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Maroc | Droit de la concurrence au Maroc : réforme et avancées | Flash info Afrique

03/02/2015

Depuis sa réactivation en 2009, le Conseil de la concurrence marocain a amorcé une campagne active de sensibilisation au droit de la concurrence et a rendu plus d'une quarantaine d'avis en matière de pratiques anticoncurrentielles. Mais il ne pouvait intervenir de son propre chef et n'exerçait de fait qu'un rôle consultatif sans aucun pouvoir de sanction.

En lui conférant la qualité "d'institution administrative indépendante chargée d'assurer la transparence et l'équité dans les relations économiques", la nouvelle Constitution du Maroc promulguée le 30 juillet 2011(1) avait marqué la première étape importante d'une évolution sensible du droit de la concurrence au Maroc.

Cette évolution a été confirmée par la publication de deux lois le 7 août 2014 : la loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence et la loi n°20-13 relative au Conseil de la concurrence, lesquelles consacrent les missions du Conseil de la concurrence marocain et l'érigent en véritable organe régulateur de la conurrence au Maroc(2).

Ainsi, les cas de saisine du Conseil de la concurrence ont été élargis (1). En qualité d'institution administrative indépendante, le Conseil de la concurrence dispose également de nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction (2). Au delà, cette réforme du droit de la concurrence marocain permet l'appréhension de nouvelles considérations économiques, ce qui devrait permettre une véritable modernisation de l'arsenal juridique marocain en ce domaine (3). Voici une brève présentation du nouveau dispositif.

1- Saisine élargie du Conseil de la concurrence

Avancée majeure : il est désormais possible au Conseil de la concurrence de s'autosaisir sur proposition de son rapporteur général, de toutes les questions affectant la concurrence au Maroc2.

Les possibilité de saisine sont également ouvertes aux entreprises : les entreprises ne sont donc plus obligées de solliciter les chambres professionnelles pour saisir le Conseil de la concurrence.

Nul doute que ces modifications relatives aux possibilités de saisine du Conseil de la concurrence favoriseront l'effectivité du droit de la concurrence au Maroc.

2- Nouvelles compétences et nouveaux pouvoirs

De nouvelles compétences sont reconnues au Conseil de la concurrence en sa qualité d'institution administrative indépendante.

Ainsi, les notifications de projet de concentration dépassant un seuil réglementaire ne sont plus effectuées au Chef de Gouvernement mais directement au Conseil de la concurrence. Ce dernier dispose dorénavant d'un pouvoir décisionnel en matière de concentrations et de pratiques anticoncurrentielles (ententes anticoncurrentielles et abus de position dominante).

Outre le pouvoir d'instruire, le Conseil de la concurrence peut mener des enquêtes nécessaires à l'application des dispositions de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence concernant les pratiques anticoncurrentielles et le contrôle des opérations de concentration économique.

Enfin, le Conseil de la concurrence est à présent habilité à prendre des mesures conservatoires et à prononcer des sanctions pécuniaires pouvant représenter jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial ou national de l'entreprise (ou des parties intéressées) contrevenante.

3- Elargissement et modernisation du champ d'application matériel du droit de la concurrence

La loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence ne se limite pas à la réforme institutionnelle : elle modernise en profondeur le droit matériel de la concurrence marocain.

Le seuil de notification préalable d'une concentration a été élargi. Au seul et restrictif critère de 40% de parts de marché réalisé par les entreprises parties à l'opération justifiant une notification préalable de cette dernière, la loi n°104-12 et son décret d'application(3) ont ajouté d'autres critères alternatifs de notification :

  • le chiffre d'affaires total mondial supérieur ou égal à 750 millions de dirhams, hors taxes, de l'ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration ;
  • le chiffre d'affaires total supérieur ou égal à 250 millions de dirhams, hors taxes, réalisé au Maroc par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernées.

En matière de contrôle des pratiques anticoncurrentielles, s'inspirant de la pratique de la Commission européenne (règle dite de minimis), le législateur marocain a introduit une exclusion au contrôle des pratiques anticoncurrentielles pour les "accords d'importances mineures ne restreignant pas sensiblement le jeu de la concurrence", notamment les accords entre les PME(4).

Les seuils fixant ces accords d'importance mineure doivent encore être précisés par des textes réglementaires d'application en attente d'adoption.

Autre élément de modernisation : à l'instar du droit français et européen de la concurrence, le droit marocain connait désormais l'infraction de pratique de prix abusivement bas de produits ou de services vendus aux consommateurs.

Soulignons en dernier lieu que l'exception au principe de libre concurrence concernant une liste de produits et de services dont les prix de vente sont réglementés a été maintenue(5) et ce, alors même qu'à la suite de l'avis du Conseil de la concurrence en 2010, la loi n°06-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence avait été amendée en vue de limiter à quatre ans l'établissement d'une liste de produits et de services dont les prix seraient à titre dérogatoire réglementés.

Conclusion

L'adoption de cette réforme du droit de la concurrence marque une avancée majeure au Maroc et devrait améliorer favorablement l'environnement des relations économiques qui se nouent au Maroc.

En qualité d'institution administrative indépendante, le Conseil de la concurrence dispose de nouveaux pouvoirs d'auto-saisine, d'instruction, de sanctions et surtout de décision. Pour l'heure, nous observons que le Conseil de la concurrence mène une campagne de communication en vue de sensibiliser les entreprises sur l'intérêt du droit de la concurrence dans une économie en pleine évolution.


1. Article 166 du Dahir n°1-11-91 du 27 chaabane 1432 portant promulgation du texte de la Constitution (B.O. n° 5964 bis du 30 juillet 2011) : "Le Conseil de la concurrence est une institution indépendante chargée, dans le cadre de l'organisation d'une concurrence libre et loyale, d'assurer la transparence et l'équité dans les relations économiques, notamment à travers l'analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques commerciales déloyales et des opérations de concentration économique et de monopole."

2. Article 4 de la loi n°20-13 relatice au Conseil de la concurrence : "Le conseil peut, sur proposition de son rapporteur général, se saisir d'office de toutes les pratiques susceptibles d'affecter le libre jeu de la concurrence [....]."

3. Décret n°2-14-652 du 8 safar 1436 (1er décembre 2014) pris pour l'application de la loi n°104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence

4. Nous rappelons à ce sujet que 95% des entreprises marocaines sont des Petites et Moyennes Entreprises

5. Article 2 alinéa 2 de la loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence : "Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, des produits et des services sont déterminés par le jeu de la libre concurrence sous réserve des dispositions du deuxième alinéa ci-dessous et des articles 3 et 4 aci-après.
Les dispositions du premier alinéa ci-dessus ne s'appliquent pas aux biens, produits et services dont la liste est fixée par voie réglementaire après consultation du conseil de la concurrence.
Les modalités de réglementation des prix des biens, produits et services et celles de leur retrait de ladite liste sont fixées par voie réglementaire
."

Auteurs

Portrait deMarc Veuillot
Marc Veuillot
Portrait dePierre Marly
Pierre Marly