Le recours systématique, par les établissements bancaires, à un
refinancement sur le marché par mobilisation des crédits consentis -
notamment par voie de titrisation - conduit naturellement à dénouer le
lien initial, né du contrat de crédit, entre la banque et l'emprunteur
(particulier ou entreprise).
Cette circulation des créances soulève, on le sait trop bien, une
réelle difficulté quant à la nature du risque que le cessionnaire et,
in fine, le souscripteur d'instrument financier ayant cette créance
comme sous-jacent va effectivement supporter. A cet égard, un arrêt
rendu par la Cour de cassation le 5 février 2008 pourrait apporter
quelque apaisement aux opérateurs.
En l'espèce, la banque avait eu la sage précaution de faire
garantir sa créance par un cautionnement. Et du reste, la caution avait
été condamnée à payer par une décision passée en force de chose jugée.
Après quoi la créance principale (contre une société mise en
liquidation judiciaire) fit l'objet de deux cessions successives. Et
c'est le second cessionnaire qui, se prévalant du titre exécutoire
initial, avait fait pratiquer une saisie sur des droits sociaux
appartenant à la caution. La question était donc de savoir si la
cession de la créance principale avait entraîné cession du
cautionnement et, au-delà, du titre exécutoire obtenu contre la caution.
Non, avait répondu la cour d'appel, en considérant que le titre
exécutoire avait détaché la caution de la créance principale. Elle en
déduisait que la cession de cette créance principale n'avait pas
entraîné celle de la créance contre la caution, celle-ci n'étant plus
l'accessoire de celle-là. Le raisonnement ne pouvait de toute évidence
être admis. La cassation intervient au visa de l'article 1692 du Code
civil, qui, décrivant les effets d'une cession de créance, indique
qu'elle comprend les accessoires de celle-ci. La Haute juridiction
précise à cette occasion que, parmi ces accessoires transmis de plein
droit, figure le titre exécutoire obtenu par le cédant à l'encontre de
la caution garantissant le paiement de la créance.
L'argument suggérant de déconnecter le titre exécutoire obtenu par
le cédant de la créance principale cédée était habile mais ne pouvait
pas prospérer. En effet, le titre exécutoire constate l'existence du
droit de poursuite contre un débiteur, ici la caution, et non une
prérogative exclusivement attachée à la personne du créancier initial.
Il est donc logique que la Cour de cassation décide que, lorsque le
créancier initial cède sa créance, le contrat transfère également
l'ensemble des accessoires de celle-ci au sens de l'article 1692
précité : et, parmi ces accessoires, on trouve, outre l'obligation de
la caution, le titre exécutoire obtenu contre cette dernière, qui ne
fait qu'autoriser le créancier à poursuivre l'exécution forcée.
Surtout, la caution - et le titre exécutoire qui fait corps avec
elle - n'est pas seulement un accessoire de la créance principale. Plus
fondamentalement encore, l'obligation de la caution n'existe
qu'accessoirement à celle-ci, c'est-à-dire que dans la mesure où la
créance principale existe. Or, ce caractère essentiel du cautionnement
ne disparaît pas lorsque le garant a été condamné envers le créancier
par un jugement exécutoire. Concrètement, la caution peut invoquer
l'extinction de la créance principale même après avoir été condamnée.
La stratégie de défense développée par la caution aboutissait,
paradoxalement, à aggraver son obligation en rendant cette dernière
autonome à l'égard de la dette principale.
Article paru dans la revue Option Finance du 16 juin 2008
Authors:
Arnaud Reygrobellet, Of Counsel
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