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Transparence financière et contestation de la désignation

Cass. soc., 17 oct. 2018, nos 17-19.732 et 18-60.030

09/11/2018

La désignation des représentants syndicaux dans l’entreprise, tels que les délégués syndicaux (DS) et les représentants de section syndicale (RSS), est souvent source de contentieux. Enfermée dans un délai extrêmement court (15 jours), la contestation d’une telle désignation peut être fondée sur l’absence de respect du critère de transparence financière par l’organisation syndicale en cause.

Tout syndicat, qu’il soit représentatif ou non, doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière. Ce principe est clairement affirmé depuis 2017 par la Cour de cassation (Cass. soc., 22 févr. 2017, n° 16-60.123).

Deux arrêts récents, rendus le 17 octobre 2018, illustrent la mise en œuvre de ce principe s’agissant de la contestation de deux désignations de RSS. Ce faisant, la Cour de cassation offre de précieux indices sur les cas dans lesquels l’employeur peut faire tomber une désignation sur le fondement de l’absence de satisfaction du critère de transparence financière.

Appréciation souple de la nature des documents comptables exigés

Dans les deux arrêts du 17 octobre 2018, la Cour de cassation pose le principe suivant : "les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d’autres documents produits par le syndicat et que le juge doit examiner".

Ainsi, elle offre une certaine souplesse aux organisations syndicales s’agissant des éléments de preuve qu’elles peuvent produire devant le juge afin de prouver le respect du critère de transparence financière. En d’autres termes, en l’absence de l’établissement de certains documents obligatoires en vertu de la loi, une organisation syndicale pourra tout de même démontrer qu’elle satisfait au critère de la transparence financière.

Au cas particulier, dans la première affaire commentée (n° 17-19.732), un RSS avait été désigné par une organisation syndicale en date du 3 janvier 2017. Le syndicat en cause avait publié, en août 2016, ses comptes approuvés au titre des années 2013 et 2014. Les documents comptables afférents au dernier exercice (2015) n’étant pas publiés, l’employeur a fait valoir que le critère de transparence financière n’était pas respecté. Il est toutefois débouté par le tribunal d’instance et la Cour de cassation qui ont estimé que les documents relatifs aux exercices 2013 et 2014, régulièrement approuvés et publiés avant la désignation du RSS et l'approbation ainsi que la publication des comptes 2015 quelques mois après permettaient d'établir que le syndicat satisfaisait au critère de transparence financière.

Compte tenu de la portée très générale du principe posé par la Cour de cassation, on peut s’interroger sur le point de savoir si la solution aurait été identique si les documents comptables afférents à l’exercice 2015 n’avait pas été publiés à la date à laquelle le tribunal d’instance s’est prononcé.

Formes de publication permettant de satisfaire à la transparence financière

Dans la deuxième affaire (n° 18-60.030), la Cour de cassation apporte des précisions utiles sur les modalités de publication des documents comptables permettant de s’assurer que le critère de la transparence financière est bien satisfait à la date de la désignation du représentant syndical.

En effet, les articles L.2135-5, D.2135-7 et D.2135-8 du Code du travail prévoient que les comptes des organisations syndicales doivent être publiés :

  • soit sur le site Internet du syndicat ;
  • soit sur le site de la Direction de l’information légale et administrative ;
  • soit par le biais d’une transmission à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

En l’espèce, l’employeur avait obtenu l’annulation de la désignation d’un RSS au motif qu’aucun document comptable n’était publié au moment de la désignation. Or, la Cour de cassation juge régulièrement que le respect du critère de la transparence financière s’apprécie à la date de la désignation (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 16-13.033).

En réponse, le syndicat soutenait que la publication des comptes simplifiés, au moment de la désignation, sur la page Facebook publique du syndicat, en accès libre valait publication au sens du Code du travail.

Ce raisonnement est écarté par la Cour de cassation qui confirme que la mise en ligne des comptes sur une page Facebook, fût-elle publique, n’est pas suffisante pour établir que le syndicat satisfaisait au critère de la transparence financière. L’annulation de la désignation du RSS est donc confirmée.

Ainsi, il semble que seule la publication des documents de nature à établir le respect de la transparence financière par l’une des voies ouvertes par les articles L.2135-5, D.2135-7 et D.2135-8 au moment de la désignation puisse en assurer la validité au regard de ce critère.

En synthèse, il résulte de la combinaison de ces décisions que d’autres documents que ceux dont la confection est imposée par la loi peuvent permettre d’établir le respect de la transparence financière à la condition que ces documents aient été publiés, au moment de la désignation, par l’une des trois voies ouvertes par le Code du travail aux organisations syndicales.