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Réalisation d'un nantissement sur instruments financiers : attention à la notification préalable !

Arnaud Reygrobellet, Of Counsel, Professeur à l'Université Paris X

12/03/2009

Le Code monétaire et financier prévoit des modalités simplifiées de réalisation du nantissement de compte d'instruments financiers lorsque deux conditions sont satisfaites : le créancier est titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible ; la sûreté porte sur des instruments financiers admis aux négociations d'un marché réglementé. Dans ce cas de figure, le créancier est autorisé à réaliser la garantie, huit jours au moins après mise en demeure du débiteur ; la mise en demeure devant être également notifiée au constituant du gage lorsqu'il n'est pas le débiteur ainsi qu'au teneur de compte lorsque ce dernier n'est pas le créancier gagiste.

Mais quelles sont les sanctions encourues lorsque le créancier n'a pas respecté l'exigence de notification préalable ?

Telle est la question à laquelle a répondu la Cour de cassation le 18 novembre dernier. Le litige a pour origine une convention conclue entre une banque et un client opérant sur le marché des options négociables. Celle-ci prévoyait que la banque pourrait, après en avoir averti le client par lettre recommandée, clôturer les positions vendeuses non couvertes ou insuffisamment couvertes. Elle organisait par ailleurs une convention de nantissement de valeurs mobilières en couverture des positions du client.

L'obligation de couverture n'ayant pas été respectée, la banque a procédé à la liquidation des titres nantis mais en « oubliant » de notifier. Sur quoi, le client a assigné la banque, notamment, pour obtenir la reconstitution intégrale de son portefeuille.

Devant la cour d'appel, il n'obtient que partiellement satisfaction. En effet, les magistrats rejettent sa prétention tendant à la reconstitution du portefeuille. Ils considèrent certes que la banque créancière, en n'adressant pas la mise en demeure prévue par la loi, a causé au débiteur un préjudice dont elle devait réparation. Toutefois, le préjudice est limité à la perte de chance que le client aurait eue, si l'obligation de mise en demeure avait été respectée, de voir l'aliénation des valeurs mobilières nanties parvenir à de meilleurs résultats.

La décision est cassée. La Haute juridiction affirme, dans un attendu de principe, que « le défaut de mise en demeure, par le créancier gagiste d'un compte d'instruments financiers, du débiteur fait obstacle à la réalisation du gage, de sorte que le premier doit restituer au second l'intégralité du portefeuille de titres indûment réalisés ».

Déjà, en 2006, la Cour de cassation a jugé que la sanction de la nullité est encourue si la mise en demeure ne contient pas toutes les mentions prescrites. Et ce, même si l'omission n'a pas causé de préjudice au débiteur. En toute logique, lorsque la formalité de la mise en demeure n'est pas seulement imparfaitement respectée, mais totalement omise, la solution ne pouvait guère être différente. En cas de défaut de mise en demeure, la seule sanction envisageable est la nullité de l'opération.

La solution est particulièrement sévère pour le créancier. En pratique, la reconstitution du compte gagé peut se révéler fort onéreuse. Par ailleurs, lorsque le teneur de compte n'est pas le créancier nanti, on peut penser que sa responsabilité pourrait, aussi, être mise en cause s'il défère à la demande qui lui est adressée par le créancier, alors qu'il n'aurait pas reçu communication de la mise en demeure.

Article paru dans la revue Option Finance le 19 janvier 2009

Auteurs

Arnaud Reygrobellet
Of Counsel
Professeur à l'Université Paris X