Home / Publications / Les mauvaises surprises de la réforme des plus-values...

Les mauvaises surprises de la réforme des plus-values mobilières

02/05/2014

Lorsqu’il remplira sa déclaration de revenus, l’actionnaire ayant cédé des titres hors du PEA en 2013 constatera les premiers effets de la réforme. La simplicité n’est pas au rendez-vous.

Les lois de finances pour 2013 et pour 2014 ont réformé l’imposition des cessions de titres d’entreprises ou de titres d’OPCVM investis en titres d’entreprises, détenus hors du PEA ou d’un contrat de capitalisation. Cette réforme s’applique aux plus et moins-values dégagées par les cessions réalisées depuis le 1er janvier 2013.

Le premier effet : la grande complexité de la déclaration et du calcul de l’impôt

Le calcul de l’impôt sur le revenu est devenu plus complexe. Hors quelques dispositifs fiscaux favorables, le taux d’imposition résulte désormais de l’application du barème (taux entre 0% et 45% selon les tranches). Le législateur, pour compenser la lourdeur de ce traitement, a maintenu la mesure de compensation entre la plus-value nette dégagée au titre d’une année et les moins-values en report des dix années antérieures, et prévu que les gains de cession sont déterminés après application d’un nouvel abattement pour durée de détention. Ce dernier est fixé selon un barème qui, dans le cas général, est calculé au taux de 50% si la cession porte sur une participation détenue depuis au moins deux ans mais moins de huit ans, et au taux de 65% pour une détention d’au moins huit ans (voire davantage dans certains cas).

L’impôt sur le revenu n’est pas le seul à prendre en compte puisque deux impôts s’y ajoutent : les prélèvements sociaux de 15,5% et, si le contribuable y est assujetti, la contribution sur les revenus élevés de 3% ou de 4%. Ces impôts sont calculés automatiquement par l’administration fiscale, en neutralisant l’abattement pour durée de détention, qui ne s’applique qu’à l’impôt sur le revenu.

Il est donc bien difficile de connaître à l’avance le taux d’imposition global.

Les impôts sont calculés automatiquement à partir de la déclaration de revenus du contribuable. La déclaration standard ne suffira que rarement à déclarer les plus et moins-values réalisées.

Dans le cas le plus simple, où le contribuable n’a réalisé que des cessions ordinaires pour lesquelles l’établissement financier a procédé au calcul des plus et moins-values, et du nouvel abattement pour durée de détention, il suffira de remplir les cases 3VG et 3SG de la déclaration de revenus (sauf en cas de moins-value globale : les cases à remplir sont alors les cases 3VH et 3SH). La case 3SG est l’addition des abattements appliqués à chaque cession tandis que la case 3VG est le résultat imposable : total des plus et les moins-values de l’année, après abattements, et déduction faite, s’il y a lieu, des moins-values en report des dix années précédentes.

Mais le contribuable pourra ou devra aussi remplir :

  • la fiche 2041-SP s’il dispose de moins-values en report à imputer,
  • La fiche 2074-ABT si l’abattement n’a pas été calculé ou pour le vérifier,
  • une déclaration 2042 C s’il a réalisé des cessions particulières, notamment celles ouvrant droit à l’abattement majoré, ou la déclaration plus complète n°2074 qui permet à la fois de recalculer précisément ses plus et moins-values et de déclarer la plupart des plus et moins-values soumises à un traitement fiscal particulier.

Le deuxième effet : la difficulté à prévoir l’effet réel de l’abattement

Les actionnaires qui investissent en dehors des dispositifs favorables comme le PEA savent que l’imposition des gains peut être très lourde s’ils cèdent leurs titres avant deux ans de détention et sans disposer de moins-values imputables. La taxation peut atteindre 64,5% hors CSG déductible s’ils sont soumis à la fois au taux maximum d’impôt sur le revenu et à la contribution sur les revenus élevés au taux de 4%. La taxation se réduit à 42% s’ils patientent au moins deux ans avant de vendre et à 35,25% pour une détention d’au moins huit ans.

Mais un élément complique la gestion qui aurait pu être celle d’un bon père de famille. En effet, l’administration considère que l’abattement s’applique aussi aux moins-values réalisées depuis le 1er janvier 2013.

De nombreux arguments plaident en sens inverse : la loi ne contient aucune indication d’une modification du calcul des moins-values, pas plus que les travaux préparatoires, et la position de l’administration devrait pourtant découler du texte ou au moins de l’objet de la loi(1). Mais les imprimés de déclaration ne laissent aucune place au doute. La position de l’administration aboutit au curieux paradoxe d’inciter les actionnaires à céder les titres porteurs d’une moins-value avant deux ans de détention, ce qui complique sérieusement la gestion d’un portefeuille. Cela s’avère en outre contre-productif car l’incitation à céder rapidement ne peut qu’accentuer l’instabilité boursière.

Le contribuable n’a malheureusement pas toujours les moyens de vendre à temps : une contre-performance peut fort bien ne se manifester qu’au terme de deux ans de détention. Et la solution retenue par l’administration prend complètement de revers ceux qui détiennent leurs titres en perte depuis plus de deux ans : s’ils ne les ont pas cédé avant le 1er janvier 2013, l’abattement concernera la moins-value dégagée par la cession (y compris la fraction de moins-value qui était latente au 1er janvier 2013).

En pratique, l’actionnaire doit comprendre que, désormais, s’il cède des titres A détenus depuis longtemps en obtenant une moins-value de 100, et des titres B qu’il vient d’acquérir en réalisant une plus-value de 100, l’opération qu’il pensait neutre (ni gain, ni perte) se traduira, du fait de l’application de l’abattement à la moins-value, par la taxation d’un gain virtuel.

On distingue donc deux situations.

Dans le premier cas, la cession de titres en perte est réalisée avant deux ans de détention et le contribuable dispose d’une moins-value calculée sans abattement, utilisable pour réduire les plus-values de l’exercice ou reportable sur celles des dix années suivantes. Après la cession, il pourra éventuellement racheter les titres, mais le prix et la durée de détention seront alors remis à zéro.

Dans le deuxième cas, celui de titres détenus depuis plus de deux ans, les actionnaires qui ne veulent pas se résoudre à subir l’abattement, pourront attendre s’ils espèrent que le cours de l’action se redresse ou tenter de contester la position de l’administration devant le juge de l’impôt. A défaut, la solution pourrait être de choisir la même année pour céder les titres en perte et des titres détenus depuis aussi longtemps mais porteurs d’une plus-value latente car les abattements se neutralisent.

Le troisième effet : le nouveau sort des moins-values en report

Le sort des moins-values en report, utilisables sur les plus-values réalisées au cours des dix années suivantes, réserve aussi deux mauvaises surprises.

La première difficulté concerne les moins-values anciennes. Les actionnaires qui bénéficiaient de moins-values en report pensaient légitimement pouvoir les utiliser pour échapper totalement à l’impôt sur les plus-values qu’ils réaliseraient par la suite. Mais la réforme a perturbé cette règle bien établie en créant deux gains, un pour l’impôt sur le revenu, et un autre (déterminé sans les abattements) pour les prélèvements sociaux et la contribution sur les revenus élevés. Ainsi, une plus-value de 100 avec un abattement de 50 peut être effacée par 50 de moins-value en report, pour l’impôt sur le revenu. Mais le gain taxable aux prélèvements sociaux et à la contribution sur les revenus élevés, égal à 100 (l’abattement n’étant pas applicable) n’est réduit que des mêmes 50 de moins-values en report qui ont pu être utilisés pour l’impôt sur le revenu. En effet, les textes ne permettent pas aux contribuables d’imputer plus de moins-values en report que celles utilisées pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Une difficulté supplémentaire concerne les moins-values de l’année appelées à être reportées sur les dix années suivantes. Si la moins-value a été abattue pour l’impôt sur le revenu, et est reportée, son utilisation produira un effet moindre y compris pour les prélèvements sociaux. L’administration considère en effet que seuls les abattements de l’année de la cession sont à neutraliser pour le calcul de ces contributions. La moins-value à reporter est figée dans son montant abattu. Pour cette raison, lorsque la moins-value n’est pas utilisée pour effacer des plus-values de l’année mais reportée, l’effet défavorable produit par l’abattement ne se limite alors pas à l’impôt sur le revenu, mais s’étend aux contributions.

Difficulté supplémentaire en cas d’achats successifs

Si un actionnaire a acheté successivement au cours de plusieurs années des actions dont le cours a baissé, et placé ces titres sur un même compte-titre, comment la moins-value latente sera-t-elle réalisée en cas de cession partielle ? Le contribuable n’a pas le choix. Si les titres sont fongibles, la loi prévoit de retenir une règle de coût moyen pondéré et considère que la cession porte prioritairement sur les titres les plus anciens. La loi est une nouvelle fois très pénalisante : le contribuable aurait sans doute intérêt à céder prioritairement les titres détenus depuis moins de deux ans pour échapper à l’application de l’abattement.

L’application de l’abattement aux moins-values est donc décidément l’une des plus mauvaises surprises de cette réforme.


(1) Comme exposé de manière plus détaillée au Feuillet rapide 11/14 du 28 février 2014 p. 23

Article paru dans la revue Option Finance le 22 avril 2014

Auteurs

Florent Ruault