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Quels effets pour les clauses de renonciation générale d'une transaction ?

30/07/2018

La Chambre sociale de la Cour de cassation reconnait l’effet extinctif global des clauses de renonciation générale d’une transaction.

Les litiges concernant les licenciements donnent très souvent lieu à des transactions qui, ayant l’autorité de la chose jugée (C. civ., art. 2052), garantissent l’employeur contre tout risque de contentieux ultérieur du salarié.

Aux termes de l’article 2048 du Code civil :"Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tout droit, action et prétention, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu".

Aux termes de l’article 2049 du Code civil : "Les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé".

Si le premier de ces textes plaide pour une conception restrictive de la portée des transactions, le second autorise une conception extensive qui se traduit par des clauses de renonciation générale.

Par un arrêt en date du 4 juillet 1997, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé qu’une transaction portant sur une clause de non concurrence rendait irrecevable une action ultérieure fondée sur l’intéressement dès lors que "aux termes de la transaction "forfaitaire et définitive" constatée par le procès-verbal du 8 juillet 1986, la partie demanderesse renonce à toutes réclamations de quelque nature qu’elles soient à l’encontre de la partie défenderesse relative tant à l’exécution qu’à la rupture de son contrat de travail" (Cass. ass. plén., 4 juillet 1997, n° 93-43375). L’Assemblée plénière a ainsi donné leur plein effet aux causes de renonciation générale.

La Chambre sociale a longtemps refusé de s’aligner sur cette jurisprudence : 

  • elle a ainsi jugé qu’une transaction ayant pour objet des heures supplémentaires et des repos compensateurs n’empêchait pas le salarié de formuler une demande de rappel de salaire et de prime fondée sur la convention collective applicable à l’entreprise (Cass. soc., 13 mai 2003, n° 01-42826) ;
  • elle a jugé qu’une transaction qui porte sur la réparation du seul préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande en paiement d’une indemnité contractuelle de licenciement (Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-27047) ;
  • elle a jugé que, dès lors qu’une transaction signée à la suite de la rupture du contrat de travail ne se référait pas au droit du salarié à une retraite sur-complémentaire, les juges du fond ont pu estimer que l’objet du litige portant sur l’assiette de cette retraite complémentaire n’avait pas été envisagé par la transaction (Cass. soc., 1er octobre 2014, n° 13-18522).

La Chambre sociale s’est finalement ralliée à la jurisprudence de l’Assemblée plénière en trois temps :

  • en 2014, elle a jugé qu’une transaction conclue à l’occasion d’un licenciement pour le préjudice autre que la perte de salaire rendait irrecevable une action en dommages et intérêts pour perte de salaire et indemnité compensatrice de préavis, dès lors que "aux termes de la transaction, le salarié a déclaré n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur à quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail" (Cass. soc., 5 novembre 2014, n°13-18984) ;
  • en 2017, elle a jugé qu’une transaction relative à l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante rendait irrecevable une action ultérieure fondée sur le préjudice d’anxiété dès lors "qu’aux termes de la transaction, le salarié déclarait être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun chef de grief à l’encontre de la société du fait de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail" (Cass. soc., 11 janvier 2017, n° 15-20040) ; cet arrêt va très loin, dans la mesure où le préjudice d’anxiété est une création jurisprudentielle du 11 mai 2010, donc postérieure à la transaction qui datait du 30 novembre 2001. Elle implique donc que même des préjudices futurs peuvent être couverts par une clause de renonciation de portée générale ;
  • enfin, une décision récente du 30 mai 2018, a jugé qu’un salarié qui avait signé en 2005 une transaction à l’occasion de son licenciement ne pouvait en 2012 réclamer à son ancienne société une retraite supplémentaire dès lors "qu’aux termes de la transaction, le salarié déclarait avoir reçu toutes les sommes auxquelles il pouvait ou pourrait éventuellement prétendre au titre de ses relations de droit ou de fait existant ou ayant existé avec la société et renoncer à toute réclamation de quelque nature que ce soit, née ou à naître, ainsi qu’à toute somme ou forme de rémunération ou d’indemnisation auxquelles il pourrait éventuellement prétendre à quelque titre et pour quelque cause que ce soit du fait notamment du droit commun, des dispositions de la convention collective, de son contrat de travail" (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-25426).

Cette décision, qui vient achever le mouvement d’alignement de la Chambre sociale sur la jurisprudence de l’Assemblée plénière, est remarquable à double titre : 

  • d’une part, elle est d’autant plus remarquable que la Chambre sociale avait jugé à deux reprises l’inverse sur la même question des droits à retraite (Cass. soc., 14 avril 2010, n° 08-45149 ; 1er octobre 2014, n° 13-18522 précitée) ;
  • d’autre part, c’est la première fois que la Chambre sociale consacre la rédaction d’une clause aussi générale puisqu’elle vise toutes les sommes auxquelles le salarié "pouvait ou pourrait prétendre", les relations de droit ou de fait, la renonciation à toute réclamation "née ou à naître" et ceci "pour quelque cause que ce soit".

Jamais la Chambre sociale n’avait reconnu jusqu’ici la validité d’une clause aussi générale dans sa portée.

Cette jurisprudence souligne l’intérêt pour les entreprises d’inclure, lorsque c’est possible, dans la rédaction des transactions des clauses de renonciation générale dans la mesure où le juge leur donne aujourd’hui toute leur portée.