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Le sort du cautionnement en cas de circulation de la créance cautionnée

28/08/2008

Le recours systématique, par les établissements bancaires, à un refinancement sur le marché par mobilisation des crédits consentis - notamment par voie de titrisation - conduit naturellement à dénouer le lien initial, né du contrat de crédit, entre la banque et l'emprunteur (particulier ou entreprise).

Cette circulation des créances soulève, on le sait trop bien, une réelle difficulté quant à la nature du risque que le cessionnaire et, in fine, le souscripteur d'instrument financier ayant cette créance comme sous-jacent va effectivement supporter. A cet égard, un arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 février 2008 pourrait apporter quelque apaisement aux opérateurs.

En l'espèce, la banque avait eu la sage précaution de faire garantir sa créance par un cautionnement. Et du reste, la caution avait été condamnée à payer par une décision passée en force de chose jugée. Après quoi la créance principale (contre une société mise en liquidation judiciaire) fit l'objet de deux cessions successives. Et c'est le second cessionnaire qui, se prévalant du titre exécutoire initial, avait fait pratiquer une saisie sur des droits sociaux appartenant à la caution. La question était donc de savoir si la cession de la créance principale avait entraîné cession du cautionnement et, au-delà, du titre exécutoire obtenu contre la caution.

Non, avait répondu la cour d'appel, en considérant que le titre exécutoire avait détaché la caution de la créance principale. Elle en déduisait que la cession de cette créance principale n'avait pas entraîné celle de la créance contre la caution, celle-ci n'étant plus l'accessoire de celle-là. Le raisonnement ne pouvait de toute évidence être admis. La cassation intervient au visa de l'article 1692 du Code civil, qui, décrivant les effets d'une cession de créance, indique qu'elle comprend les accessoires de celle-ci. La Haute juridiction précise à cette occasion que, parmi ces accessoires transmis de plein droit, figure le titre exécutoire obtenu par le cédant à l'encontre de la caution garantissant le paiement de la créance.

L'argument suggérant de déconnecter le titre exécutoire obtenu par le cédant de la créance principale cédée était habile mais ne pouvait pas prospérer. En effet, le titre exécutoire constate l'existence du droit de poursuite contre un débiteur, ici la caution, et non une prérogative exclusivement attachée à la personne du créancier initial. Il est donc logique que la Cour de cassation décide que, lorsque le créancier initial cède sa créance, le contrat transfère également l'ensemble des accessoires de celle-ci au sens de l'article 1692 précité : et, parmi ces accessoires, on trouve, outre l'obligation de la caution, le titre exécutoire obtenu contre cette dernière, qui ne fait qu'autoriser le créancier à poursuivre l'exécution forcée.

Surtout, la caution - et le titre exécutoire qui fait corps avec elle - n'est pas seulement un accessoire de la créance principale. Plus fondamentalement encore, l'obligation de la caution n'existe qu'accessoirement à celle-ci, c'est-à-dire que dans la mesure où la créance principale existe. Or, ce caractère essentiel du cautionnement ne disparaît pas lorsque le garant a été condamné envers le créancier par un jugement exécutoire. Concrètement, la caution peut invoquer l'extinction de la créance principale même après avoir été condamnée. La stratégie de défense développée par la caution aboutissait, paradoxalement, à aggraver son obligation en rendant cette dernière autonome à l'égard de la dette principale.

Article paru dans la revue Option Finance du 16 juin 2008


Authors:

Arnaud Reygrobellet, Of Counsel