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Validation des accords minoritaires : périmètre de consultation des salariés

11/07/2017

TI Puteaux, 2 juin 2017, n° 12-17-000127

La loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels du 8 août 2016 a modifié les règles de validité des accords collectifs en prévoyant que les accords relatifs à la durée du travail et aux congés, doivent désormais pour être valables, être signés par des organisations syndicales représentatives ayant obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles. Le texte laisse toutefois subsister la possibilité de conclure des accords collectifs avec des organisations syndicales de salariés représentatives, ayant recueilli 30 % des suffrages exprimés en leur faveur au premier tour de ces mêmes élections. Dans ce cas, leur validité est alors subordonnée à une consultation des salariés visant à approuver l’accord conclu. Se pose alors la question de savoir quels salariés doivent être consultés à cette fin : s’agit–il des salariés des établissements couverts par l’accord collectif ou des seuls salariés directement concernés par cet accord ?

C’est précisément cette question que le tribunal d’instance de Puteaux, saisi en référé, devait trancher. Il s’agit, à notre connaissance, de la première décision statuant sur cette question (TI Puteaux, 2 juin 2017, n° 12-17-000127).

En l’espèce, un établissement, susceptible en raison de son activité d’avoir à effectuer des interventions urgentes en dehors des horaires habituels de travail, a conclu un accord collectif pour organiser son activité avec deux organisations syndicales représentatives représentant 20,86 % et 14,97 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Ces deux organisations ont ensuite demandé à l’employeur d’organiser la consultation des salariés aux fins de validation de cet accord. Le protocole spécifique à la consultation des salariés conclu par l’employeur et les deux syndicats signataires prévoyait la consultation de tous les salariés de l’établissement dans le périmètre duquel l’accord avait été conclu. Soutenant que seuls les salariés concernés par cet accord devaient être consultés, une organisation syndicale représentative non signataire a saisi le tribunal d’instance en référé afin que soient déclarée illégales les modalités d’organisation de la consultation prévues par ce protocole.

Le tribunal d’instance, statuant en la forme des référés, rejette la demande du syndicat pour les motifs suivants :

  • l’article L. 2232-12 du Code du travail dispose en son cinquième alinéa que « participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord ». Le deuxième alinéa de l’article D. 2232-2 dispose quant à lui que « lorsque la consultation est organisée en application de l’article L. 2232-12, le protocole conclu avec les organisations syndicales détermine la liste des salariés couverts par l’accord au sens du cinquième alinéa de cet article et qui, à ce titre doivent être consultés ». Il s’en déduit que doivent être consultés les salariés des établissements couverts par l’accord, l’adjectif épithète « couverts » ne se rapportant pas aux salariés mais aux établissements ;
  • il ne peut être tiré argument de l’expression « la liste des salariés couverts par l’accord » dans l’article D. 2232-2 pour appuyer l’analyse selon laquelle seuls les salariés concernés par cet accord doivent être consultés, car cette locution est immédiatement suivie de la précision « au sens du cinquième alinéa de l’article L. 2232-12 », de sorte qu’il convient de se reporter à l’article L. 2232-12 pour déterminer la liste des salariés consultés, ce qui vise, non les salariés couverts par l’accord, mais les salariés des établissements couverts par l’accord ;
  • par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article L. 2232-12 que la représentativité des organisations syndicales habilitées à négocier et conclure des accords collectifs s’apprécie au niveau de l’établissement en fonction des suffrages obtenus aux dernières élections professionnelles et la représentativité des organisations syndicales pouvant demander l’organisation d’une consultation s’apprécie également à ce niveau. Par conséquent, il ne peut être soutenu que la communauté des salariés dont l’expression a permis de déterminer les organisations syndicales représentatives pouvant négocier et conclure des accords collectifs soit différente de celle devant être consultée ;
  • enfin, le parallélisme entre le périmètre de négociation et la consultation des salariés est conforté par les dispositions relatives aux accords de groupe, aux accords de substitution et aux accords catégoriels qui ne prévoient pas une consultation réservée aux seuls bénéficiaires de l’accord, mais une consultation des salariés des entreprises, établissements ou collèges électoraux couverts par l’accord soumis à approbation.

Il résulte de cette décision que doivent être consultés l’ensemble des salariés relevant du périmètre de négociation de l’accord, peu important qu’ils soient ou non directement concernés par celui-ci. Cette interprétation nous parait entièrement conforme à la lettre du texte. Toutefois, s’agissant d’une décision de première instance, il conviendra d’en attendre la confirmation par les juridictions supérieures