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Panorama des nouvelles règles fiscales dans le domaine de l'immobilier d'entreprise

19/05/2008

1.1 La mesure la plus marquante de la loi de finances pour 2008, en matière d'immobilier d'entreprise, concerne les plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière (SPI), lesquelles relèvent désormais de deux taux d'imposition distincts : le taux normal de 33 1/3% pour les titres de sociétés non cotées, celui de 16,5% (plus contribution sociale s'il y a lieu) pour les titres de participation de sociétés cotées détenus depuis deux ans au moins à la date de la cession.

Corrélativement, les dotations et reprises de provisions pour dépréciation suivent le même traitement fiscal, étant par ailleurs souligné que le plafonnement de la déductibilité de ces provisions à hauteur des moins-values latentes nettes sur l'ensemble des titres de même nature s'opère de manière sectorisée (coté/non coté).

Les moins-values à long terme en report au 31 décembre 2007 résultant de la cession de titres de SPI cotées ou non cotées, et celles réalisées à compter du 1er janvier 2008 sur des titres de SPI cotées peuvent se compenser indifféremment avec des plus-values imposables à 15% (certains produits liés à la propriété industrielle et au capital risque) ou à 16,5%. En revanche, la possibilité d'imputation partielle sur le résultat imposable au taux normal n'est ouverte qu'aux moins-values en report sur titres de SPI non cotées.

1.2 Ces aménagements s'accompagnent d'une extension du champ d'application du dispositif de taxation atténuée à 16,5% prévu par l'article 210 E du CGI aux cessions (vente ou apport) de titres de SPI. Ainsi, quelles que soient la nature de ces titres (titres de participation ou autres) et leur durée de détention par la société cédante (plus ou moins de deux ans), les plus-values correspondantes sont, sous réserve des conditions prévues par ce texte, imposables à 16,5% (plus contribution sociale s'il y a lieu).

Selon toute vraisemblance, cette mesure nouvelle concerne tous les titres de SPI, et non pas seulement ceux émis par les sociétés non cotées. On rappelle, par ailleurs, qu'en principe l'application du régime de l'article 210 E prendra fin le 31 décembre 2008 (sauf à ce que le texte fasse l'objet d'une mesure de prorogation d'ici-là).

Quoi qu'il en soit, l'attrait des foncières faisant appel public à l'épargne (les SIIC notamment) et des Sppicav se trouve renforcé, dès lors que seules ces sociétés permettent au cédant de prétendre au bénéfice du taux d'imposition réduit (du moins si la SPI dont les titres sont cédés n'est pas cotée). Encore faut-il souligner que le cédant devra s'attendre à consentir une décote sur le prix de vente dans le cas où la transaction portera sur les titres d'une société soumise à l'IS, pour tenir compte de la fiscalité latente afférente aux actifs immobiliers de cette société. En revanche, une telle pratique ne devrait pas avoir cours si la société est translucide.

La loi de finances pour 2008 modifie la rédaction des articles 164 B et 244 bis A du CGI définissant, respectivement, les revenus de source française des non-résidents et les modalités d'imposition auxquelles ces revenus sont soumis. Ce faisant, elle élargit le champ d'application du prélèvement forfaitaire sur les plus-values immobilières des non-résidents et introduit un nouveau taux de prélèvement. Il faut dire que l'intérêt des investisseurs étrangers pour le marché immobilier français n'a cessé d'augmenter.

Jusqu'au 31 décembre 2007, les cessions de titres de SPI cotées échappaient au prélèvement et le taux de celui-ci était fixé, soit à 16% pour les personnes physiques résidentes d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'Islande ou de Norvège, soit à 33 1/3% dans tous les autres cas. Désormais, le prélèvement s'applique également (i) aux plus-values de cession d'actions de SIIC ou de sociétés étrangères dotées d'un statut équivalent dont l'actif est, à la date de la cession, principalement constitué directement ou indirectement de biens immobiliers situés en France ou de droits portant sur ces biens, ainsi (ii) qu'aux plus-values afférentes aux autres actions de sociétés cotées dont l'actif est, à la clôture des trois exercices précédant celui au cours duquel intervient la cession, principalement constitué directement ou indirectement de biens immobiliers situés en France ou de droits portant sur ces biens.

Toutefois, les cessions portant sur les actions d'une SIIC, d'une société immobilière cotée autre qu'une SIIC, d'une Sppicav ou d'une société étrangère dotée d'un statut équivalent sont exonérées, lorsque le cédant détient directement et indirectement moins de 10% du capital de la société. Dans le cas contraire (détention directe ou indirecte d'au moins 10% du capital), le prélèvement est dû aux taux précédemment indiqués. Mais, si le cédant est une personne morale résidente d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'Islande ou de Norvège, et si la cession porte sur les titres d'une SPI cotée (SIIC ou autre), le taux est fixé à 16,5% (au lieu de 33 1/3 %), par alignement sur le taux d'imposition des personnes morales françaises placées dans une situation comparable (voir le point 1 ci-dessus).

Naturellement, ces règles s'appliquent sous réserve des conventions internationales.


D'autres dispositions nouvelles touchant à l'immobilier d'entreprise méritent d'être signalées.

3.1 Ainsi, le régime d'imposition à taux réduit (16,5%) des plus-values de réévaluation libre d'immeubles et de titres de SPI qui expirait au 31 décembre 2007 est reconduit jusqu'au 31 décembre 2009 (art. 238 bis JA du CGI).

3.2 L'exonération accordée l'an dernier aux SIIC sur les dividendes reçus d'une autre SIIC (i) détenue à 5% au moins, (ii) pendant deux ans au moins et (iii) sous réserve de redistribution au cours de l'exercice suivant est étendue, dans les mêmes conditions, aux dividendes qui leur sont distribués par les sociétés étrangères dotées d'un statut équivalent et les Sppicav (art. 208 C II al. 4 du CGI).

3.3 Comme en cas d'option pour le régime SIIC, la loi atténue certaines conséquences de la cessation d'entreprise résultant de la transformation d'une société soumise à l'IS en Sppicav: une telle transformation entraîne l'imposition des plus-values latentes sur les actifs immobiliers au taux de 16,5% ; cet impôt (auquel ne s'ajoute pas la contribution sociale) est payé par quart le 15 décembre de l'année de la transformation et des trois années suivantes ; en outre, les associés de la société qui se transforme échappent à l'imposition sur le boni de "cessation d'entreprise" à laquelle ils devraient normalement être soumis en application de l'article 111 bis du CGI.

3.4 Par son arrêt Elisa du 11 octobre 2007 (aff. C 451/05), la CJCE a jugé contraire au principe de libre circulation des capitaux certaines dispositions régissant la taxe annuelle sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales (taxe de 3%). On rappelle que celle-ci s'applique aux personnes morales non cotées dont 50 % au moins des actifs français sont constitués d'immeubles (ou de droits assimilés) situés en France et non affectés à leur propre activité professionnelle. Elle est égale à 3% de la valeur vénale de ces immeubles ou droits. Il est néanmoins possible, en règle générale, d'échapper à cette taxe moyennant le respect d'un certain formalisme. C'est l'impossibilité de se prévaloir de celui-ci, pour les sociétés résidentes de la Communauté européenne ne pouvant pas revendiquer le bénéfice d'une convention fiscale qui faisait débat dans l'affaire Elisa (s'agissant d'une "H 29" luxembourgeoise exclue du champ d'application de l'ancienne convention franco-luxembourgeoise).

Dans la foulée de cet arrêt, la loi de finances rectificative réécrit les articles 990 D et suivants du CGI, en vue notamment de mettre le dispositif en conformité avec le droit communautaire. Ce faisant, elle n'apporte cependant, en pratique, que des ajustements relativement mineurs. On retiendra plus particulièrement que, désormais, pour le calcul du pourcentage de 50%, les actifs français non immobiliers détenus indirectement doivent également être pris en compte. Dans le même esprit "d'assouplissement" les immeubles loués à des entités opérationnelles appartenant au même groupe que la société propriétaire ne sont plus inclus dans les actifs immobiliers pour le calcul de la prépondérance immobilière.

Au contraire, il est intéressant de noter qu'en matière de plus-values sur titres des sociétés soumises à l'IS (voir le point 1 ci-dessus), cette même notion de "prépondérance immobilière" s'apprécie, selon l'administration, en retenant également les immeubles donnés en location à une société liée. Mais ce n'est pas une nouveauté, la prépondérance immobilière est une notion multiforme. Comme quoi, le droit fiscal obéit bien à une logique d'autonomie,...jusqu'en son propre sein.


Article paru dans la revue Option Finance du 18 février 2008

Authors:

Philippe Donneaud, Avocat Associé