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Accord PSE : comment prendre en compte l’audience d’un syndicat catégoriel ?

11/05/2017

CE section, 5 mai 2017, n° 389.620

C’était inéluctable : dans un arrêt du 5 mai 2017, le Conseil d’État a été amené à trancher l’épineuse question de la prise en compte de l’audience d’un syndicat catégoriel dans l’appréciation de la validité d’un accord fixant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Dans cette affaire, la Dirrecte avait validé un accord PSE signé par deux syndicats : la CFE-CGC et la CFTC, qui avaient respectivement obtenu 36,8 % et 17,1 % des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives lors des dernières élections professionnelles dans l’entreprise. La double particularité de cet accord est que, d’une part, il ne concernait qu’un seul établissement de l’entreprise, et que, d’autre part, il n’entraînait de licenciements qu’au sein d'une catégorie professionnelle, autre que les cadres.

Ainsi, la question posée au Conseil d’État était celle de savoir dans quelle mesure les voix de la CFE-CGC, syndicat ayant vocation statutaire à représenter exclusivement les cadres, pouvaient être prises en compte pour apprécier la validité d’un accord PSE qui ne concernait pas cette catégorie de salariés.

Pour y répondre, le Conseil d’État s'est d’abord prononcé sur la nature de l’accord collectif fixant le contenu d’un PSE.

Il complète ainsi sa jurisprudence Pages Jaunes (CE ass., 22 juill. 2015, n° 385.668) selon laquelle « il appartient à l'administration, saisie d'une demande de validation d'un accord collectif d'entreprise portant plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier, sous le contrôle du juge administratif, que l'accord qui lui est soumis a été régulièrement signé pour le compte d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives lors du premier tour des dernières élections professionnelles au sein de l'entreprise » en précisant que les dispositions combinées des articles L. 1233-24-1 et L. 1233-57-2 du Code du travail « ayant pour objet de déroger à celles des articles L. 2232-12 et L. 2232-13 du Code du travail, qui fixent les taux de représentativité auxquels est subordonnée la validité des accords d'entreprise de droit commun, l'administration n'a pas à vérifier que l'accord qui lui est soumis remplit également les conditions posées par ces articles » (CE, 5 mai 2017, n° 389.620).

Ce faisant, le Conseil d’État consacre la nature spécifique de l’accord PSE. Cette consécration est d’autant plus importante qu'il semblait avoir considéré, dans sa décision Mory-Ducros du 7 décembre 2015 (n° 386.582), que le régime des PSE ne dérogeait pas aux règles de droit commun, telles qu'interprétées par la Cour de cassation.

Le Conseil d’État juge ainsi « qu'eu égard tant à l'objet et à la portée d'un accord fixant un plan de sauvegarde de l'emploi qu'à la lettre des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1233-24-1 du Code du travail, la condition de majorité posée par cet article doit s'apprécier en additionnant l'audience électorale des syndicats signataires qui sont représentatifs au niveau de l'entreprise, sans considération des catégories de salariés que leurs statuts leur donnent vocation à représenter ; qu'à ce titre, la circonstance que l'opération de restructuration à l'origine du plan de sauvegarde de l'emploi ne concernerait que certains établissements ou n'entraînerait de licenciements qu'au sein de certaines catégories professionnelles, ne fait pas obstacle à la prise en compte de l'audience électorale de tous les syndicats signataires représentatifs au niveau de l'entreprise, y compris ceux qui n'auraient pas statutairement vocation à représenter les salariés de ces établissements ou de ces catégories professionnelles particuliers ».

Il résulte de cette nature particulière que l’accord collectif fixant le contenu d’un PSE est toujours :

  • un accord d’entreprise, même lorsqu’il ne concerne qu’un établissement ;
  • un accord intercatégoriel, même lorsqu’il ne concerne qu’une seule catégorie professionnelle.

Le Conseil d’État décide ainsi clairement qu’un syndicat catégoriel, en l’espèce la CFE-CGC, peut, dans tous les cas, signer un accord fixant le contenu d’un PSE, même lorsque la catégorie qu’il a statutairement vocation à représenter n’est pas concernée par les licenciements.

En conséquence, et même si ce point n’est pas expressément tranché par l’arrêt, il semble également en résulter que, conformément aux conclusions du rapporteur public, un syndicat catégoriel pourrait signer seul un tel accord. Cette solution aurait l’avantage d’éviter certaines situations de blocage dans des entreprises dont l’effectif est composé presque exclusivement d’une seule catégorie professionnelle, par exemple une entreprise de services informatique.

Reste à déterminer comment l’audience de ce syndicat catégoriel doit être prise en compte pour apprécier la validité de l’accord au regard de la condition de majorité posée par l’article L. 1233-24-1. À cet égard, le Conseil d’État souligne que « les syndicats CFE-CGC et CFTC, signataires de l'accord du 22 mars 2014, avaient obtenu, respectivement, 36,8 % et 17,1 % de l'ensemble des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives lors des dernières élections professionnelles dans l'entreprise, soit un total de plus de 50 % ».

Il convient d'apprécier, pour la validité de l’accord fixant le contenu d’un PSE, l’audience d'un syndicat catégoriel, non pas au niveau du seul collège qu'il a statutairement vocation à représenter, mais au regard de l’ensemble du personnel de l’entreprise. Sur ce point, le Conseil d’État rejoint la solution retenue par la Chambre sociale s'agissant des accords collectifs de droit commun (Cass. soc., 31 mai 2011, n° 10-14.391).

La solution ainsi dégagée par le Conseil d'État ne remet pas en cause la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle un syndicat catégoriel ne peut pas signer seul un accord intercatégoriel de droit commun, qui doit également être signé par au moins un syndicat intercatégoriel (Cass. soc., 2 juill. 2014, n° 13-14.622). En effet, cette solution est limitée aux seuls accords fixant le contenu d'un PSE qui, compte tenu de leur nature spécifique, échappent aux règles de droit commun.