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Prévoyance/santé et redressement URSSAF : la jurisprudence au secours des entreprises

18/11/2013

Plusieurs décisions de justice ont récemment retenu des solutions très souples pour les dispenses d’adhésion prévues dans les régimes de remboursements de frais de santé et de prévoyance.

Rappel : principe de l’adhésion obligatoire de tous les salariés bénéficiaires et dérogations

Pour rappel, depuis la loi « Fillon » du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, dans la limite d’un plafond, à condition notamment que les garanties revêtent un caractère collectif et obligatoire (art. L. 242-1, 6° alinéa CSS).

Toutefois, dès 2005, la Direction de la sécurité sociale a prévu par circulaire un certain nombre de dérogations au principe de l’adhésion obligatoire. Celles-ci concernaient principalement les salariés sous contrats de travail à durée déterminée et les salariés ou ayants droits de salariés couverts par ailleurs. De telles dispenses avaient également été reprises par une circulaire du 30 janvier 2009.

De nombreux redressements relatifs à ces dispenses

Ces dernières années, il est apparu que de nombreux redressements étaient opérés par les URSSAF concernant les dérogations au principe de l’adhésion obligatoire de tous les salariés bénéficiaires des régimes de prévoyance/santé.

Ces redressements ont le plus souvent été opérés au motif que les entreprises n’étaient pas en mesure de produire les justificatifs d’une couverture souscrite par ailleurs pour les salariés dispensés d’adhérer au régime. Mais ils étaient parfois également fondés sur le fait que des dispenses d’adhésion avaient été appliquées alors même que l’acte à l’origine de la mise en place du régime dans l’entreprise (accord collectif, accord référendaire ou décision unilatérale de l’employeur) ne prévoyait pas de telles dérogations.

La gravité de ces redressements était considérable, l’URSSAF remettant globalement en cause l’exonération du régime. A titre d’exemple, une entreprise ne pouvant justifier d’une telle couverture pour 3 ou 4 salariés s’était vue redressée pour l’ensemble de son régime de remboursement de frais de santé bénéficiant à 500 salariés.

Mais plusieurs décisions de justice sont venues au secours des entreprises

La plus importante, car émanant de la Cour de Cassation, est très récente (Cass. Civ.2e n°12-22.591 du 19 septembre 2013).

Dans cette affaire, au cours des années 2007 et 2008, certains salariés de la société n'avaient pas été affiliés au régime de remboursement de frais de santé à adhésion obligatoire existant au sein de l’entreprise. Or, ces dispenses d’adhésion n’avaient pas été prévues expressément dans l’acte à l’origine de la mise en place du régime. L’URSSAF a remis en cause l’ensemble des exonérations sociales plafonnées qui avaient été appliquées aux contributions patronales finançant ce régime au motif que les dispenses liées à une possible double couverture devaient être prévues dans l'acte instituant le régime et que les salariés qui en bénéficiaient devaient justifier de l’existence de cette double couverture.

La Cour d’appel avait annulé le redressement au motif qu'il n'était pas nécessaire que les dispenses d'adhésion soient prévues dans l'acte juridique instituant le régime. La Cour de Cassation a confirmé cette solution en jugeant « que le fait que certains salariés ne soient pas adhérents du fait d'une exception fonctionnelle ou en leur qualité d'ayants droit de salariés affiliés en leur nom personnel au régime obligatoire de prévoyance complémentaire régulièrement institué, n'est pas de nature à remettre en cause le caractère collectif et obligatoire du régime ; que sauf à ajouter aux articles L. 242-1 et D. 242-1 du code de la sécurité sociale des dispositions que ces textes ne comportent pas, il ne saurait être considéré, quelle que soit l'interprétation de l'administration, que les dispenses d'adhésion doivent être impérativement prévues dans l'acte juridique instituant le régime (…) ». Cette position peut paraître surprenante dès lors que le caractère obligatoire de l’adhésion est inscrit dans la loi, sans dérogation, mais elle est heureuse pour les entreprises.

Par ailleurs, avant cet arrêt, certains tribunaux avaient déjà été sensibles à une logique de proportionnalité des sanctions, comme l’illustre une décision du TASS de Nanterre du 8 avril 2013. Dans cette affaire, seuls deux salariés, qui de surcroît n’étaient restés que quelques mois dans l’entreprise, n’avaient pas été affiliés au régime de remboursement de frais de santé. Le TASS a annulé le redressement opéré par l’URSSAF au motif :

« Que l'omission de leur affiliation ne remet pas en cause le caractère obligatoire du régime dont le bénéfice leur était consenti par la mention dans leurs contrats de travail respectifs ;
Que cependant, l'employeur n'ayant pas acquitté de contribution patronale au titre de ces salariés faute d'affiliation effective, il y a lieu de réintégrer les sommes correspondantes dans l'assiette des cotisations URSSAF dues par l'employeur ;
Que les contributions patronales les concernant seront en conséquence réintégrées dans l'assiette des cotisations URSSAF pour la durée de leur présence dans les effectifs de la société
».

On observera que cette solution est similaire à celle prévue par l’Administration en matière d’épargne salariale. La circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 précise en effet (fiche 7 du dossier participation) :

« Toutefois, dans l’hypothèse où la mise en œuvre de l’accord est contraire au caractère collectif mais que ses termes sont réguliers, il n’y a pas lieu de réintégrer dans l’assiette l’ensemble des droits versés si les conditions suivantes réunies :
- le nombre de salariés exclu est très réduit ;
- il s’agit du premier contrôle révélant cette irrégularité et la bonne foi de l’employeur est avérée.
L’employeur doit alors verser les droits dus aux salariés exclus
. »

Portée de ces décisions sous l’empire du décret du 9 janvier 2012

S’agissant du principe des dispenses d’adhésion, le décret du 9 janvier 2012, les prévoit désormais expressément, mais en exigeant qu’elles soient mentionnées dans l’acte à l’origine du régime. On peut dès lors penser que la jurisprudence précitée rendue par la Cour de Cassation n’aura plus de portée pour l’avenir, mais pourra en revanche être utilement produite dans le cadre de redressements portant sur des périodes antérieures à la date d’application du nouveau texte. En outre, les décisions écartant un redressement pour l’ensemble du régime au motif que seuls quelques salariés n’ont pas adhéré pourraient continuer à être rendues sous l’empire du décret.

Article paru dans Les Echos Business du 18 novembre 2013

Auteurs

Portrait deFlorence Duprat-Cerri
Florence Duprat-Cerri
Counsel
Paris