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Licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le barème d'indemnisation validé par la Cour de cassation !

17/07/2019

Après de longues péripéties juridiques, le barème d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse a fait son entrée dans l'ordre juridique par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ratifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. Dès son entrée en vigueur, la question de sa conformité aux engagements internationaux et européens de la France, a suscité des débats devant les conseils de prud'hommes, donnant lieu à des décisions contradictoires. Saisie d'une demande d’avis par les conseils de prud'hommes de Louviers et de Toulouse, dont l'une était suivie par CMS Francis Lefebvre Avocats, aux côtés de Me François Pinatel, la formation plénière de la Cour de cassation s'est prononcée le 17 juillet 2019 en faveur de la conventionnalité du barème.

La genèse troublée du barème d'indemnisation

En vue de répondre à un double objectif d'harmonisation des dommages-intérêts alloués par les juridictions et de prévisibilité du coût de la rupture pour les employeurs, un premier barème obligatoire d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse a été institué par le projet de loi pour la croissance et l'activité définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 10 juillet 2015. Ce barème a cependant été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 5 août 2015 (décision n° 2015-715 DC) parce qu'il instituait une différence de traitement injustifiée entre les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse en fonction de la taille de l'entreprise.

Un second barème a été introduit à l'article L.1235-3 du Code du travail par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. Applicable aux licenciements notifiés à partir du 24 septembre 2017, ce barème fixe le plancher et le plafond de l'indemnisation à laquelle peuvent prétendre, en fonction de leur ancienneté et de leur salaire, les salariés dont le licenciement a été prononcé sans motif valable.

Saisi d'un référé aux fins d’obtenir la suspension de l'ordonnance, le Conseil d'État s'est prononcé en faveur de la conformité du barème d'indemnisation aux textes internationaux et a rejeté le recours (CE, 7 déc. 2017, n° 415.243).

Saisi à son tour de la loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-1387, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L.1235-3 du Code du travail, conforme à la Constitution (Cons. const., 21 mars 2018, n° 2018-761 DC).

Les textes internationaux invoqués à l'encontre du barème d'indemnisation

La conventionnalité du barème était contestée au regard de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de l'article 24 de la Charte sociale européenne qui prévoient tous deux qu'en cas de licenciement injustifié, le travailleur lésé a droit à une indemnité "adéquate" ou à une autre réparation "appropriée".

Néanmoins pour pouvoir être utilement invoqués dans un litige individuel, il est nécessaire que les textes en cause soient d'application directe dans l'ordre juridique interne et pas seulement dans les relations entre les Etats signataires de ces textes. Or, est seule pourvue d'effet direct la stipulation d'un texte international qui "n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers" (CE, 11 avr. 2012, n° 322.326).

Pour l'essentiel, les partisans de l'inconventionnalité du barème soutiennent :

  • d'une part, que les stipulations de la Charte sociale européenne sont d'application directe et peuvent donc être utilement invoquées dans un litige entre particuliers ;
  • d'autre part, que le barème d'indemnisation institué par la loi ne permet pas de verser une indemnité "adéquate" au salarié lésé, celle-ci devant s'entendre d'une réparation intégrale du préjudice subi, à l'exclusion de tout plafond.

La décision de la Cour de Cassation sur le barème d'indemnisation

Revenant sur sa jurisprudence antérieure (Cass., avis, 16 déc. 2002, n° 00-20.008 ; Cass., avis, 1er déc. 2003, n° 00-00.000 ; Cass., avis, 8 oct. 2007, n° 07-00.011 ; Cass. avis, 12 juil. 2017, n° 17-70.009), la Cour de cassation décide que "la compatibilité d'une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales peut faire l'objet d'une demande d'avis, dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l'analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond".

Elle écarte l'application des dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne qui, laissant aux Etats contractants une large marge d'appréciation, ne peuvent être directement invoquées dans un litige entre employeurs et salariés.

La formation plénière de la Cour de cassation se prononce en faveur de la conventionnalité du barème. A l'appui de sa décision, elle énonce que "les dispositions de l'article L.1235-3 du Code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail".

La Cour de cassation valide ainsi sans réserve le barème. A cet égard, elle précise que les dispositions qui prévoient pour un salarié ayant une année complète dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, l'Etat n'ayant fait qu'user de sa marge d'appréciation. 

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Cette décision met fin à l'imbroglio juridique suscité par l'entrée en vigueur du barème d'indemnisation et sécurise définitivement les entreprises.

Ainsi, le barème Macron a été sauvé. Sur le plan du droit, cette décision était attendue et elle est parfaitement justifiée. En France, la réparation "adéquate" prévue par les textes internationaux ne repose pas uniquement sur le barème. Le système d'indemnisation est plus complet car notamment les autres préjudices non liés à la perte injustifiée de l'emploi sont toujours indemnisables, et il existe une possibilité pour écarter l'application du barème. En effet, le barème n'est pas un "blanc seing" aux employeurs irrespectueux des droits fondamentaux des salariés. Dès lors que le licenciement prononcé viole une liberté fondamentale, le barème serait écarté par la nullité du licenciement. Dans ce cas, aucun maximum ne serait applicable, le juge pouvant aller s'il le souhaite au-delà des maximums du barème. Le système français est donc parfaitement équilibré entre les objectifs louables de sécurisation juridique et de prévisibilité des employeurs et une indemnisation "adéquate" du préjudice subi des salariés.

Sur le plan de la politique économique, le barème correspond aux attentes des employeurs d'une meilleure prévisibilité des coûts afférents au licenciement qui pourrait être considéré comme injustifié pour des raisons d'absence de preuve infaillible, de doute en faveur du salarié ou d'absence de motivation économique du licenciement, dont la caractérisation n'est pas toujours aisée en pratique. En tout état de cause, les investisseurs étrangers sont très attentifs à ce type de considération.

Ainsi, la Cour de cassation consacre, après le Conseil constitutionnel, la légalité de l'une des mesures essentielles des ordonnances Macron.


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