Home / Actualités / Harcèlement sexuel au travail : la frontière avec...

Harcèlement sexuel au travail : la frontière avec le jeu de séduction

Pas de harcèlement sexuel en cas de jeu de séduction réciproque mais un motif réel et sérieux de licenciement

18/10/2019

La caractérisation du harcèlement sexuel repose sur des éléments de faits relevant du pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond. Rares sont en ce domaine les décisions de la Cour de cassation portant sur la qualification des faits retenue. La décision de la chambre sociale du 25 septembre 2019 (n° 17-31.171) illustre la frontière entre jeu de séduction et harcèlement sexuel.

L'attitude de la victime prise en compte dans la caractérisation du harcèlement sexuel

Aux termes de l'article L.1153-1 du Code du travail, le harcèlement sexuel est caractérisé par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui :

  • soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
  • soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Par ailleurs, sont assimilés à du harcèlement sexuel les faits consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Le non consentement de la victime est un des éléments constitutifs du harcèlement sexuel, qui suppose des actes imposés par leur auteur, et donc subis et non désirés par la victime.

En effet, alors que dans la séduction, les relations sont égalitaires et réciproques ; dans le harcèlement, l'auteur ne tient pas compte des désirs, des choix et du consentement de l'autre1.

Pour caractériser ou non des faits de harcèlement, le juge doit apprécier l'existence ou l'absence de consentement de la personne se plaignant de harcèlement sexuel en fonction d'un faisceau d'indices, tels que, notamment, le contexte dans lequel se sont déroulés les faits et l'attitude de l'intéressé.

Au cas d'espèce, un responsable d'exploitation avait envoyé, de manière répétée et pendant deux ans, des SMS au contenu déplacé et pornographique, par l'intermédiaire de son portable professionnel, à sa subordonnée. Après y avoir répondu pendant plusieurs mois, la salariée s'était finalement plainte de harcèlement sexuel. Licencié pour faute grave, le supérieur hiérarchique contestait le bien-fondé de son licenciement.

Après avoir constaté que la salariée avait adopté un comportement ambigu à son égard, la cour d’appel de Versailles, exclut la qualification de harcèlement sexuel. La Cour de cassation adopte la même solution que les juges du fond en retenant "qu'ayant constaté (…) d'une part que la salariée se plaignant de harcèlement sexuel avait répondu aux SMS du salarié, sans que l'on sache lequel d'entre eux avait pris l'initiative d'adresser le premier message ni qu'il soit démontré que ce dernier avait été invité à cesser tout envoi, et qu'elle avait, d'autre part, adopté sur le lieu de travail à l'égard du salarié une attitude très familière de séduction, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l'encontre de la salariée, en a exactement déduit que l'attitude ambiguë de cette dernière qui avait ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque excluait que les faits reprochés au salarié puissent être qualifiés de harcèlement sexuel". Les faits en cause n'étaient donc pas constitutifs d'une faute grave.

Cette solution n'est pas nouvelle puisque la Cour de cassation avait déjà admis que le comportement tendancieux d'un salarié vis-à-vis de l'une de ses subordonnées ne constituait pas une faute grave (constitutif de harcèlement sexuel) dès lors que les seuls actes établis à son encontre s’inscrivaient "dans le cadre de relations de familiarité réciproques avec la personne qui s’en plaignait" (Cass. soc, 10 juill. 2013, n° 12-11.787).

Le comportement du salarié victime constitue donc un élément à prendre en considération pour déterminer si les propos ou comportements à connotation sexuelle adoptés à son égard sont, ou non, admissibles.

Pour autant, même non constitutif d’un harcèlement sexuel, le jeu de séduction peut justifier le licenciement du salarié qui en est l'auteur.

La perte d'autorité et de crédibilité du supérieur hiérarchique constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement

Pour contester son licenciement, le supérieur hiérarchique faisait valoir que l'utilisation de son téléphone professionnel pour procéder à des échanges de SMS privés avec un autre salarié constituait un fait de la vie personnelle et ne pouvait donner lieu à un licenciement disciplinaire.

La Cour de cassation ne partage pas cette analyse. Elle considère que par l'envoi de SMS au contenu déplacé et pornographique depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et pendant deux ans, à une salariée dont il avait fait la connaissance sur son lieu de travail, le supérieur hiérarchique avait adopté un comportement lui faisant perdre toute autorité et toute crédibilité dans l'exercice de sa fonction de direction dès lors incompatible avec ses responsabilités.

Elle décide donc que ces faits se rattachent à la vie de l'entreprise et peuvent justifier un licenciement disciplinaire.

A cet égard, la Cour de cassation avait déjà jugé que "les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l'égard de personnes avec lesquelles il était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle" (Cass. soc., 19 oct. 2011, n° 09-72.672).

En outre, se retranchant derrière l'appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation approuve la Cour d'appel d'avoir requalifié la faute grave en cause réelle et sérieuse de licenciement. Ces faits s'étant répétés entre 2011 et 2013, ils n'étaient pas constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'actualité jurisprudentielle, tant en matière de harcèlement sexuel que moral, montre que ce contentieux ne faiblit pas. Il connaît même un nouvel essor depuis l'entrée en vigueur du barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lequel n'est pas applicable en cas de nullité du licenciement consécutive à une situation de harcèlement. L'invocation d'un harcèlement moral ou sexuel constitue dès lors un moyen d'obtenir des dommages-intérêts plus importants. Les entreprises doivent donc redoubler de vigilance et veiller au strict respect de leurs obligations en matière de prévention et de traitement de ces situations.

________________________________________
1 Harcèlement sexuel et agissements sexistes : guide pratique et juridique, publié sur le site du ministère du Travail, 8 mars 2019.


Harcèlement moral et sexuel au travail

Encart lire également bleu 220x220

Lire également :


Harcèlement moral ou sexuel et agissements sexistes : prévenir et agir

Afin de protéger votre entreprise de la mise en cause de sa responsabilité en cas d'harcèlement ou d'agissements sexistes, découvrez l'offre d'accompagnement de notre cabinet d'avocats : vous accompagner dans la lutte contre le harcèlement sous toutes ses formes et agissements sexistes

brochure harcèlement 800x300

En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

actualité droit du travail 330x220

Toute l'actualité du droit du travail

nous contacter 330x220

Nous contacter