Le 14juin dernier, l Commission européenne a initié une consultation publique aux fins d'obtenir les vues du marché sur la mise en place de règles applicables aux dispositifs de règlement-livraison sur dérivés et aux contreparties centrales ainsi que plus généralement sur la réglementation de ce type deproduits financiers, A cette occasion, elle s'est rapprochée du Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CESR).
Dans son «Consultation paper» de juillet 2010, le CESR a ainsi évoqué un certain nombre de propositions en vue de l'organisation des obligations de reporting sur les dérivés et a étudié les principales différences entre le reporting sur titres financiers et celui sur contrats financiers.
Le CESR a distingué les obligations de rendre compte liées aux transactions de celles applicables aux positions mêmes sur instruments financiers. Cette distinction trouve son pendant dans les différents objectifs de contrôle : la surveillance des flux permet de contrôler les risques de manipulation de marché ; celle des stocks a pour objet elle de prévenir les situations de risque systémique.
Sur la base de ces constats, le CESR a fait deux propositions qui, dans la perspective de la refonte de la directive MIF, pourrait avoir un impact certain sur le contrôle des transactions sur produits dérivés. La première est bien sûr d'étendre le champ des obligations déclaratives de la directive MIF aux dérivés et aux instruments financiers négociés sur les MTE.
Cette proposition n'a rien d'originale au regard des échanges du G20 de 2009 à Pittsburgh. Ce qui est plus original, et bien plus sensible, c'est la recommandation du CESR de s'appuyer sur les « trade repositories » comme pivot des flux d'information sur positions et transactions sur dérivés vers les régulateurs européens. Le CESR définit ainsi ces acteurs du marché des dérivés comme les prestataires chargés de tenir le registre et d'assurer les fonctions de réconciliation des données sur transactions sur dérivés.
A ce jour, CESR n'a pu décompter que deux trade repositories, d'ailleurs basés aux Etats-Unis. Toutefois, dans son Consultation paper du 29 septembre dernier, le CESR fait état du projet de création de trade repositories sur le sol européen pour les swaps de taux d'intérêt et s'interroge sur le régime juridique qui devrait leur être applicable.
Maîs, au-delà des simples ques tions juridiques sur le corpus de règles devant organiser les fonctions de ces gardiens des stocks et flux sur dérivés, la question du contrôle de ces acteurs et de leurs localisations paraît beaucoup plus importante. En effet, la multiplication de tels acteurs ne peut que rendre difficile l'analyse des données qu'ils sont censés traiter.
Pour autant, si les trade repositories deviennent effectivement les auxiliaires des régulateurs européens dans la surveillance du marché des dérivés, il reste à apporter la réponse à deux questions qui justifient des solutions opposées : l'UE peut-elle s'appuyer sur des acteurs hors de ses frontières pour contrôler les opérations faisant courir potentiellement des risques systémiques sur ses marchés financiers ? L'UE peut-elle, au-delà des projets du CESR, adopter seule une réglementation européenne des transactions sur dérivés qui n'aurait de sens que si elle s'applique de manière globale et qui, donc, doit nécessairement avoir son pendant tant aux Etats-Unis que parmi les nouveaux acteurs de la finance mondiale ?
Jérome Sutour, Avocat associé
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 11 octobre 2010
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