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Les stock-options et les actions gratuites face à l’Exit tax – ou comment échapper à une double imposition en perspective

30/08/2011


Les stock-options risquent fort d’être pris dans le feu croisé de deux dispositifs fiscaux indépendants, mais potentiellement cumulatifs: entre imposition à la source et exit tax, les dommages collatéraux risquent d’être élevés


Présentons brièvement les deux dispositifs belliqueux :

1. Première arme : La retenue à la source sur les gains des non-résidents

La loi de finances rectificative pour 2010 crée une imposition par voie de retenue à la source des gains réalisés par des non-résidents lors de la cession de titres issus de plan stock-options ou d’attributions gratuites d’actions (AGA). La retenue est prélevée et versée au Trésor par la personne qui verse le prix de cession des actions issues du plan (banque teneur du compte titres, en présence de titres cotés, société émettrice du plan ou autre tiers, selon les cas). L’impôt est censé frapper notamment la plus-value d’exercice des titres qui seront cédés à l’expiration de la période d’indisponibilité, et cela aux mêmes taux - 19, 30 ou 41 % - que ceux applicables dans la même situation aux contribuables résidents. Le débiteur et le taux sont définis.

Un flou très artistique entoure en revanche la fixation de la base imposable : la loi précise que la retenue à la source vise « les avantages de source français» réalisés à compter du 1er avril 2011.

Un projet d’instruction, datant de fin 2005 et remanié depuis est censé venir apporter la réponse à cette épineuse question : le gain, égal à la différence entre le prix d'exercice des options et leur valeur vénale lors de l'exercice « plus-value d'exercic»), devrait être traité en toute hypothèse comme un complément de salaire imposable en France lorsqu'il se rattache à une activité exercée sur le territoire français (sauf exception). Une telle position ne serait pas exempte de critiques (cf. article du 13 décembre 2010 publié dans ces colonnes par Annabelle Bailleul), dans la mesure où il existe des points communs entre cette « plus-value d’exercice » et les plus-values de cession de valeur mobilières, presque toujours imposables uniquement dans l’Etat de résidence du cédant.

La situation est particulière : un texte législatif en vigueur renvoie implicitement à une instruction encore en souffrance le soin de définir son champ d’application. Ce défaut parmi d’autres a poussé l’administration à faire part de son intention de repousser l’application effective de la retenue à la source au 1er janvier 2012 (au lieu du 1er avril 2011 initialement prévu).

2. Deuxième arme : L’Exit tax

L’autre dispositif belliqueux est celui de l’exit tax de seconde génération, contenu dans la loi de finances rectificative pour 2011, adoptée le 6 juillet dernier et en cours d’analyse par le Conseil Constitutionnel.

Selon ce texte, une personne domiciliée en France pendant une période de 6 ans au cours des 10 années précédentes, qui transfère son domicile fiscal hors de France à compter du 3 mars 2011, est imposée à raison de certaines plus-values latentes, constatées le jour précédant son départ. Sont visées les participations de plus de 1 % ou d’une valeur de plus de 1,3M€ dans des sociétés françaises ou étrangères.

La plus-value passible de l’exit tax est définie de manière autonome : il s’agit de la différence entre la valeur réelle des titres lors du départ et leur prix ou valeur d’acquisition. Le taux d’imposition est celui applicable aux plus-values mobilières : 31,3 % (soit 19 % plus 12,3 % de contributions sociales). Un mécanisme de sursis d’imposition automatique ou sur demande est prévu, en fonction de la destination (Union européenne ou autre pays) ou des motifs (départ pour raisons professionnelles ou pas).

L’objectif est clairement assumé : il s’agit de décourager les contribuables français de s’exiler aux fins d’échapper à l’imposition en France des plus-values sur des titres de société.

Les deux dispositifs ont un objectif commun : sauvegarder les droits du Trésor, face à des contribuables soupçonnés de velléités d’évasion fiscale. Leur application cumulée peut réserver des surprises.

3. Double impact

Prenons l’exemple de Mr Donald, bénéficiant de plusieurs plans annuels de stock-options mis en place par son employeur britannique. Mr Donald a été résident de France de 2002 à 2006 et l’est à nouveau depuis 2009. Il a exercé en 2010 les options dont il bénéficiait et a acquis une participation qui valait 2M€ au jour de l’exercice, alors que le prix cumulé d’exercice était de 1,5M€ (soit une plus-value d’exercice de 0,5M€). M. Donald garde les actions car il estime que les titres de sa société ont un fort potentiel de plus-value. Il projette, pour raisons personnelles, de s’installer en Suisse, où il profitera de l’air alpin et du produit des actions acquises et conservées dans le cadre des plans de stock options.

Première surprise : M. Donald entre dans le champ d’application de l’exit tax : il détient une participation inférieure à 1% mais d’une valeur de plus de 1,3M€ dans une société (britannique en l’occurrence). La plus value imposable est égale à la valeur actuelle de sa participation (par hypothèse, 2,2M€) et son « prix d’acquisition ». Le risque est grand que l’administration ne considère que le prix d’acquisition est celui effectivement payé, soit 1,5M€. La plus-value d’exercice serait donc incorporée dans le gain latent soumis à exit tax.

Si le projet de texte avait renvoyé aux règles d’assiette des plus-values mobilières, il aurait été clair que seule la fraction de la valeur des titres soumise à ce régime d’imposition en cas de cession est soumise à déclaration et à imposition. La plus-value d’exercice des options aurait ainsi pu être exemptée puisque hors de ce champ. Or ici le texte dispose simplement que l’assiette de l’exit tax est constituée de la différence entre la valeur vénale au jour du transfert de domicile et la valeur d’acquisition des titres.

Seconde surprise : M. Donald part vers la Suisse (hors UE), pour des raisons personnelles. Il ne pourra donc bénéficier d’un sursis d’imposition que sur demande et production de garanties de paiement de l’impôt.

Troisième surprise : M. Donald cède en 2012 les titres acquis en 2010.

En premier lieu, l’administration pourrait exiger le versement, par la banque teneur du compte –titres, de la retenue à la source exigible au titre de la plus-value d’exercice « de source française ». Comme mentionné plus haut, l’administration pourrait soutenir que ce gain a la nature d’un salaire, imposable en France s’il se rattache à une activité exercée et imposable en France. Si l’instruction tant attendue n’est pas publiée dans l’intervalle ou si elle n’est pas claire, les discussions sur la détermination de la part imposable en France pourraient être douloureuses. Il est probable que, dans ces conditions, la banque teneur du compte titres prenne la voie de la sécurité et prélève l’impôt sur la totalité de la plus-value d’exercice, soit sur une base de 0,5M€.

D’un autre côté, la plus-value réalisée par M. Donald lors de la cession de sa participation n’est pas imposable en France (tant en vertu du droit interne français que de la convention franco-suisse) et elle ne fait pas hypothèse pas l’objet d’une imposition en Suisse.

Dans ces conditions, le sursis de paiement de l’exit tax, dont bénéficiait M. Donald, tombera et M. Donald devra s’acquitter de l’impôt correspondant. Dans la mesure où la plus-value additionnelle n’est pas imposable en France et où aucun impôt n’est payé à l’étranger, aucun dégrèvement ou réduction de l’exit tax ne sera applicable. Rappelons que la base de l’exit tax aura englobé la plus-value d’exercice.

Cette plus-value d’exercice ferait l’objet d’une double imposition économique : une première fois dans le cadre du régime de l’exit tax dans le cadre du régime des stock-options et une seconde fois dans le cadre du régime des stock-options.

Dans ces conditions, M. Donald pourrait songer à repousser la vente de sa participation jusqu’en 2018. En effet, l’exit tax est dégrevé si les titres qui ont été soumis à cet impôt sont conservés pendant 8 ans. Pour autant, les contributions sociales (12,3% actuellement) resteraient dues, de sorte que la double imposition ne sera pas totalement effacée.

Si M. Donald devait se sentir frustré par une telle double imposition, il pourra se consoler en pensant que d’autres contribuables feront l’objet d’un traitement pire encore. On songe aux personnes qui quittent la France en étant titulaires d’actions issues d’AGA et formant une participation de plus de 1% ou de plus de 1,3M€ : dans ce cas, la plus-value soumise à exit tax paraît devoir être égale à l’intégralité de la valeur vénale des titres au jour du départ (l’intéressé n’a par définition payé aucun prix d’acquisition). Parallèlement, le « gain d’acquisition » des actions gratuites ferait l’objet d’une retenue à la source de 30% lors de la cession des actions, dès lors qu’il est de « source française».


Par Dimitar Hadjiveltechv et Frédéric Roux, avocats

Article paru dans la revue Option Finance du 25 juillet 2011

Auteurs

Portrait deDimitar Hadjiveltchev
Dimitar Hadjiveltchev
Associé
Paris
Frédéric Roux
avocat