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La désaffiliation syndicale : effets et modalités

Analyse d'une décision de la Cour de cassation

14/10/2011

Dans une série d’arrêts rendus les 18 et 31 mai 2011, la Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé les modalités ainsi que les conséquences de la désaffiliation d’un syndicat d’une confédération et mis un sérieux coup d’arrêt au « mercato syndical » et aux tentations « autonomistes ».

La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié le paysage syndical en imposant de nouvelles règles déterminant les conditions de la représentativité d’un syndicat : modification des critères, obtention du minimum de 10 % des suffrages lors du premier tour des élections des titulaires au sein du comité d’entreprise ou, à défaut, de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, etc. Elle a, par ailleurs, conduit à la mise en oeuvre d’une véritable stratégie syndicale.

Certains syndicats se sont rapprochés. D’autres, au contraire, ont quitté leur confédération d’origine pour s’affilier à une autre, ou évoluer en toute autonomie. Ceci s’expliquant soit par les résultats obtenus aux dernières élections professionnelles, soit par les dissensions observées à l’intérieur de la confédération ou résultant du fait que les organisations syndicales affiliées à une même confédération ne peuvent – ensemble – désigner plus de délégués syndicaux que ce que prévoit la loi(1) (sauf dispositions plus favorables et expresses d’un accord collectif(2)).

Ces syndicats, après le départ de leur organisation d’origine, sont tentés de s’appuyer sur la représentativité dont ils bénéficiaient avant leur désaffiliation pour désigner des délégués syndicaux, ou de revendiquer la présence d’élus pour désigner des représentants syndicaux au comité d’entreprise.

La Cour de cassation, dans sept décisions récentes(3), a apporté de très précieux enseignements sur les conditions entourant cette désaffiliation, mais aussi sur les effets de celle-ci.

Elle estime, tout d’abord, que le changement d’affiliation syndicale doit être décidé conformément aux dispositions statutaires de l’union ou de la confédération et qu’à défaut de mentions spécifiques, la décision tendant à la désaffiliation doit être prise aux conditions prévues pour la dissolution de l’organisation syndicale et à défaut, dans le silence des statuts, à l’unanimité des syndicats adhérents. Ainsi, est nulle la résolution de l’assemblée générale de la Fédération des Cheminots et Activités Complémentaires en faveur de sa désaffiliation de la confédération CFDT dès lors qu’elle a été votée à une majorité de 50,16 % et qu’elle aurait dû, pour les raisons qui précèdent, être votée à l’unanimité des syndicats adhérents.

La Haute Cour a ensuite affirmé, dans plusieurs de ses décisions du 18 mai 2011, que l’affiliation confédérale sous laquelle un syndicat a présenté des candidats au premier tour des élections des titulaires au sein du comité d’entreprise constituait un élément essentiel du vote des électeurs. Il s’ensuit, notamment :

  • que durant la période transitoire (qui prend fin à l’occasion des premières élections professionnelles organisées postérieurement à la publication de la loi du 20 août 2008), un syndicat qui bénéficiait de la présomption irréfragable de représentativité en raison de son affiliation à une organisation représentative au plan national interprofessionnel ne peut continuer à bénéficier de cette présomption après qu’il se soit désaffilié de cette organisation ;
  • que le syndicat qui s’est désaffilié après les élections professionnelles ne peut plus continuer à se prévaloir des suffrages obtenus lors des élections pour se prétendre représentatif. Dans les affaires évoquées le 18 mai 2011, le syndicat des Transports et des Activités Aéroportuaires sur les Aéroports Parisiens (STAAAP), à l’époque affilié à la CFTC, avait obtenu lors des élections du comité d’entreprise le minimum de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des titulaires. Par la suite, ce syndicat a quitté la CFTC pour rejoindre la Fédération Autonome des Transports (FAT – UNSA). Il a alors procédé à la désignation d’un délégué syndical, estimant qu’il était toujours représentatif au regard des résultats obtenus lors des élections. À tort, selon la Cour de cassation ;
  • que ce syndicat doit, après les élections, faire la preuve de sa représentativité propre, à défaut de quoi il ne peut procéder à la désignation de délégués syndicaux ;
  • que pour apprécier les conditions d’ouverture du droit pour un syndicat à désigner un représentant syndical au comité d’entreprise, ne peuvent être considérés comme ses salariés élus ceux qui n’ont pas été candidats sur les listes présentées par le syndicat « partant » lors des dernières élections. En conséquence, si ce syndicat n’a obtenu aucun élu lors des dernières élections des membres du comité d’entreprise, il ne peut pas désigner de représentant syndical au comité d’entreprise, peu important que certains membres du comité d’entreprise aient, postérieurement aux élections, adhéré au syndicat.

En revanche, en cas de désaffiliation d’un syndicat d’une confédération, cette dernière ou l’une de ses fédérations ou unions peut, si elle justifie de l’existence dans l’entreprise au jour de la désignation d’une section syndicale constituée sous son sigle, tenir compte des résultats obtenus par le syndicat « partant » et procéder à la désignation d’un délégué syndical afin de maintenir dans l’entreprise la présence du mouvement syndical auquel les électeurs ont accordé au moins 10 % de leur suffrage.

Le syndicat qui a entrepris de se désaffilier d’une confédération peut donc avoir beaucoup à perdre. La position de la Cour de cassation devrait limiter les « envies de liberté » ou de « sécession » de certains syndicats, qui après la désaffiliation pourraient purement et simplement être privés de la possibilité de désigner des délégués syndicaux et/ou des représentants syndicaux au comité d’entreprise, au moins jusqu’aux élections professionnelles à venir, et par là même de participer notamment aux négociations collectives. Ils pourront cependant à titre de consolation et sous les conditions visées à l’article L 2142-1-1 du Code du travail, procéder à la désignation de représentants de section syndicale.


1. En ce sens, Cass.soc. 29 octobre 2010, n°09-67969. 2. En ce sens, Cass.soc. 15 juin 2011, n°10.20761 3. En ce sens, Cass.soc. 18 mai 2011, n°10-60264, n°10.60069, n°10.60273, n°10.60300, n°10.60390, n°10.21705 et Cass.soc. 31 mai 2011, n°10.17159

Article paru dans le magazine Décideurs N°130 de Septembre 2011


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