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Budgets du CE et compte 641 : la Cour de cassation persiste et signe !

27/04/2017

Cass. soc., 22 mars 2017, n° 15-19.973

Les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle, dans leur partie supérieure à celle correspondant aux indemnités légales et conventionnelles, n'entrent pas dans le calcul de la masse salariale brute correspondant au compte 641 « Rémunérations du personnel », servant à la fixation de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise. Inversement, les indemnités compensatrices de congés payés, de conversion monétaire de compte épargne temps et de contrepartie obligatoire en repos, qui ont un caractère salarial, doivent être incluses dans l’assiette de calcul, peu important que ces indemnités soient versées au moment de la rupture du contrat de travail et au titre de celle-ci. C’est ce que décide la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 2017 (n° 15-19.973).

Aux termes de l’article L. 2323-86 alinéa 2 du Code du travail, le montant de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise, est calculé en fonction du « montant global des salaires payés » et la subvention de fonctionnement visée à l’article L. 2325-43 du même code, par référence à « la masse salariale brute ». En tout état de cause, quelle que soit la rédaction retenue par ces articles, la Cour de cassation a décidé que la subvention et la contribution patronale avaient la même assiette (Cass. soc., 2 déc. 2008, n° 07-16.615). Pour déterminer les éléments entrant dans cette assiette de calcul, la plupart des employeurs, considérant qu’il ressort de ces textes que seules les sommes ayant la nature de salaire ont vocation à être prises en compte ont calculé le montant de cette contribution par référence à la déclaration de données sociales, ce que contestaient les comités d’entreprise.

Dès 2011, la Chambre sociale a décidé que, sauf engagement ou accord plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles s’entendait de la masse salariale brute comptable correspondant au compte 641 « Rémunérations du personnel » tel que défini par le plan comptable général (Cass. soc., 30 mars 2011 n° 09-71.438). Une telle solution conduit à prendre en compte dans l’assiette de calcul des sommes qui n’ont pas la nature de salaire puisque le compte 641 comprend, outre les rémunérations figurant dans la déclaration des données sociales ou la déclaration fiscale des salaires, des sommes autres que des salaires, telles que les indemnités de rupture au premier rang desquelles, les indemnités de licenciement.

Par une série d'arrêts, la Chambre sociale a précisé les éléments à prendre en compte dans l’assiette de calcul des budgets du comité d'entreprise :

                               Sommes incluses

                       Sommes exclues

Rémunérations des dirigeants sociaux salariés1

Rémunération des mandataires sociaux non salariés2

Indemnités légales et conventionnelles de licenciement de retraite et de préavis1

Remboursement de frais1

Part des indemnités transactionnelles inférieure ou égale à l'indemnité légale ou conventionnelle3

Part des indemnités transactionnelles supérieure à l'indemnité légale ou conventionnelle3

Part des indemnités de rupture conventionnelle inférieure ou égale à l'indemnité légale ou conventionnelle4

Part des indemnités de rupture conventionnelle supérieure à l'indemnité légale ou conventionnelle4

Gratifications versées aux stagiaires5

Provisions à valoir sur toutes sommes de nature salariale5

Salaires des salariés mis à disposition intégrés de façon étroite et permanente à l'entreprise3

Indemnités compensatrices de congés payés, de conversion monétaire de compte épargne temps et de contrepartie obligatoire en repos afférente aux heures supplémentaires4

La Cour de cassation maintient donc sa jurisprudence imposant que les budgets du comité d’entreprise soient calculés par référence au compte 641 du plan comptable. Celle-ci est pourtant critiquable à plusieurs titres :

  • d’abord, parce que cette référence à des règles propres au droit comptable n’est prévue par aucun texte ;
  • ensuite, parce que la règle consistant à inclure dans l’assiette, des sommes qui ont un caractère indemnitaire telles que l’indemnité légale et conventionnelle de licenciement et à en exclure la partie qui excède ce montant est juridiquement discutable dès lors que ces sommes peuvent présenter dans leur ensemble un caractère indemnitaire, qu’il s’agisse d’une indemnité contractuelle de licenciement, d’une indemnité transactionnelle ou de rupture conventionnelle. Au lieu d’inclure dans l’assiette les indemnités légales et conventionnelles de licenciement dont le caractère indemnitaire n’est pas contestable, il eut sans doute été plus logique d’y inclure la fraction de ces indemnités qui fait l’objet d’une réintégration dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale ce qui leur confère la nature de salaire ;
  • enfin, les critères conduisant la Cour à inclure ou à exclure des sommes de l’assiette de calcul des budgets du comité d’entreprise ne sont pas clairement définis ce qui est source d’insécurité juridique pour les entreprises. Ainsi, à défaut de règle claire, il convient d’attendre que la Cour de cassation se prononce expressément sur le sort de certaines sommes, qui figurent au compte 641, pour savoir si ces dernières sont ou non incluses dans l’assiette de calcul des budgets du comité d’entreprise.


1. Cass. soc., 20 mai 2014, n° 12-29.142
2. Cass. soc., 3 nov. 2016, n° 15-19.385
3. Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-17.470
4. Cass. soc., 22 mars 2017, n° 15-19.973
5. Cass. soc., 31 mai 2016, n° 14-25.042