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Consultation sur les orientations stratégiques : en l'absence de mise à disposition de la BDES le délai de consultation ne court pas !

13/04/2018

Cass. soc., 28 mars 2018, n° 17-13.081

L’employeur, tenu de consulter chaque année le comité d’entreprise sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière et sa politique sociale, doit lui remettre des informations suffisantes pour lui permettre de rendre un avis motivé. À l’expiration du délai qui lui est imparti pour se prononcer, le comité est réputé avoir rendu un avis négatif. Toutefois, s’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants pour se prononcer, le comité peut, avant l’expiration du délai de consultation (Cass. soc., 3 nov. 2016, n° 15-16.082), saisir en référé le président du tribunal de grande instance pour lui demander communication des éléments manquants. Celui-ci doit alors se prononcer dans les huit jours de sa saisine et avant l’expiration du délai de consultation (Cass. soc., 21 sept. 2016, n° 15-13.363). Par un arrêt rendu le 28 mars 2018 (n° 17-13.081), la Cour de cassation vient préciser le point de départ de ce délai.

En l’espèce, réuni à trois reprises, entre octobre 2014 et mars 2015 en vue de son information et de sa consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le comité d’entreprise a saisi le président du tribunal de grande instance le 16 juin 2015 aux fins de constater que le délai de consultation n’avait pas couru et d’ordonner la production de documents complémentaires ainsi que la prorogation du délai de consultation. La Cour d’appel rejette la demande du comité d’entreprise au motif qu’en saisissant le tribunal plus de quatre mois après la communication des informations, le comité avait agi au-delà du délai de consultation préfix prévu par la loi. La Cour de cassation censure la décision des juges du fond.

La chambre sociale rappelle de manière générale que "dans l’exercice de ses attributions consultatives, le comité d’entreprise émet des avis et vœux, et dispose pour ce faire d’un délai d’examen suffisant fixé par accord ou, à défaut, par la loi. Lorsque les éléments d’information fournis par l’employeur ne sont pas suffisants, les membres élus du comité peuvent saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Cependant, lorsque la loi ou l’accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents, le délai de consultation ne court qu’à compter de cette communication ; que tel est le cas, dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, de la base de données économiques et sociales qui est le support de préparation de cette consultation".

S’agissant de la consultation sur les orientations stratégiques, la Cour décide ainsi que, l’employeur n’ayant pas mis à disposition du comité d’entreprise la base de données économiques et sociales rendue obligatoire par l’article L.2323-7-2, le délai de consultation n’avait pas commencé à courir et le comité d’entreprise était donc fondé à demander des informations complémentaires.

Ce faisant, la Cour de cassation décide que l’absence de base de données sociales et économiques fait obstacle au déclenchement du délai de consultation peu important, semble-t-il, la qualité des informations remises au comité d’entreprise par d’autres moyens. Reste à déterminer si cette solution à vocation à recevoir application dans le cas où les informations figurant dans la base de données mises en place seraient insuffisantes ou incomplètes.

On peut alors s’interroger sur le point de savoir si une telle solution est transposable aux autres consultations annuelles du comité d’entreprise portant sur la politique sociale et sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Tel semble bien être le cas puisque les articles L.2323-13 et L.2323-17 précisent que les informations relatives à ces consultations sont mises "à la disposition du comité d’entreprise dans les conditions prévues à l’article L.2323-9". Or, ce dernier prévoit expressément que les éléments d’information transmis de manière récurrente au comité d’entreprise, sont mis à la disposition de ses membres dans la base de données économiques et sociales. Il y a donc lieu de considérer que pour chacune des consultations récurrentes, l’absence ou l’insuffisance de la base de données empêchera le délai de consultation de courir.

Si cette solution paraît donc bien applicable à l’ensemble des consultations annuelles du comité d’entreprise, la question se pose de son application aux futures consultations du comité social et économique. Il nous semble, à nouveau, que tel est bien le cas. En effet :

  • le deuxième alinéa de l’article L.2312-18 issu de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dispose que "les éléments d'information transmis de manière récurrente au comité sont mis à la disposition de leurs membres dans la base de données et cette mise à disposition actualisée vaut communication des rapports et informations au comité, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'Etat" ;
  • l’article R.2312-7, issu du décret du 29 décembre 2017 (n° 2017-1819), pris pour l’application de cette disposition, précise quant à lui, que "la base de données prévue à l'article L.2312-18 permet la mise à disposition des informations nécessaires aux trois consultations récurrentes prévues à l'article L.2312-17".

Ainsi, comme le faisaient les dispositions applicables au comité d'entreprise, celles applicables au comité social et économique établissent un lien étroit entre la base de données et la communication des informations nécessaires à sa consultation. Nul doute dans ces conditions, que la Cour de cassation confirmera, à propos des consultations du comité social et économique, la solution qu’elle a adoptée à propos du comité d’entreprise.

Les entreprises doivent donc être particulièrement vigilantes s’agissant de la mise en place et de l’alimentation régulière de la base de données. À cet égard, les entreprises pourront utilement utiliser la nouvelle possibilité d’adaptation de la liste et du contenu des informations nécessaires aux consultations récurrentes par un accord collectif majoritaire conclu avec des délégués syndicaux ou, en leur absence, avec la majorité des membres du comité social et économique (C. trav., art. L.2312-21).