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PEA et expatriation : L’administration fiscale prend enfin position (ou presque)

23/04/2012


Les contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France ne doivent plus craindre que l’administration fiscale exige automatiquement la clôture de leur PEA. Tenant enfin compte d’un arrêt rendu en 2006 par le Conseil d’Etat(1), l’administration fiscale aménage dans une instruction récemment publiée(2) les conditions de fonctionnement du PEA lors d’une expatriation. La question brûlante de l’articulation entre PEA et Exit Tax reste toutefois en suspens.


Dans le contexte du débat électoral sur le durcissement de la taxation des exilés fiscaux, l’administration fiscale publie une instruction aménageant le régime du plan d'épargne en actions (« PEA ») afin de se conformer au droit européen : le transfert hors de France du domicile fiscal du titulaire du plan n’entraîne plus automatiquement sa clôture, les conséquences fiscales des opérations réalisées après le transfert sont précisées.

1. Rappel : d’une position administrative contestable à une brèche jurisprudentielle…

La loi(3) précise que seuls les contribuables dont le domicile fiscal est situé en France peuvent ouvrir un PEA. A défaut d’autre précision légale, on pouvait donc légitimement en conclure que le transfert du domicile à l’étranger n’entraînait pas obligatoirement la clôture du PEA.

Selon l’administration fiscale, le départ à l’étranger constituait au contraire un manquement à l’une des conditions prévues pour l’application du régime du PEA et entraînait corrélativement la clôture du plan à la date du départ(4).

L’administration avait toutefois admis que cette clôture ne donnait lieu à aucune imposition si elle intervenait dans les cinq premières années du plan. En revanche, les gains étaient soumis aux prélèvements sociaux lorsque le plan était clôturé plus de cinq après son ouverture. Il incombait alors à l’établissement gestionnaire du PEA d’expliquer cette subtile distinction à ses clients souhaitant s’expatrier ainsi que de liquider et retenir les prélèvements sociaux. En application de cette doctrine administrative, la banque de M. Chauderlot qui transférait son domicile en Belgique avait alors procédé à la clôture du PEA de son client, retenant à cette occasion l’ensemble des prélèvements sociaux.

Le Conseil d’Etat avait partiellement fait droit au recours de ce dernier contestant le bien fondé d’une telle pratique. La Haute Juridiction avait en effet jugé que si la perte de la qualité de résident fiscal français entraînait bien l’obligation de clôturer le plan, cela ne devait toutefois entraîner aucune imposition.

La solution favorable rendue par le Conseil d’Etat ne visait néanmoins que les contribuables quittant la France pour un autre pays membre de l’Union Européenne, ce qui pouvait conduire à appliquer un régime différent selon le pays de destination retenu par l’expatrié.

2. …conduisant à une situation paradoxale : entre vide juridique et opportunité fiscale

Dans le cas visé par le Conseil d’Etat, les prélèvements sociaux se trouvaient privés de tout fait générateur. En effet, en l’absence de texte de substitution, il n’existait pas de mécanisme légal permettant de soumettre aux prélèvements sociaux les gains du PEA d’un contribuable transférant sa résidence et dont le plan aurait été clôturé lors de son départ.

Ainsi, l’obligation de clôturer son PEA conjuguée à l’absence de paiement des prélèvements sociaux pouvaient permettre au contribuable, à l’occasion de son départ, de transférer à l’étranger et sans aucun frottement fiscal la totalité des avoirs qui étaient contenus sur son plan.

3. Une pratique de place incertaine depuis 2006

Dans ce contexte, au regard de leur obligation de collecte des prélèvements sociaux, la position des banques restait inconfortable : la loi n’avait pas changé et l'administration fiscale n’avait jamais pris officiellement position pour clarifier le sujet.

Certaines banques continuaient donc de retenir et reverser les prélèvements sociaux au Trésor Public même si elles devaient alors faire face au mécontentement et aux éventuels recours de leurs futurs « ex-clients » quittant le territoire français.

4. A compter du 20 mars 2012, expatriation ne rime plus avec clôture automatique du PEA

Alors que la loi n’est pas modifiée et contrairement à l’analyse retenue par le Conseil d’Etat, l’administration fiscale admet que la perte de la qualité de résident fiscal français, même en cas d’un départ dans un pays situé en dehors de l’Union Européenne, n’entraîne plus désormais automatiquement la clôture du PEA.

Cette doctrine concerne tous les départs hors de France effectués à compter du 20 mars 2012, date de publication de la nouvelle instruction administrative.

Une seule exception : le cas du transfert de domicile dans un Etat ou Territoire Non Coopératif (« ETNC »), à savoir, selon la liste actualisée par l’arrêté du 4 avril dernier, Guatemala, Niue, Brunei, Iles Marshall, Philippines, Montserrat, Nauru, Botswana.

Dans ce dernier cas, la clôture automatique du plan s’accompagnera de l’imposition du gain réalisé, d’une part, à l’impôt sur le revenu si le plan est ouvert depuis moins de cinq ans et, d’autre part, aux prélèvements sociaux quelle que soit la date d’ouverture du plan.

5. Le nouveau régime fiscal des produits et plus-values réalisés sur le PEA après le départ de France

Les produits et plus-values procurés par les placements effectués sur un PEA détenu par un non-résident seront en principe exonérés d’impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que pour les résidents de France(5).

Ainsi, les dividendes perçus sur un PEA ne seront pas soumis à la retenue à la source de 30 % prévue par l’article 119 bis 2 du code général des impôts. Regrettons, toutefois, que pour les dividendes versés par une société française non cotée, un contribuable non résident ne bénéficiera de cette exonération qu’au moyen du dépôt d’une réclamation contentieuse. Il lui appartiendra alors de démontrer que le montant des dividendes procurés par les actions ou parts de sociétés non cotées est plafonné à 10 % des placements en titres non cotés.

6. Conséquences de la clôture du PEA après le départ de France

Si le titulaire est un non-résident à la date de la clôture, du retrait (PEA bancaire), ou du rachat partiel (PEA assurance), le gain net réalisé est hors du champ d’application de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.

Par contre, si le titulaire est de nouveau résident fiscal français à la date de la clôture, du retrait ou du rachat partiel, le gain net réalisé est soumis, le cas échéant, à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux dans les conditions de droit commun. Le contribuable qui redevient résident français peut néanmoins déposer une réclamation afin de corriger toute double imposition qui aurait été subie pendant sa période de résidence étrangère.

7. PEA et exit tax : une délicate articulation en suspens

Cette instruction laisse toutefois un goût d’inachevé : la question brûlante de l’articulation entre PEA et exit tax n’est pas traitée.

L’administration fiscale considérera-t-elle l’exit tax comme une imposition « autonome » qui est susceptible de s’affranchir des règles préexistantes applicables en matière d’impôt sur le revenu, et plus précisément de celles régissant le dispositif spécial du PEA ?

Dans l’attente d’une réponse à cette question, le candidat à l’exil fiscal pourrait être tenté de céder dans son PEA les titres porteurs de plus-values latentes au plus tard l’avant-veille du transfert de son domicile, l’exit tax frappant uniquement les plus-values latentes existantes le jour précédant un départ.

Conclusion

Un contribuable n’a plus aujourd’hui aucun intérêt à clôturer son PEA avant son départ pour l’étranger. Mais, sauf prévision de réinstallation en France, la conservation durable du plan ne lui sera pas nécessairement utile car, dans l’Etat où il a élu domicile, le contribuable ne pourra pas s’abriter derrière son plan pour éviter les impositions encourues, selon la loi de cet Etat, sur les dividendes en provenance des titres inscrits sur le plan et sur les plus-values retirées de leur cession (calculées, sauf règle favorable contraire, d’après le prix de revient effectif des titres cédés). C’est la raison pour laquelle il est recommandé de purger le plan, dès avant le départ, des plus-values latentes qu’il comporte. Le départ hors de France est donc, dans ces conditions, fiscalement neutre, voire favorable, au regard de la fiscalité française. Espérons que la prochaine instruction sur l’exit tax ne conduise pas à modifier cette analyse.


1 CE 2 juin 2006 n°2715416 Chauderlot

2 Instruction 5 I-3-12 du 8 mars 2012

3 Article L 221-30 du Code monétaire et financier

4 Instruction 5 I-1-93 § 40

5 Hormis le cas particulier d’un titulaire domicilié dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin ou Saint-Pierre-et-Miquelon.


Par Pierre Sappey, avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre

Article paru dans la revue Option Finance du 23 avril 2012