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Obligation de sécurité de l’employeur : attention aux ambiances de travail délétères

18/07/2017

Cass. soc., 22 juin 2017, n° 16-15.507

L’employeur doit prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (C. trav., art. L. 4121-1). Il doit ainsi veiller à ce que l’organisation et les conditions de travail n’altèrent pas la santé de ses salariés, ce qui inclut le maintien d’un climat de travail sain.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du Code du travail, ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, de la pénibilité au travail, du harcèlement moral et sexuel, des agissements sexistes, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens appropriés. L’employeur doit également assurer l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’obligation de l’employeur s’analysait en une obligation de résultat et que la survenance d’un dommage engageait sa responsabilité même en l’absence de faute (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 99-18.389 ; Cass. soc., 11 avr. 2002, n° 00-16.535). Cette solution avait été étendue aux situations de harcèlement moral et sexuel : lorsqu’un salarié était victime de harcèlement moral ou sexuel, cela constituait un manquement à cette obligation, quand bien même l’employeur aurait pris des mesures afin de faire cesser les agissements (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914).

Mais par un arrêt en date du 25 novembre 2015 (n° 14-24.444), la Cour de cassation a amorcé une évolution dans l’application de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur lorsqu’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention. Elle a en effet jugé que : « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ».

Beaucoup se sont interrogés sur le point de savoir si cette évolution allait être étendue au harcèlement moral et sexuel. Tel a bien été le cas dans un arrêt en date du 1er juin 2016 (n° 14-19.702), par lequel la Cour de cassation juge que l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral s’il prend les mesures immédiates pour faire cesser les agissements de harcèlement et les mesures nécessaires de prévention.

Dans l’affaire commentée, la question posée à la Cour de cassation était de savoir comment l’employeur doit réagir face à une situation de souffrance au travail provoqué par un conflit entre collègues et dans quelle mesure il peut lui être reproché un manquement à l’obligation de sécurité, susceptible d’empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, une salariée exerçant en tant que médecin spécialisé s’est plainte auprès de son employeur des difficultés qu’elle rencontrait avec l’une de ses collègues, qu’elle accusait de la mettre à l’écart et d’avoir un comportement méprisant à son égard. Elle soutenait ainsi être victime de harcèlement moral et reprochait à son employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat qui, selon elle, justifiait la rupture de son contrat de travail.

L’employeur avait dans un premier temps pris en compte ce signalement en organisant une réunion avec plusieurs médecins du centre en présence des deux intéressées pour formaliser l’organisation de leur travail afin d’éviter des sources de conflits potentiels, mais n’a pas complètement séparé les deux salariées. La salariée s’est trouvée en arrêt de travail prolongé et a fini par agir en résiliation judiciaire, action au cours de laquelle elle a été licenciée pour inaptitude.

La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir décidé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, rendant ainsi impossible la poursuite des relations contractuelles, aux motifs que « la relation de travail de la salariée avec une collègue avait entraîné chez l'intéressée une vive souffrance morale ayant participé de façon déterminante à la dégradation de son état de santé, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas pris toutes les mesures utiles pour régler avec impartialité par sa médiation, le conflit persistant qui les opposait et permettre ainsi à la salariée de réintégrer son poste ou à défaut, pour séparer les deux protagonistes, en lui proposant, sans attendre la fin de son arrêt de travail pour maladie, soit un changement de bureau comme préconisé par le médecin du travail, soit un poste disponible dans un autre centre à proximité ».

Pourtant, il n’était pas contesté que l’employeur avait invité la salariée à prendre contact avec le médecin du travail, avait organisé une réunion avec la salariée et ses collègues pour proposer des modifications dans l’organisation du travail, avait mis en place un coordinateur chargé de régler les difficultés au sein du personnel et avait modifié les modalités du travail en binôme. Ces actions n’ont pas été jugées suffisantes par la Cour d’appel, approuvée en cela par la Cour de cassation.

Ainsi, cette décision nous éclaire sur l’étendue des obligations qui incombent toujours, même après les arrêts du 25 novembre 2015 et du 1er juin 2016, à l’employeur en présence d’une situation pouvant être caractérisée de harcèlement moral. Au titre de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur doit donc mettre fin aux conflits internes qui sont susceptibles de mettre en danger la santé des salariés. Dans une telle situation, à défaut de solution amiable trouvée entre les salariés, l’employeur doit envisager un changement de bureau ou une affectation sur un poste situé dans un autre établissement.