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Réforme de la fiscalité de l'urbanisme

21/12/2010


La fiscalité de l’urbanisme et des participations financières demandées aux constructeurs et aux aménageurs est devenue trop complexe : il existe aujourd’hui dix-sept régimes, dont huit taxes et neuf participations. A cela s’ajoute le fait que le dispositif actuel favorise l’étalement urbain, combattu entre autres par le Grenelle de l’environnement. Une remise à plat de la fiscalité de l’urbanisme était donc nécessaire. Le projet de loi de finance rectificative pour 2010, dont le texte a été déposé le 17 novembre 2010, pose la première pierre de cette réforme en profondeur.


1 – Une réforme entre simplification et verdissement des taxes

Calendrier de la réforme
Ce nouveau dispositif repose sur la taxe d’aménagement et le versement pour sous-densité. Il devrait entrer en vigueur le 1er mars 2012.

Promouvoir un usage économe des sols
Le dispositif actuel, issu de la Loi d’Orientation Foncière du 30 décembre 1967 et des textes subséquents, pénalise la densification, notamment par le biais de la participation pour dépassement du coefficient d’occupation du sol (PDCOS) et du versement pour dépassement du plafond légal de densité (VDPLD), créé en 1975. Progressivement, la politique de l’urbanisation a changé d’orientation, passant de la préservation d’une urbanisation peu dense, à la lutte contre l’étalement urbain.

La loi SRU a marqué à cet égard un tournant, lequel s’est traduit notamment, du point de vue fiscal, par la suppression de la PDCOS et la programmation de la disparition du VDPLD (Article 52 de la loi SRU du 13 décembre 2000, n°2000-1208). Malgré cette évolution, le dispositif demeure peu compatible avec les nouveaux objectifs d’aménagement durable et de gestion économe des espaces.

Améliorer la compréhension et la lisibilité du régime
De plus, la multiplication des impositions a abouti à un système peu lisible et complexe : le code de l’urbanisme ne compte pas moins de huit taxes et neuf participations (voir tableau).

Accompagner de récents dispositifs législatifs
Le projet de réforme annonce une totale refonte, puisqu’il s’agit d’instaurer un système unique de deux taxes. A l’objectif de simplification s’ajoute celui d’accompagner de récents dispositifs législatifs par un régime fiscal adapté à leurs objectifs, notamment l’incitation à la création de logements (loi MOLLE du 25 mars 2009, n° 2009-323) et lutte contre l’étalement urbain, tout en conservant une pression fiscale équivalente.

La loi Grenelle I du 3 août 2009, n° 2009-967, prévoit ainsi dans son article 7 que le droit de l'urbanisme devra prendre en compte la lutte contre l'étalement urbain, prescrire des seuils minimaux de densité et assurer une gestion économe des ressources et de l'espace.

On notera en outre que le projet de loi propose de supprimer le programme d’aménagement d’ensemble (PAE), et la participation y étant liée. Une telle suppression avait déjà été proposée dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009, qui créait le projet urbain partenarial (PUP) pour le remplacer. Toutefois, la suppression du PAE n’avait pas été retenue à l’issue des débats parlementaires.

2 – Taxe unique d’aménagement et souci de simplification

Définition
La taxe d’aménagement (TA) répond notamment à l’objectif de simplification : elle se substitue à la TLE (âgée de 43 ans), à la TC-TLE, à la TDCAUE, à la TDENS et au PAE (la TSE Savoie n’est pour sa part pas reconduite, son objet étant considéré comme atteint). La TA permet ainsi d’unifier les régimes de l’ensemble de ces taxes et de mettre fin aux particularismes. Par ailleurs, fusionnant des taxes dont les produits étaient précédemment affectés à trois types de collectivités différentes, la TA comprend une part communale, une part départementale et, en Ile-de-France, une part régionale. Elle est instituée :

  • pour la part communale, de plein droit dans les communes dotées d’un POS ou d’un PLU et dans les communautés urbaines (sauf renonciation expresse du conseil municipal ou de l’organe délibérant de la communauté urbaine), et par délibération dans les autres communes et EPCI,
  • pour la part régionale, dans toutes les communes d’Ile-de-France sur délibération du conseil régional,
  • et, pour la part départementale, par délibération du conseil général dans toutes les communes du département.

A l’instar de la TLE, elle est due par le bénéficiaire de l’autorisation de construire ou d’aménager, et est établie sur la construction, la reconstruction ou l’agrandissement des bâtiments.

Base d’imposition
Tandis que la TLE était assise sur la SHON, le nouveau dispositif le sera sur la « surface de la construction ». L’assiette de la TA est ainsi constituée de la valeur, déterminée forfaitairement par m², de la surface de la construction. Cette valeur est de 680 €/m² dans les communes d’Ile-de-France, et de 600 €/m² dans les autres communes.

La surface de la construction : « […] s’entend de la somme des surfaces de plancher closes et couvertes, d’une hauteur supérieure à 1,80 mètre, calculée à partir du nu intérieur des façades du bâtiment, déduction faite des vides et des trémies ». Cette définition ne pénalise pas le recours aux dispositifs d’isolation thermique ou acoustique.

Les objectifs de lutte contre l’étalement urbain et d’incitation à la création de logements se traduisent par des abattements sur cette valeur forfaitaire : un abattement de 50% est en effet prévu pour les logements sociaux, les 100 premiers m² des logements situés en zone urbaine ou dans un immeuble collectif, ou encore dans un lotissement soumis à permis d’aménager. D’autres types de constructions bénéficient de cette mesure : les locaux à usage industriel ou artisanal, les entrepôts et hangars non ouverts au public et les parcs de stationnement couverts. Ces deux dernières catégories doivent toutefois faire l’objet d’une exploitation commerciale. Alors que la TLE n’est pas applicable aux installations ou aménagements non créateurs de SHON, le projet de loi prévoit la soumission de certains d’entre eux à la TA. Une base forfaitaire est ainsi déterminée pour les catégories d’ouvrages suivantes :

  • 3.000 euros par emplacement de tentes, caravanes et résidences mobiles de loisirs,
  • 10.000 euros par emplacement d’habitations légères de loisirs,
  • 200 €/m2 de piscine,
  • 3.000 € par éoliennes de plus de douze mètres,
  • 10€/m² de panneaux photovoltaïques au sol,
  • 2.000 € par emplacement de stationnement non couvert, la collectivité compétente en matière de PLU pouvant porter cette valeur à 5.000 euros par emplacement.

Taux d’imposition
Les taux sont maintenus dans des fourchettes similaires à celles des taxes actuelles : entre 1 à 5% pour la commune (ou l’EPCI compétent), 2.5% au maximum pour le département (finançant les espaces naturels sensibles et les conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement) et 1% maximum pour la région Ile-de-France. Le taux applicable à la part communale sera fixé chaque année par la collectivité bénéficiaire et, contrairement à ce qui est le cas pour la TLE, pourra être modulé selon les secteurs du territoire, apportant ainsi aux collectivités une certaine « souplesse fiscale ». Il pourra même être porté à 20% dans certains secteurs délimités par délibération motivée. Cependant, dans cette hypothèse, d’une part, certaines participations ne seront alors plus applicables dans ces secteurs (PRE, PNRAS, PVR et participation des riverains en Alsace Moselle) et, d’autre part, la collectivité devra obligatoirement instituer un seuil minimal de densité, emportant de ce fait application du Versement pour Sous-Densité.

Calcul de la taxe d’aménagement
Le calcul de la taxe d’aménagement s’effectue selon la formule suivante :
(valeur forfaitaire x surface de la construction) x taux définis par les collectivités

3. L’instauration d’un versement pour Sous-Densité

Etablissement d’un seuil minimal de densité
C’est à travers l’instauration du versement pour sous-densité (VSD) que l’esprit du Grenelle est le plus présent. Destiné à lutter contre l’étalement urbain et à contribuer à la recherche d’économies d’énergie notamment par l’allègement des coûts des déplacements automobiles, le VSD vise à inciter les constructeurs à consommer pleinement la constructibilité d’un terrain. Lorsque le VSD est institué dans une commune, il entraîne suppression de plein droit du versement pour dépassement du plafonds légal de densité (VDPLD). Mais l’instauration d’un tel seuil minimal n’est pas obligatoire, sauf dans les secteurs où le taux de la taxe d’aménagement est supérieur à 5%.

La densité de la construction est définie comme le rapport entre la surface de plancher d’une construction et la surface du terrain de l’unité foncière d’implantation de la construction, étant précisé qu’il n’est pas tenu compte des parties inconstructibles de l’unité foncière (du fait de contraintes physiques ou de prescriptions ou servitudes administratives). La densité tient compte des constructions déjà existantes et non destinées à être démolies à l’occasion du projet. Les communes dotées d’un PLU ou d’un POS, ou l’EPCI compétent en matière de PLU, pourront délibérer pour instituer un seuil minimal de densité (SMD) dans les zones urbaines et à urbaniser et pour une durée de trois ans. La détermination du SMD est toutefois encadrée en ce qu’il ne peut être inférieur à la moitié ou supérieur aux trois quarts de la densité maximale autorisée par les règles du PLU (ou de la surface de plancher attribuée à chaque lot dans un lotissement). Le VSD est dû par tout bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme relative à une construction d’une densité inférieure au SMD. Ce versement est égal au produit de la moitié de la valeur du terrain par le rapport entre la surface manquante pour que la construction atteigne le seuil minimal de densité et la surface de la construction résultant de l’application de ce seuil.

Calcul du Versement pour sous-densité
La formule est la suivante :
moitié de la valeur du terrain x (surface manquante pour que la construction atteigne le SMD
surface de la construction résultant de l’application du SMD)

En toute hypothèse, le versement ne pourra excéder 25% de la valeur du terrain.

Institution du rescrit fiscal
La réforme propose d’instituer le rescrit fiscal jusqu’à présent exclu de la fiscalité de l’urbanisme : d’une part, pour tenir compte des situations particulières et de la configuration de certains terrains et, d’autre part, pour garantir une certaine sécurité juridique. Les contribuables pourront ainsi interroger l’administration, notamment lorsque le document d’urbanisme ne comportera pas de COS, cas dans lequel la détermination de la densité maximale autorisée pourra s’avérer malaisée. La réponse sera opposable à l’administration.

4. Eléments communs au versement pour sous-densité et à la taxe d’aménagement

Les contribuables pourront ainsi interroger l’administration, notamment lorsque le document d’urbanisme ne comportera pas de COS, cas dans lequel la détermination de la densité maximale autorisée pourra s’avérer malaisée. La réponse sera opposable à l’administration.

Exclusions et exonérations de la TA et du VSD
La simplification du dispositif fiscal se traduit également par l’harmonisation des champs d’application des deux nouvelles taxes. A

insi, sont exclus du champ d’application de la TA et du VSD :

  • Les constructions destinées à être affectées à un service public ou d'utilité publique ;
  • Les locaux d’habitation et d’hébergement bénéficiant d’un prêt locatif aidé d’intégration ;
  • Les surfaces d'exploitation des bâtiments agricoles ;
  • Les aménagements prescrits par des plans de prévention des risques ;
  • La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit depuis moins de dix ans ;
  • Les constructions dont la surface est inférieure à 5 mètres carrés.

En outre, concernant la seule part communale ou intercommunale de la TA, sont également exclues :

  • Les constructions réalisées dans les périmètres des Opérations d’Intérêt National ou des ZAC lorsque le coût des équipements publics est mis à la charge des constructeurs ou aménageurs ;
  • Les constructions réalisées dans les périmètres des projets urbains partenariaux ou des programmes d'aménagement d'ensemble.

Enfin, par décision de leur organe délibérant, les collectivités peuvent également décider d’exonérer de la TA comme du VSD, en totalité ou partiellement :

  • Les logements sociaux bénéficiant du taux réduit de TVA,
  • Dans la limite de 50% de leur surface, les logements autres que sociaux mais financé à l’aide d’un prêt à taux zéro
  • Les locaux à usage industriel - Les commerces de détail d'une surface inférieure à 400 m²
  • Les travaux autorisés sur les immeubles classés parmi les monuments historiques ou inscrits à l’inventaire des monuments historiques.

Etablissement, droit de reprise et recouvrement
Ici encore, le projet met fin aux particularismes et à la disparité des régimes actuels, parfois difficiles à appréhender.

Ainsi, qu’il s’agisse de la TA ou du VSD, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’au 31 décembre de la troisième année à compter de la date de l’autorisation d’urbanisme, ou, en cas de construction sans autorisation ou en infraction à celle-ci, jusqu’au 31 décembre de la 6ème année qui suit l’achèvement des constructions litigieuses.

La taxe (TA ou VSD) fait l’objet de deux titres de perception, correspondant à deux fractions égales de la somme totale à acquitter, émis douze et vingt-quatre mois après la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme, et est alors immédiatement exigible. L’action en recouvrement de l’administration se prescrit à l’expiration d’un délai de 5 ans à compter de l’émission du titre de perception.

Recours
Le redevable pourra obtenir la décharge, la réduction ou la restitution totale ou partielle dans les situations suivantes:

  • Il n’a pas donné suite à l’autorisation,
  • Il est désormais redevable d’un montant inférieur, du fait de la délivrance d’une autorisation modificative,
  • Les constructions ont été démolies par décision du juge civil ou du fait d’une catastrophe naturelle,
  • Le redevable répond désormais aux conditions d’une exonération, exclusion ou d’un abattement,
  • Une erreur a été commise dans l’assiette ou le calcul de la taxe.


Lexique :
PLU : plan local d’urbanisme
POS : plan d’occupation des sols
COS : coefficient d’occupation des sols
EPCI : établissement public de coopération intercommunale
OIN : Opération d’intérêt national
ZAC : zone d’aménagement concerté
SHON : surface hors œuvre nette


Par Vanina FERRACCI, avocat, et Jean-Luc TIXIER, avocat associé
Article paru dans la revue Opérations Immobilières n° 30, novembre-décembre 2010

Auteurs

Jean-Luc Tixier