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Mise en place du CSE et définition des établissements distincts

La négociation est un préalable obligatoire

26/04/2019

Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 18-22.948

Poursuivant son travail d’interprétation des dispositions issues des ordonnances Macron, la Cour de cassation juge que l’employeur ne peut fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place du comité social et économique (CSE) qu’après avoir vainement tenté de négocier avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Elle précise également que toutes les organisations syndicales de l'entreprise doivent être informées de cette décision unilatérale pour faire courir le délai de contestation de 15 jours devant le Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).

L’ouverture des négociations sur le nombre et le périmètre des établissements est un préalable obligatoire à la décision unilatérale de l’employeur

En l’espèce, un employeur avait invité les organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral pour la mise en place d'un CSE unique. Ces dernières avaient refusé de participer à cette négociation en l’absence de négociation préalable sur le nombre de CSE à mettre en place au sein de l’entreprise.

Le Direccte avait alors été saisi :

  • par l’employeur pour que soit fixé, à défaut de signature du protocole d’accord préélectoral, la répartition des sièges et électeurs dans les collèges. Le Direccte avait rendu une décision permettant à l’employeur d’organiser les élections professionnelles ;
  • par les syndicats qui demandaient qu’il soit fait injonction à l’employeur de négocier sur le nombre et le périmètre des établissements distincts. Le Direccte avait fait droit à leur demande, ce qu’avait confirmé le tribunal d’instance.

Devant la Cour de cassation, l’employeur a d’abord contesté l’injonction qui lui était faite de reprendre les négociations sur le nombre et le périmètre de mise en place du CSE.

Selon l’article L.2313-2 du Code du travail, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE est déterminé par un accord d’entreprise. L’article L.2313-4 du même code précise que "en l’absence d’accord, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel".

L'articulation entre ces dispositions pouvait donner lieu à deux interprétations :

  • soit ces dispositions sont alternatives, de sorte que l’employeur dispose d’une liberté de choix entre la voie unilatérale ou la voie négociée pour définir le découpage de l’entreprise en établissements distincts ;
  • soit ces dispositions s’appliquent de façon subsidiaire, de sorte que la priorité doit être donnée à la négociation d’un accord, et ce n’est qu’en cas d’échec de celle-ci que l’employeur peut, par décision unilatérale, décider du nombre et du périmètre des établissements distincts.

La Cour de cassation, au regard de la prévalence accordée par le législateur à la négociation collective pour la détermination du processus électoral et de l’importance particulière, à cet égard, de la détermination du périmètre de mise en place des institutions représentatives du personnel1, tranche en faveur de la seconde interprétation en affirmant qu’ "il résulte de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts".

Elle en déduit que si l’employeur n’a pas loyalement engagé de négociations préalables, sa décision unilatérale doit être annulée, sans que le Direccte n’ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n’ont pas été préalablement engagées.

La décision unilatérale de l’employeur doit faire l’objet d’une information spécifique et préalable

L’employeur a ensuite contesté la régularité de la saisine du Direccte par les syndicats de l’entreprise au motif que le délai de contestation de la décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts de 15 jours avait expiré.

L’article R.2313-1 du Code du travail prévoit en effet que "lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L.2313-4, l’employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information. [Ces dernières] peuvent dans le délai de 15 jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, contester la décision de l'employeur devant [le Direccte]".

Néanmoins, la Cour de cassation, au regard de l’importance particulière conférée par l’article R.2313-1 du Code du travail à l’information de l’employeur portant à la connaissance des organisations syndicales sa décision unilatérale, précise que la notification de la décision prise par l’employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts consiste "en une information, spécifique et préalable à l’organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis".

Or, en l’espèce, l’employeur s’était contenté d’indiquer aux organisations syndicales, à l’occasion de leur invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral, que ce scrutin s’effectuerait sur le périmètre d’un CSE unique. La chambre sociale a donc considéré qu’il ne s’agissait pas de l’information spécifique permettant de faire courir le délai de recours devant le Direccte conformément à l’article R.2313-1 du Code du travail.

La saisine du Direccte interdit l’organisation des élections professionnelles

Enfin, l’employeur a fait valoir que les syndicats n’ayant formé aucune demande d’annulation des élections dans le délai de contestation de 15 jours suivant les élections professionnelles, prévu par l’article R.2314-24 du Code du travail, les élections étaient purgées de tout vice, ce qui rendait l’ensemble du contentieux sans fondement car sans effet.

En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, un contentieux préélectoral perd son fondement juridique si avant qu’il soit définitivement tranché, les élections ont lieu sans être contestées (Cass. soc., 4 juil. 2018, n° 17-21.100).

Dans la note jointe à l’arrêt, la Cour de cassation explique que cette jurisprudence est inapplicable au cas d’espèce puisque :

  • d’une part, la contestation du périmètre des élections n’est pas une contestation préélectorale dès lors que la détermination de ce périmètre peut se faire à tout moment par accord collectif de droit commun ;
  • d’autre part et surtout, en cas de saisine du Direccte sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, le processus électoral est suspendu jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin (C. trav., art. L.2313-5). Dès lors, pendant cette période, les délais de contestation du processus électoral sont également suspendus, et ne recommencent à courir qu’à compter de la notification de la décision du Direccte.

Au cas d’espèce, l’employeur avait organisé les élections alors que le Direccte, saisi d’une contestation sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, n’avait pas statué sur ce nombre, puisqu'il avait renvoyé à l’obligation préalable de négociation des parties. Il en résultait que les délais de recours contre les élections déjà organisées n’avaient pas commencé à courir.

La Cour de cassation décide ainsi que "les élections organisées par l’employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l’objet d’une demande d’annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi le Direccte d’une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l’article R.2314-24 du Code du travail".

Ces nouvelles précisions sont les bienvenues tant le processus de mise en place du CSE, qui doit s'achever au plus tard le 31 décembre 2019, est actuellement au cœur des préoccupations des entreprises.


1 Note explicative relative à l’arrêt n° 680 du 17 avril 2019 (n° 18-22.948)


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