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Forfait-jours irrégulier : quelle base de calcul pour le rappel d’heures supplémentaires ?

20/06/2017

Conseil de prud’hommes de Paris, 31 mai 2017, n° 15/12709

Depuis l’arrêt fondateur du 29 juin 2011 (n° 09-71.107), la Cour de cassation se livre à un véritable « tir aux pigeons » sur les accords collectifs permettant le recours aux conventions de forfait en jours.

En effet, elle estime qu’une convention individuelle de forfait est nulle dès lors que les stipulations de l’accord d’entreprise ou de branche sur lesquelles elle s’appuie « ne sont [pas] de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié » (Cass. soc., 26 sept. 2012, n° 11-14.540). C’est ainsi qu’elle a rendu plus d’une dizaine de décisions annulant des conventions de forfait conclues dans de nombreux secteurs tels que l’industrie chimique, l’aide à domicile, le commerce de gros, les cabinets d’expertise comptable, les hôtels, cafés et restaurants, etc.

Si la loi Travail du 8 août 2016 (n° 2016-1088) a donné des outils aux entreprises pour pallier les carences de leurs conventions de forfait, les annulations des conventions qui n’ont pas encore été sécurisées, elles, continuent.

En cas d’annulation d’une convention de forfait irrégulière, le temps de travail du salarié concerné est nécessairement décompté en heures, sur une base de 35 heures hebdomadaires. Dans ce contexte, les salariés formulent systématiquement des demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées, dont le montant s’avère souvent exorbitant. Et pour cause, pour chiffrer ces demandes, les salariés estiment que le salaire horaire brut à retenir pour calculer le rappel doit être déterminé à partir du montant de leur rémunération annuelle forfaitaire.

Pour la première fois à notre connaissance, dans un jugement du 31 mai 2017 (n° 15/12709), le Conseil de prud’hommes de Paris rejette cette argumentation et retient que « les parties, lorsqu’elles ont convenu de la rémunération de la demanderesse, ont tenu compte, dans le montant fixé, du fait qu’aucune rémunération complémentaire ne serait versée au titre d’heures supplémentaire ; en conséquence, que la rémunération forfaitaire convenue était supérieure à celle qui aurait été retenue en l’absence d’une telle clause ; que les seuls calculs effectués à ce titre et produits aux débats démontrent que le montant total des sommes demandées au titre des heures supplémentaires effectuées ajouté à la rémunération minimale prévue par la convention collective est inférieure à celle qui avait été convenue par les parties ; en conséquence, qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre des heures supplémentaires ».

En d’autres termes, le Conseil de prud’hommes reconnaît que la rémunération forfaitaire ne permet pas de déterminer le taux horaire utilisé pour calculer le montant du rappel d’heures supplémentaires puisque, par définition, cette rémunération tient déjà compte de ces heures. La rémunération forfaitaire ainsi écartée, encore faut-il déterminer la base de calcul à retenir. Dès lors que la rémunération contractuelle forfaitaire est réputée n’avoir jamais existée, la seule base de calcul disponible est celle du salaire minimum conventionnel.

Ce changement de base de calcul peut avoir des conséquences considérables. Puisque le calcul du rappel s’effectue à partir d’un taux horaire bien souvent inférieur, la comparaison avec la rémunération forfaitaire réellement versée au salarié peut priver sa demande d’objet. En effet, dans ce cas, il a déjà perçu une somme supérieure au salaire minimum conventionnel majoré des heures supplémentaires dont le paiement a été réclamé. En l’espèce, la salariée est déboutée d’une demande chiffrée à 62 087,64 euros au titre des heures supplémentaires effectuées.

Cette décision ouvre la voie vers une détermination plus raisonnable de la base de calcul du rappel d’heures supplémentaires en cas d’annulation de la convention de forfait. En effet, il est certain qu’en l’absence de convention de forfait, les parties auraient convenu d’une rémunération inférieure. Il sera intéressant de voir quelle sera la position prise sur ce point par les cours d'appel.