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Brésil : Modification des règles en matière de prix de transfert

01/07/2013


En dépit de ses récents aménagements, la réglementation brésilienne des prix de transfert demeure atypique et toujours difficilement conciliable avec la législation française.

Le Brésil a adopté un arsenal législatif concernant les prix de transfert dès 1996. Ce dispositif se singularise particulièrement par des règles imposant des marges fixes pour les importations et les exportations, si bien que, même si les méthodes sont similaires à celles adoptées par l’OCDE, il est souvent difficile de ne pas faire du Brésil un cas à part dans la politique de prix de transfert d’un groupe. La législation brésilienne sur les prix de transfert se combine difficilement avec la législation française. La loi brésilienne vient d’être réformée et les modifications sont entrées en vigueur au 1er janvier 2013. Elle a été commentée par trois instructions de l’administration fiscale brésilienne (Instruçoes Normativas) publiées entre décembre 2012 et Janvier 2013.

C’est l’occasion de passer en revue les principales modifications apportées et de déterminer si elles contribuent à « normaliser » les règles brésiliennes par rapport aux standards OCDE.

Les marges imposées dans la méthode du Resale Minus à l’importation sont modulées

La loi a consacré les changements qui avaient déjà été adoptés par le biais d’une instruction administrative. Elle crée trois niveaux de marges en fonction des secteurs d’activités. Le taux standard est fixé à 20 %. C’est celui qui s’applique à tous les secteurs ne relevant pas spécifiquement de l’un des deux autres taux. Un taux de 30% s’applique pour les produits chimiques, l’industrie papetière, la métallurgie et le verre. Enfin un taux de 40 % s’applique dans les secteurs de la pharmacie, du tabac, des biens d’équipements, et dans les secteurs pétrolier et gazier.

Si cette modification répond à la nécessité légitime de pouvoir moduler le taux de marge en fonction du secteur d’activité, ce qui n’était pas le cas avant, elle entretient tout de même certaines incertitudes notamment parce que les secteurs décrits sont larges et qu’aucune précision n’a été apportée sur le mode d’emploi de cette classification. Il s’agit donc d’un effort qu’il faut saluer mais qui maintient le Brésil dans une exception puisque le principe de la marge fixe perdure et la modulation des taux applicables reste trop éloignée des réalités économiques et des taux réels de marge par secteur d’activité.

La loi a par ailleurs précisé le mode de calcul du prix à l’importation en précisant que ne devaient pas être pris en compte : les droits de douane et autres taxes à l’importation, les frais de dédouanement, les frais d’assurance et de transport lorsqu’ils sont payés à des tiers.

Deux nouvelles méthodes sont mises en œuvre pour les « comodities »

Ce sont des méthodes qui s’appliquent à l’importation et à l’exportation et qui se fondent sur les cours internationaux ajustés à la baisse ou à la hausse en fonction de plusieurs critères. Si le produit n’est pas coté, il conviendra de recourir à des études sectorielles faites par des organismes agrées (ils sont répertoriés par l’administration fiscale brésilienne dans une de ses instructions). La liste des produits concernés est également établie par l’administration fiscale brésilienne mais elle est assez large et imprécise. Les anciennes possibilités générales de dispense du respect de ces méthodes, telles qu’elles étaient établies par la loi (safe harbor rules), sont supprimées.

La clause de sauvegarde pour les exportations est plus contraignante

Les exportations étaient dispensées de respecter les marges fixes imposées lorsqu’ il était possible de démontrer que la profitabilité de ces opérations atteignait au moins 5 % du chiffre d’affaires réalisé à l’exportation avec des sociétés liées.

La loi a durci les conditions d’application de cette dispense en prévoyant que désormais elle s’appliquera uniquement si les deux conditions suivantes sont respectées : le ratio de profitabilité passe à 10 % et l’entreprise réalise un chiffre d’affaires à l’exportation avec des sociétés liées qui n’est pas supérieur à 20% de son chiffre d’affaire total à l’exportation.

Au vu de ces nouvelles conditions, la clause de sauvegarde aura donc en pratique une utilisation limitée puisque les entreprises brésiliennes exportant plus de 20 % de leur chiffre d’affaires au sein de leur groupe en sont exclues et devront donc respecter les marges fixes imposées pour les différentes méthodes de prix de transfert.

Ce changement ne devrait pas trop pénaliser les groupes français dont les filiales brésiliennes vendent en général sur le marché local.

Les taux d’intérêts des prêts sont désormais soumis à une règle spécifique de déduction.

Avant la réforme, il était suffisant d’enregistrer le prêt à la Banque Centrale du Brésil pour ne pas avoir à justifier du taux d’intérêt pratiqué. Ce n’est désormais plus le cas. La déduction de l’intérêt est encadrée par des taux limites appréciés à la date de conclusion du prêt. Le taux de référence fixé par la loi est un taux de marché (Libor 6 mois, taux des bons du Trésor Brésilien) en fonction de la monnaie dans laquelle est libellé l’emprunt, auquel s’ajoute un spread qui doit être déterminé par le Ministère des Finances. Le seul problème est qu’à ce jour, le Ministère n’a toujours pas publié les spreads

La nouvelle règle s’applique pour les emprunts conclus à compter du 1er janvier 2013. Les prêts antérieurs, c’est-à-dire ceux qui ont été enregistrés à la Banque Centrale avant le 31 décembre 2012, continuent à être soumis à la règle ancienne.

Le choix de la méthode de prix de transfert devient définitif pour l’année concernée

Il faut rappeler que la législation brésilienne ne prévoit pas de recommandation concernant l’utilisation de la meilleure méthode. L’entreprise peut recourir à l’une des méthodes de son choix dès lors bien sûr que le calcul du prix respecte les prescriptions imposées par la méthode choisie. L’entreprise doit en revanche mentionner quelle méthode elle a retenue dans sa déclaration d’impôt sur les sociétés.

La loi prévoit que le choix d’une méthode est fait une fois pour toute pour l’exercice et ne peut être modifié.

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Ces modifications ne vont pas, dans l’ensemble, dans le sens d’un rapprochement avec les standards OCDE, qui sont par ailleurs de plus en plus discutés. En témoigne, la mise en ligne du manuel ONU des prix de transfert en mai 2013. Il est intéressant de noter que le Brésil y justifie l’application de marges fixes en indiquant que les méthodes OCDE de cost plus et de resale minus entraînent de l’insécurité juridique pour les entreprises puisqu’elles sont appliquées par le contribuable de sa propre initiative, l’administration fiscale ne venant qu’après coup pour contrôler. Autrement dit, la méthode brésilienne présente l’avantage de ne pas entraîner de longues discussions sur les prix de transfert et d’être très simple à appliquer pour l’entreprise et à contrôler pour l’administration fiscale. Néanmoins, elle présente une faille d’importance : la non prise en compte des marges réelles, qui peut aboutir à des situations de double imposition. Si ces situations de double imposition ne trouvent pas de solution par la voie de la procédure amiable, comme c’est le cas à ce jour avec le Brésil, les entreprises deviennent « otages » des administrations fiscales.

Article paru dans la revue Option Finance du 1er juillet 2013

Auteurs

Portrait deAgnès de l'Estoile Campi
Agnès de L'Estoile-Campi
Associée
Paris