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Les pressions exercées sur le médecin du travail justifient un licenciement pour faute grave

20/11/2018

Une décision du conseil de prud’hommes de Rambouillet obtenue par notre cabinet le 27 septembre 2018 valide le licenciement pour faute grave d’un salarié pour avoir exercé des pressions sur le médecin du travail afin qu’il modifie son avis médical. Analyse.

En l’espèce, un salarié engagé en qualité d’employé logistique a fait l’objet, le 22 décembre 2016 et le 26 janvier 2017, d’avis médicaux comportant des restrictions à l’exécution des tâches relevant de son poste de travail, établis par le médecin du travail du service de santé interne à l’entreprise.

Durant les mois de décembre 2016 et février 2017, le salarié s’est adressé plus de sept fois au cabinet médical soit en adressant des courriels au médecin du travail, soit en s’y présentant sans prévenir pour demander au médecin de modifier son avis médical ou qu’il établisse une déclaration d’accident du travail. Sur cette dernière demande, le médecin du travail l’a renvoyé, conformément à la procédure, vers le service des ressources humaines, seul compétent pour établir une telle déclaration.

En outre, malgré les demandes répétées du médecin du travail pour que le salarié lui communique les éléments médicaux relatifs à ses pathologies et justifiant, selon lui, des restrictions dans l’accomplissement de ses tâches quotidiennes, le salarié n’a fourni aucun des éléments demandés.

Compte tenu de l’attitude du salarié, le médecin du travail a adressé plusieurs courriels aux responsables des ressources humaines de l’entreprise (les 20 et 28 février ainsi que le 1er mars 2017) : 

  • pour indiquer qu’il se sentait l’objet de pressions de la part du salarié visant à lui faire modifier son avis médical à tel point qu’il envisageait d’en référer au service de l’Observatoire national de la sécurité des médecins auprès de l’ordre des médecins ;
  • puis pour faire une déclaration d’incident faisant montre d’une alerte, voire d’une véritable alarme.

Ces faits ont été confirmés par une attestation de l’infirmière du travail. Celle-ci faisait état, outre les manquements du salarié à la demande de communication des éléments médicaux réclamés par le médecin, d'éclats de voix et du fait qu’elle avait peur du salarié, qu’elle tremblait lors de ses visites et qu’une fois, elle s’était effondrée en larmes.

Au vu de ces éléments, le conseil de prud’hommes a décidé que le licenciement pour faute grave était justifié après avoir constaté que : 

  • le salarié s’était rendu pour le moins souvent au cabinet médical, sans pour autant démontrer ni l’urgence, ni la nécessité de ces déplacements ;
  • la motivation de ces visites restait d’obtenir la révision des avis restrictifs émis par le professionnel de santé au travail ;
  • le salarié avait fait montre d’un comportement emporté provoquant de l’inquiétude, de la crainte, un sentiment d’insécurité chez les personnels du cabinet.

Cette décision présente l’intérêt de rappeler que si le salarié est toujours en droit de solliciter le service de santé au travail et peut bénéficier à sa demande d’une visite auprès du médecin du travail lorsqu’il le souhaite (C. trav., art. R.4624-34), il doit s’abstenir de toute pression visant à obtenir de ce dernier la modification de l’avis médical établi. En effet, le médecin demeure seul juge de l’aptitude du salarié à exercer les tâches qui lui sont confiées par l’employeur, sauf à ce que le salarié conteste cet avis dans les conditions prévues par la loi en saisissant le conseil de prud’hommes (C. trav., art. L.4624-7), ce qu’il s’était abstenu de faire en l’espèce.

Il convient toutefois de souligner que, le salarié ayant interjeté appel de la décision du conseil de prud’hommes, celle-ci n'est pas définitive. Il sera particulièrement intéressant de voir l'analyse retenue par la cour d'appel de Versailles, désormais saisie de l'affaire.