus au cours du trajet entre le domicile et le lieu de travail n'était pas de nature à caractériser un accident de trajet, dès lors que le malaise avait eu lieu au temps et au lieu de travail" (Cass. 2e civ., 29 mai 2019, n° 18-16.183).

Il résulte de ces décisions que, si la présomption d'imputabilité au travail de l'accident survenu au temps et au lieu de travail est en principe une présomption simple, susceptible d'être renversée par la preuve contraire, la haute juridiction contrôle strictement la qualification juridique des faits retenue par les juges du fond. Ainsi, il ne suffit pas qu'il y ait un doute sur le lien existant entre l'accident et le travail, il est nécessaire qu'il soit établi que l'accident procède exclusivement d'une cause étrangère au travail. Or, une telle preuve s'avère en pratique difficile à rapporter.

Le cas particulier du salarié en mission

En dehors du régime des accidents de trajet, il est de jurisprudence constante qu'est un accident du travail, l'accident qui se produit alors que le salarié est en déplacement en vue d'accomplir une mission professionnelle pour le compte de son employeur. L'accident survenu en cours de mission bénéficie donc de la présomption d'imputabilité au travail, peu important à cet égard qu'il ait lieu à l’occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante (Cass. soc., 19 juill. 2001, n° 99-21.536 et n° 99-20.603). Dans ces conditions, le décès du salarié survenu, durant la nuit, dans sa chambre d’hôtel, doit être qualifié d'accident du travail (Cass. soc., 13 févr. 2003, n° 01-21.178).

La Cour de cassation a cependant apporté un tempérament à cette règle, en permettant à la CPAM ou, le cas échéant, à l'employeur, de renverser cette présomption d'imputabilité en rapportant la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel. Il a en effet été jugé que l'accident dont a été victime un salarié en mission après avoir effectué un détour qui n'était pas justifié  par les nécessités essentielles de la vie courante ou par l'exécution de son travail, n'est ni un accident du travail, ni un accident de trajet (Cass. 2e civ., 22 mars 2005, n° 02-30.858). Il en est de même de l'accident survenu à un moment où "la victime revenait d'une visite étrangère à son activité professionnelle dans un département qui n'était pas inclus dans son secteur commercial" (Cass. soc.,  20 sept. 2005, n° 04-30.332).

Pourtant, la jurisprudence récente admet de façon restrictive la preuve de l'interruption de mission : ainsi, s'agissant d'un salarié en mission en Chine qui s'était blessé à la main après avoir glissé en dansant dans une discothèque, la Cour de cassation a retenu que sa seule présence dans une discothèque ne pouvait suffire à démontrer l'absence de tout lien avec l'activité professionnelle du salarié et qu'aucun élément ne permettait d'exclure que le salarié s'y soit rendu pour les besoins de sa mission, par exemple, pour accompagner des clients ou des collaborateurs, de sorte que le salarié devait bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail (Cass. 2e civ., 12 oct. 2017, n° 16-22.481).

Allant plus loin, la cour d'appel de Paris a récemment décidé que le décès d'un salarié, survenu alors qu'il était en mission et après avoir eu un rapport sexuel, devait bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail. Elle décide en effet qu'il est constant qu'un rapport sexuel est un acte de la vie courante et que le fait qu'il soit consommé dans un autre lieu que la chambre d'hôtel réservée par l'employeur ne permet pas, à lui seul, de considérer que le salarié s'est placé hors de la sphère de l'autorité de l'employeur (CA Paris, 17 mai 2019, n° 16/08787).

L'employeur s'étant pourvu en cassation contre cette décision, il appartiendra à la Cour de cassation de se prononcer sur la qualification retenue par les juges du fond et notamment de préciser si tous les actes de la vie courante bénéficient de la présomption d'imputabilité au travail ou seulement ceux qui sont justifiés par les nécessités essentielles de celle-ci. Si cette décision particulièrement caricaturale devait se confirmer, on voit mal à l’avenir quelle situation permettrait de considérer que le salarié a interrompu sa mission.


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