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Plus-values immobilières des non-résidents : 19 % pour tous ?

14/05/2013


Article paru dans la revue Option Finance du 13 mai 2013

Le débat initialement limité aux relations fiscales franco-suisses pourrait profiter à l’ensemble des personnes non-résidentes de France qui cèdent une propriété immobilière située en France.


Le contexte : taxation alourdie des plus-values immobilières réalisées par des personnes qui résident hors de l’Union Européenne

Une personne fiscalement résidente de France qui cède un immeuble situé en France est redevable d’un prélèvement de 19%, des prélèvements sociaux (CGS, CRDS au taux cumulé actuel de 15,5 %) et des surtaxes (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au taux de 3 % ou 4 % et taxe sur les plus-values immobilières excédant 50.000 €, dont le taux marginal est de 6 %), soit un taux marginal d’impôt de 44,5 %. Les personnes résidentes d’un autre pays membre de l’Union Européenne ont droit au même traitement, sauf qu’elles ne sont pas redevables de la contribution exceptionnelle de 4 %, soit un taux marginal d’imposition de 40,5 %.

Les résidents d’Etats tiers sont beaucoup plus sévèrement taxés: le prélèvement est de 33,33 % et le taux cumulé d’imposition marginal est de 54,83 % (en incluant les prélèvements sociaux et la surtaxe sur les plus-values excédant 50.000 €).

Demandes de traitement égalitaire : un débat limité au départ aux relations franco-suisses

Les personnes fiscalement résidentes de Suisse qui cèdent des biens immobiliers situés en France peuvent arguer de la rédaction spécifique de l’article 15 de la convention franco-suisse qui précise que « Si ces gains [plus-values] sont soumis dans un Etat contractant à un prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, ce prélèvement est calculé dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l’un ou de l’autre Etat contractant ».

Après quelques décisions de remboursement du différentiel d’impôt, l’administration décida de se rebiffer. Les arguments qu’elle fit valoir devant les juges de première instance ne furent pas accueillis (décision du Tribunal administratif de Paris, 20 mai 2010 nº 07-11610, Aaron). L’administration persista, fit appel, mais en vain, les juges d’appel lui donnant à leur tour tort.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Versailles confirma le 21 juillet 2011 (n° 10VE04101) qu’un résident suisse qui cède un immeuble français doit bénéficier du même taux de prélèvement (16 % à l’époque des faits) que s’il était résident de France, sur le fondement de l’article 15 précité de la convention fiscale franco-suisse.
L’administration française ne se décourageant point, elle s’est pourvue en cassation à l’encontre de cet arrêt et une décision du Conseil d’Etat devrait être rendue prochainement.

A ce stade, le débat, fondé sur la convention fiscale concerne uniquement les résidents fiscaux de Suisse.

Débat étendu aux plus-values réalisées par des sociétés civiles immobilières…

Des contribuables, toujours résidents de Suisse, se sont interrogés également sur la possibilité d’élargir le débat aux plus-values réalisées par les sociétés civiles immobilières françaises qu’ils détiennent.

Jusqu’en 2004, le taux d’imposition des plus-values réalisées par une société civile (ou autre société de personnes) était déterminé en fonction du lieu d’établissement de la société. Ainsi, les gains réalisés par des SCI françaises étaient assujettis au taux de prélèvement applicable aux résidents de France (16 % à l’époque). On s’attachait au sujet fiscal : la SCI.

A compter de 2005 la logique de la loi est modifiée et le taux du prélèvement est fixé en fonction du lieu de résidence des associés. Dans ce nouveau régime, le gain réalisé par une SCI détenue par des associés résidents de France subit un prélèvement de 19 %, alors que le gain réalisé par une SCI détenue par des résidents suisses est imposé à 33,1/3 % (il convient de rajouter les prélèvements et taxes additionnelles, cf. supra).

Les associés suisses de SCI françaises, sentant le poids (et le coût) du changement, s’interrogèrent donc sur les moyens de revenir à l’équilibre (ou à l’égalité de traitement).

Dans leur cas, l’application du raisonnement fondé sur les dispositions de l’article 15 de la convention fiscale franco-suisse est délicate. En effet, la plus-value réalisée par une SCI est réalisée par une société française, pas par l’associé suisse. C’est sur la base de ce constat que le Tribunal administratif de Grenoble a jugé que les dispositions de la convention fiscale franco-suisse ne peuvent faire obstacle, dans ce cas, à l’application du droit interne français et donc du prélèvement majoré (TA Grenoble 23 novembre 2011 n° 0605508, Sté Saint Etienne).

Le débat peut en revanche être mené sur le terrain des libertés de l’Union Européenne, en faisant valoir que l’inégalité de traitement est un obstacle à la liberté de circulation des capitaux qui est invocable y compris dans les relations avec des Etats tiers à l’Union Européenne. Les contribuables ont eu un premier écho favorable de la part des juges de première instance : l’application d’un taux d’imposition majoré aux plus-values réalisées par une SCI détenue par un associé établi en suisse constitue une entrave à la liberté de circulation des capitaux dont l’associé bénéficie (TA Montreuil, 8 déc. 2011, n° 1104045).

Dans un arrêt du 29 janvier 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon est allée dans le même sens. Elle a jugé que l’imposition des plus-values selon un taux dépendant du lieu de résidence des associés de la SCI constitue une restriction à la liberté de mouvements de capitaux interdite par le paragraphe 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

La Cour précise que la « clause de gel » prévue par l’article 64 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, clause qui permet le maintien des dispositions nationales contraires à la liberté de circulation des capitaux, à condition qu’elles soient antérieures au 31 décembre 1993, n’est pas applicable en l’espèce. En effet la majoration du taux d’imposition des plus-values réalisées par des SCI détenues par des associés résidents hors de l’UE date uniquement de 2004.

Ces décisions d’inspiration suisse mais fondées sur le Traité de l’Union peuvent donc être invoquées par tous les résidents des Etats situés hors de l’Union Européenne sans distinction, et quels que soient, le cas échéant, les termes de la convention fiscale applicable à l’occasion de la cession de l’immeuble par une SCI, pour revendiquer le bénéfice du même taux de prélèvement qu’un résident de France. L’administration s’est pourvue en cassation à l’encontre de la dernière décision citée et le Conseil d’Etat devrait se prononcer prochainement.

… Et aux ventes directes d’immeubles ?

Qu’en est-il d’une personne résidant hors de l’UE et hors de la Suisse qui détient directement un immeuble en France ? Cette personne ne pourra évidemment pas invoquer la convention franco-suisse. La question de savoir si elle peut utilement se fonder sur la liberté de circulation des capitaux fait l’objet de décisions divergentes de la part des juridictions françaises. Le Conseil d’Etat a pu juger que le régime général d’imposition des plus-values immobilières réalisées par des personnes physiques non-résidentes existait avant le 31 décembre 1993 et doit donc être considéré comme être couvert par la « clause de gel » (CE, 28 juillet 2011, n° 322672, Holzer), mais la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré au contraire (arrêt du 13 mars 2012) que les biens immobiliers détenus personnellement par des résidents non-communautaires ne peuvent être regardés comme étant couverts par la « clause de gel », ce qui ouvre à ces résidents non-communautaires le droit d’exciper de la liberté de circulation des capitaux. Si une telle position devait être reprise par le Conseil d’Etat, la solution qui se dégagerait serait que toute personne résidente hors de l’UE peut demander que les plus-values immobilières de source française, réalisées directement ou par l’intermédiaire d’une SCI, soient soumises au taux de prélèvement applicable aux résidents français et communautaires.

Sous réserve des conclusions que retiendront les prochaines décisions du juge de cassation, il nous semble que la vente au travers d’une SCI offre aux non-résidents non suisses et non européens un plus grand confort que la vente de l’immeuble détenu directement – sauf pour le résident suisse, non imposé au forfait susceptible de se prévaloir de la convention fiscale.

A suivre donc ….

Auteurs

Portrait deMichel Collet
Michel Collet
Associé
Paris
Portrait deDimitar Hadjiveltchev
Dimitar Hadjiveltchev
Associé
Paris