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L’interdiction du vapotage sur le lieu de travail (Décret n° 2017-633, 25 avr. 2017)

28/04/2017

L’interdiction de l’utilisation de la cigarette électronique ou « vapotage » en entreprise est actée depuis l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 (n° 2016-41). La publication du décret du 25 avril 2017 relatif aux conditions d’application de cette interdiction en permet l’entrée en vigueur.
À compter du 1er octobre 2017, il est interdit de vapoter dans les lieux de travail, définis par le décret comme « des locaux recevant des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l’établissement, fermés et couverts, et affectés à un usage collectif, à l’exception des locaux qui accueillent du public » (Code de la Santé publique, art. R. 3513-2). Le fait de contrevenir à cette interdiction expose le fumeur à une amende allant jusqu’à 150 euros (CSP, art. R. 3515-7).
Deux points méritent une analyse particulière.

D'une part, en mentionnant les locaux « affectés à un usage collectif », le législateur a entendu autoriser le vapotage dans les bureaux individuels. Cela résulte très clairement des débats parlementaires au cours desquels le secrétaire d’État a tenu à « préciser que si les personnes sont seules dans leur bureau, elles peuvent vapoter » et qu’il s’agit d’une « question de liberté individuelle » (Assemblée Nationale, 2e lecture, débats du 28 nov. 2015). Il convient toutefois de souligner, qu’à propos de l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, la circulaire du 29 novembre 2006 retient qu’elle « s'applique […] aux bureaux, même occupés par une seule personne, dans la mesure où plusieurs personnes y ont accès, notamment le personnel d'entretien ». Cette interprétation nous paraît toutefois s’éloigner des textes législatifs et réglementaires, et n’a en tout état de cause pas vocation à être transposée au vapotage.

D'autre part, l’exception relative aux « locaux qui accueillent du public » est rédigée de manière ambigüe. Il nous semble qu’elle a vocation à exclure du champ de l’interdiction du vapotage les espaces destinés à l’accueil du public qui peuvent exister sur un lieu de travail : il peut s’agir, par exemple, d’un espace de démonstration dans les locaux d’un constructeur automobile.

Dans les bâtiments abritant des lieux de travail, entendus au sens du décret, une signalisation apparente rappelle le principe de l’interdiction de vapoter et, le cas échéant, ses conditions d’application dans l’enceinte de ces lieux. Le fait, pour l’employeur, de ne pas mettre en place cette signalisation est puni d’une amende allant jusqu’à 450 euros (CSP, art. R. 3515-8). Là où la disposition réglementaire relative à l’obligation d’afficher une signalisation rappelant le principe de l’interdiction de fumer prévoyait qu’un « modèle de signalisation accompagné d’un message sanitaire de prévention [serait] déterminé par arrêté » (CSP, art. R. 3512-7), le décret relatif au vapotage est muet. L’employeur semble ainsi disposer d’une certaine liberté quant à la forme que doit prendre cette signalisation.

Les corps de l’inspection du travail sont compétents pour constater les manquements à ces dispositions. Ils peuvent ainsi constater d’éventuelles infractions par procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire (CSP, art. L. 3515-1 ; C. trav., art. L. 8113-7).
L’ensemble de ces règles s’appliquent « sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’hygiène et à la sécurité » (CSP, art. R. 3513-4). En d’autres termes, l’employeur, garant de la santé et de la sécurité des salariés sur le lieu de travail, conserve une possibilité d’interdiction totale du vapotage si celle-ci est justifiée par des raisons d’hygiène ou de sécurité. Tel pourrait être le cas lorsque les salariés sont en contact avec des produits destinés à la consommation. Dans cette hypothèse, cette interdiction devra figurer au règlement intérieur conformément à l’article L. 1321-1 du Code du travail.
En tout état de cause, il convient de rappeler que l’employeur est lié par une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis des salariés. La Cour de cassation a pu être particulièrement exigeante s’agissant des préjudices liés au tabagisme dans l’entreprise. Elle a ainsi pu retenir que la prise d’acte d’un salarié était justifiée au motif que l’employeur ne respectait pas la législation relative à la lutte contre le tabagisme (Cass. soc., 6 oct. 2010, n° 09-65.103 ; Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412). Elle a également condamné un employeur à verser des dommages-intérêts pour tabagisme passif à un salarié qui accompagnait ses collègues lors de leurs « pauses cigarettes » alors qu’elle n’y était nullement obligée (Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-11.324).

Deux éléments viennent cependant tempérer, en l'espèce, cette jurisprudence :

  • la Cour de cassation a assoupli les conditions dans lesquelles l’employeur peut s’exonérer de son obligation de sécurité de résultat, qui prend désormais la forme d'une obligation de moyens renforcée. Elle retient en effet que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail » (Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-24.444). Ainsi, l’employeur ayant mis en place les mesures de prévention adéquates peut s’exonérer de sa responsabilité ;
  • il résulte de plusieurs études médicales, sur lesquelles le Gouvernement et le législateur se sont appuyées, que les potentiels effets nocifs du vapotage sont très limités pour son utilisateur, et quasi nuls s’agissant de son entourage. Un manquement à l’obligation de sécurité en sera, à notre sens, d’autant plus difficile à caractériser en cas d’exposition au vapotage.