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Successions franco-suisses : les héritiers français n’auront plus que leurs yeux pour pleurer !

convention fiscale en matière de droits de succession

03/09/2012

Un projet de nouvelle convention fiscale entre la France et la Suisse portant sur les droits de succession réforme de fond en comble les principes de répartition du droit d’imposer les successions entre la France et la Suisse. S’il est adopté, il changera radicalement la donne de l’optimisation fiscale internationale des successions, réduisant de manière drastique l’attractivité de la Suisse.

A la demande de la France, les négociations avaient été ouvertes entre la France et la Suisse pour revisiter la convention fiscale en matière de droits de succession. Il est vrai qu’elle était très ancienne puisqu’elle datait de 1953 et n’avait jamais été modifiée depuis (contrairement à celle en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune qui a été modifiée assez régulièrement). Les autorités françaises et suisses sont parvenues assez rapidement à un accord et le projet de nouvelle convention fiscale devrait être soumis au vote des Parlements des deux Etats à l’automne.

Il ne porterait que sur les droits de succession et ne couvre pas les donations qui restent donc régies par le droit interne français comme par le passé. A vrai dire, comme on le verra plus loin, le fait que les donations ne soient pas couvertes n’a pas de conséquence majeure, dans la mesure où le projet autorise la France à appliquer également son droit interne pour les successions.

Les impôts couverts seraient du coté français les « droits de mutation par décès », expression suffisamment large pour couvrir, à notre avis, les droits institués par la loi de juillet 2011 sur la transmission des biens mis en trust. Du coté suisse, les impôts couverts seraient les impôts cantonaux et communaux sur la masse successorale ou sur les parts héréditaires. On sait que les cantons suisses ont, pour la grande majorité d’entre eux, décidé de supprimer les droits de succession pour le conjoint survivant (comme la France d’ailleurs !) et parfois en ligne directe. Mais il existe un projet d’instauration d’un impôt sur les successions au niveau fédéral. Si ce projet voit le jour, l’impôt ainsi institué serait alors couvert par la convention.

La convention s’appliquerait aux personnes domiciliées dans l’un des Etats. Une personne est domiciliée dans un Etat si sa succession est soumise à l’impôt dans cet Etat à raison de son domicile. En sont exclues les personnes dont la succession est soumise dans l’Etat de leur résidence à l’impôt à raison des seuls biens situés dans cet Etat. Cette nouvelle définition du champ personnel d’application de la convention soulèvera inévitablement des discussions sur le sens à donner au terme « soumis », compte tenu des diverses exonérations qui s’appliquent tant en Suisse qu’en France.

La définition de la résidence fiscale en cas de conflit reprendrait les critères traditionnels de la convention modèle OCDE et ne renvoie donc plus aux liens personnels du défunt qui jusqu’alors était le premier critère pour trancher le conflit de résidence. Les critères seraient le foyer permanent d’habitation, à défaut le centre des intérêts vitaux (liens personnels et économiques), le lieu de séjour habituel et enfin la nationalité.

I - Le projet met fin à l’exonération en France des actions ou parts de sociétés à prépondérance immobilière

L’article sur les biens immobiliers permettrait désormais à la France d’imposer les actions ou parts de sociétés à prépondérance immobilière (définies comme ayant plus de 50% de leurs actifs composés d’immeubles situés en France ou tirant plus de 50% de leur valeur de ces mêmes actifs ; les immeubles affectés à l’exploitation de la société étant exclus). Serait également introduite la disposition de droit interne français qui permet d’imposer en France les actions ou parts des sociétés propriétaires d’un ou plusieurs immeubles situés en France, sans être à prépondérance immobilière mais dont le défunt avec sa famille détient le contrôle. L’objectif des modifications est de mettre fin à une optimisation des droits succession français sur les immeubles qui consistait à détenir les immeubles en société, les parts de société étant sous l’ancienne convention fiscale considérées comme des biens meubles dont l’imposition était exclusivement attribuées à l’Etat de résidence du défunt. Il faut souligner que cette optimisation avait été validée par l’administration française elle-même dans une réponse ministérielle(1).

Tous les autres biens seraient imposables dans l’Etat de résidence du défunt, mais la France aurait toutefois le droit d’imposer les biens meubles corporels et les immeubles situés hors de France et tels que définis dans la convention lorsque le défunt est un résident de Suisse (sous déduction dans ce cas des impôts suisse. Cette disposition est somme toute assez classique.

II - La nouveauté essentielle serait l’imposition en France des héritiers à raison de la totalité de la succession de résidents suisses

Dans l’ancienne convention, comme dans la plupart des conventions signées par la France, l’imposition de la succession d’un résident suisse est réservée en priorité à la Suisse. Seuls quelques types d’actifs comme l’immobilier sont imposables dans l’Etat où ils se situent. Les autres actifs, lorsqu’ils reviennent à un résident de France sont pris en compte dans la détermination du taux effectif d’imposition des droits dus en France. Ainsi si un héritier résident de France reçoit un immeuble français, des actions suisses et un compte bancaire au Luxembourg, les droits de succession sont calculés en France sur cet immeuble mais au taux qui se serait appliqué à la totalité des biens qu’il reçoit (immeuble, actions suisses et compte bancaire) même si les actions suisses et le compte bancaire au Luxembourg ne sont imposables qu’en Suisse.

La disposition qui révolutionnerait la répartition du droit d’imposer entre la France et la Suisse serait incluse dans l’article relatif à l’élimination des doubles impositions. Elle prévoirait que les héritiers résidents de France depuis plus de 6 ans sur les 10 années précédant la succession, seraient imposés en France sur la totalité des biens faisant partie de la succession du défunt résident en Suisse (pour la quote-part leur revenant bien entendu). Il s’agirait pour la France de faire appliquer les dispositions de l’article 750 ter, 3 e alinéa, du CGI qui prévoit une telle imposition en droit interne et qui avait étendu la territorialité des droits de mutation à titre gratuit en ajoutant aux critères classiques de la résidence du défunt et de la situation des biens, celui de la résidence des héritiers/donataires. L’impôt payé en Suisse viendrait en déduction de l’impôt français établi en vertu de cette disposition. Si elle est adoptée en l’état, force est de constater que la convention n’apporterait plus de protection contre l’imposition en France d’une succession d’un résident suisse puisqu’elle avalise la totalité des règles françaises d’imposition des successions. Comme le droit interne français permet déjà l’imputation de l’impôt dû dans l’état du défunt, on peut, du coup, s’interroger sur les raisons qui ont poussé les autorités suisses à accepter la voie de la renégociation plutôt que le risque d’une dénonciation de la convention. Hormis une question de principe, les autorités suisses ont accepté une convention très nettement favorable à la France puisqu’elle avalise les règles françaises étendues de la territorialité des droits de mutation par décès.

L’attractivité de la Suisse quant à l’optimisation de la succession serait donc réduite à néant à compter de l’entrée en vigueur de ce projet (prévue au plus tard au 1er janvier 2014).

Face à ce nouveau paysage fiscal franco suisse, on peut d’ores et déjà conclure que la Suisse n’est plus le paradis « fiscal » qu’il était… Si on prend également en compte le coût de la vie, le franc suisse cher, l’augmentation sensible des impôts au forfait, la Suisse n’est plus aussi attractive. Après tout, c’était certainement un des objectifs des autorités françaises, et il semblerait qu’il soit sur le point d’être atteint.

En tout état de cause, pour tous les résidents suisses ayant des héritiers en France, il sera impératif d’intégrer la nouvelle donne, qui les obligera à tenir compte de la fiscalité française des successions et des possibles optimisations qu’elle offre (encore) pour tenter de minimiser l’impact de ce changement annoncé. L’intervention de fiscalistes français deviendra dès lors indispensable dans l’élaboration de leur planification successorale.

 

1. Réponse Ministérielle Valleix (AN 21 avril 1997 n°46250)

Article paru dans la revue Option Finance du 3 septembre 2012


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Agnès de L'Estoile-Campi
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