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Les offres de titres financiers par placement privé

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 7 janvier 2013

08/01/2013


Dans le débat ouvert entre l’AMF et la Placeb(1) à propos de la Position AMF (n° 2012-09) sur les placements privés, certains principes nous paraissent devoir être rappelés.

Pour mémoire, l’AMF estime dans ce document d’extériorisation de sa doctrine, « qu’une émission par placement privé ne peut avoir comme bénéficiaires uniques ou principaux des actionnaires ou dirigeants de la société ». A l’appui de cette interprétation deux affirmations sont posées : l’une relative à l’intention du législateur, l’autre portant sur le traitement de situation de conflits d’intérêts.

Au titre de la première, il est affirmé que « l’objectif principal de l’augmentation par placement privé (de l’article L. 225-136 du code de commerce) est l’ouverture au capital de la société à de nouveaux investisseurs ». Pour autant, ni le texte ni les travaux préparatoires n’étayent cette affirmation et ne permettent de poser un principe général. Il convient ainsi de prendre toute la mesure la réforme issue de l’ordonnance(2) de 2009 qui a créé un nouveau type d’augmentation de capital (les placements privés) plus souple dans sa mise en œuvre mais néanmoins encadré. Nous attirions déjà l’attention dans ces colonnes en 2009(3) sur le caractère autonome de ce régime : il s’inscrit dans un rapport non pas de subordination mais au contraire de concurrence avec d’autres fondements juridiques que sont les augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription par offre au public (article L 225-136 du code de commerce) et les augmentations de capital réservées à bénéficiaires dénommés ou à catégories de bénéficiaires répondant à des caractéristiques fixées par l’assemblée générale (article L 225-138 du même code). La concurrence entre fondements juridiques d’une augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription ne connait donc pour seule limite que la fraude à loi, laquelle doit être caractérisée et non présumée. La constatation du seul résultat d’un placement privé est insuffisante à caractériser cette fraude et il faudra en pratique relever l’absence d’offre faite à une pluralité d’investisseurs (qualifiés ou en cercle restreint) agissant pour compte propre.

Au titre de la seconde motivation, les personnes en situation de conflit d’intérêts doivent s’abstenir de voter les résolutions dont elles sont bénéficiaires et notamment lorsque des dirigeants bénéficiaires du placement privé ont fixé le prix de souscription.

Or, en droit français, le principe est que le droit de vote ne peut être retiré, sauf ordre exprès de la loi. La jurisprudence est constante sur ce point. Ainsi, en aucune manière, un conflit d’intérêt serait-il bien réel ne peut justifier la privation du droit de vote si cette privation n’a pas elle-même été expressément prévue par la loi.

Dès la création de ce régime en 2009, il était d’ailleurs prévisible que l'AMF souhaite contrôler davantage les modalités de réalisation des augmentations par placement privé : la relative flexibilité de ce régime est potentiellement porteuse de mises en œuvre contestables, par exemple dans le cas d’opérations dilutives réservées en fait dès l’origine à quelques bénéficiaires identifiés mais sur l'identité desquels les actionnaires n'ont pas pu se prononcer de manière éclairée, pas davantage que sur les conditions financières qui leur ont été offertes.

Au résultat, la démarche en opportunité aura néanmoins le mérite d’inciter le législateur seul compétent à agir et traiter enfin ces conflits d’intérêts.


1. AMAFI / 12-53 12 novembre 2012 et avis juridique du Professeur J.-J. Daigre.

2. Ord. N° 2009-80 du 22 janvier 2009 (JO du 23 janvier, p. 1431 et s.).

3. Emissions de capital et placements privés, B. Zabala, Analyse juridique, Option Finance n° 1026 du 27 avril 2009, p. 22 ; notre commentaire Principales innovations de l’ordonnance réformant l’appel public à l’épargne, BRDA 3/09, n° 22, p. 11 et s.

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