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Candidatures aux élections du comité social et économique

Leur conformité doit être de mise avec le protocole d’accord

21/09/2020

Les élections du comité social et économique (CSE) impliquent, à l’origine du processus, une négociation entre la direction (de l’unité économique et sociale (UES), de l’entreprise, de l’établissement, etc., en fonction du périmètre de mise en place ou du renouvellement de cette institution représentative du personnel) et les organisations syndicales habilitées, portant sur les modalités pratiques d’organisation desdites élections.

Cette négociation conduit, en général, à la signature d’un protocole d’accord préélectoral.

Ce protocole d’accord préélectoral fixe les règles électorales, et détermine de nombreux points pratiques et concrets tenant à l’organisation effective des élections (date des premier et second tours, dates et heures limites de dépôt des listes électorales, nombre de collèges et de sièges à pourvoir, conditions à remplir pour que les salariés revêtent la qualité d’électeurs et d’éligibles, règles concernant la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, constitution du bureau de vote, vote par correspondance, etc.).

Le soin apporté à la rédaction de ce protocole, outre qu’il permettra à chacun des acteurs impliqués dans les élections professionnelles (organisations syndicales, salariés, chef d’entreprise) de bien comprendre et de mieux cerner les étapes et les modalités des opérations électorales à venir, peut être décisif dans la résolution judiciaire d’un litige observé à l’occasion des élections.

Le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 29 juin 2020 (n°20/00060), amené à se prononcer sur les modalités pratiques de dépôt des listes électorales à l’initiative des organisations syndicales, en constitue une belle illustration.

Dans cette affaire, à l’occasion de la mise en place du CSE, l’employeur a convié les organisations syndicales à venir négocier un protocole d’accord préélectoral.

Lors de cette négociation, d’âpres discussions sont intervenues entre les partenaires sociaux, lesquelles portaient notamment sur les modalités pratiques du dépôt des listes électorales à l’initiative des organisations syndicales (s’agissant du premier tour), et de ces mêmes organisations et des candidats libres (pour le second tour).

Les parties se sont accordées sur ce point, dans le protocole d’accord préélectoral qui a finalisé les discussions, sur la rédaction suivante :

« Pour des raisons d’ordre matériel tenant à l’organisation du vote, les listes devront parvenir à la Direction des Ressources Humaines à l’attention de Madame X, avant le 7 novembre 2019 à 10 heures au plus tard par lettre recommandée AR ou remise en main propre contre récépissé ».

Le protocole d’accord préélectoral a été signé par trois syndicats, en l’occurrence par l’Union des Syndicats Anti Précarité (USAP), la CGT et la CFDT.

A l’occasion du processus électoral, l’USAP et la CGT ont présenté des listes communes de candidats.

L’USAP a adressé lesdites listes de candidats à la DRH de l’entreprise :

  • par courrier recommandé AR posté le 6 novembre 2019, lequel a été présenté à l’entreprise le 13 novembre 2019 ;
  • par mail en date du 7 novembre 2019 à 0 heure 33 ;
  • par une remise en main propre contre décharge le 7 novembre 2019 vers 12 heures 30.

La direction de l’entreprise a refusé de tenir compte de ces listes, les estimant :

  • transmises en dehors du délai (s’agissant du courrier recommandé et de la remise en main propre contre décharge) fixé par le protocole d’accord préélectoral ;
  • et communiquées selon un formalisme (s’agissant du mail) non expressément prévu par ledit protocole.

L’USAP a saisi le Tribunal d’instance (intégré depuis lors au sein du Tribunal judiciaire) aux fins, notamment, qu’il :

  • annule le protocole d’accord préélectoral ainsi que les élections des premier et second tours ;
  • ordonne à la direction de l’entreprise de convoquer les organisations syndicales à négocier un nouveau protocole d’accord préélectoral ;
  • fixe une nouvelle date de négociation dudit protocole, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à partir du 8e jour suivant le prononcé ;
  • condamne l’entreprise à des dommages et intérêts du fait du non-respect des dispositions légales et du code électoral.

Le syndicat CGT a également saisi le même Tribunal de demandes identiques.

Le tribunal judiciaire de Versailles, aux termes du jugement précité, a débouté ces syndicats de l’ensemble de leurs demandes, en retenant l’argumentation développée ci-après.

1. En ce qui concerne la demande d’annulation du protocole d’accord préélectoral

Sur ce point, l’employeur soutenait en particulier qu’un syndicat ayant adhéré au protocole d’accord préélectoral, en le signant sans réserve, ou simplement en présentant des candidats sans émettre la moindre réserve lors du dépôt de ses listes, n’était plus admis par la suite à contester ledit protocole d’accord préélectoral (en ce sens notamment, Cass. soc, 22 janvier 2014, n°13-60211 ; Cass. soc, 28 septembre 2011, n°10-60245).

Or, en l’occurrence, les syndicats USAP et CGT ont été signataires, sans aucune réserve, du protocole d’accord préélectoral conclu à l’issue de la réunion de négociation du 17 octobre 2019, et ont présenté des listes communes de candidats dans la perspective du premier tour (celles-là même qui n’ont pas été prises en compte par la direction de l’entreprise) comme du second tour.

A cela s’ajoutait, pour l’employeur, le fait que ces syndicats n’ont pas émis la moindre protestation lors de l’absence de prise en compte de la liste de candidats datée du 6 novembre 2019, ni lors des élections elles-mêmes, comme en témoignaient à cet égard, en particulier, l’absence de toute mention sur les procès-verbaux établis par les membres des bureaux de vote.

L’employeur soutenait enfin que le protocole d’accord préélectoral ne pouvait être contesté devant le juge judiciaire « qu’en ce qu’il contiendrait des stipulations contraires à l’ordre public, notamment en ce qu’elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral » (Cass. soc, 6 octobre 2011, n°11-60035 ; Cass. soc. 4 juillet 2012, n°11-60.229 et suivants).

Or, en l’occurrence, aucune violation d’une disposition d’ordre public n’était mise en avant par les syndicats USAP et CGT.

Sur ce premier point de contestation, le Tribunal judiciaire a donné gain de cause à l’employeur en relevant :

  • qu’en application de l’article L.2314-6 du Code du travail, le protocole d’accord préélectoral signé par la majorité des organisations syndicales ayant participé à la négociation et comprenant les organisations représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, ne pouvait pas être contesté devant le juge, sauf en ce qu’il contiendrait des stipulations contraires à l’ordre public, notamment aux principes généraux du droit ;
  • qu’en l’espèce le protocole d’accord préélectoral, établi le 17 octobre 2019, a été signé par l’ensemble des parties présentes à la négociation, à savoir d’un côté la direction de l’entreprise, et d’un autre côté les syndicats USAP, CGT et CFDT ;
  • que sa validité ne pouvait dès lors plus être contestée, l’USAP comme le syndicat CGT n’arguant d’aucune violation des principes généraux du droit à l’appui de leur demande d’annulation dudit protocole.

En ce qui concerne la demande d’annulation des élections

Sur ce second point, le Tribunal a considéré :

  • que si la loi ne fixe pas de date limite pour le dépôt des candidatures, cette date est le plus souvent fixée par le protocole d’accord préélectoral, et l’employeur peut alors refuser les candidatures tardives ;
  • que ce n’est qu’en l’absence d’accord que le juge ou l’employeur peut fixer cette date limite de dépôt des candidatures ;
  • que l’employeur ne peut refuser une candidature tardive que pour un motif tiré des nécessités d’organisation du vote.

Le Tribunal est ensuite revenu successivement sur les trois modes de transmission des listes de candidats à l’initiative de l’USAP.

S’agissant de l’envoi des listes de candidats par courrier recommandé (formalisme expressément prévu par le protocole d’accord préélectoral) le Tribunal a relevé qu’en « adressant sa liste par lettre recommandée déposée le 6 novembre 2019 à 23 heures 56 pour être expédiée par la Poste, le syndicat savait nécessairement que son pli ne parviendrait pas dans le délai imparti à la Direction, le protocole ne prévoyant pas un envoi par lettre recommandée, mais une réception par la direction au plus tard le 7 novembre à 10 heures ».

Cette solution est logique dès lors qu’en ce domaine, c’est à l’évidence la date de réception du courrier recommandé, et non la date de son envoi, qu’il y a lieu de retenir, sauf mention expresse différente dans le protocole d’accord préélectoral.

S’agissant de l’envoi des listes de candidats par mail le 7 novembre 2019 à 0 heure 33 (soit avant la date limite de dépôt fixée le même jour à 10 heures), l’employeur soutenait tout d’abord que ce formalisme n’était, sciemment, pas prévu dans le protocole d’accord préélectoral.

Il arguait également que, lors de la réunion de négociation ayant conduit à la signature du protocole d’accord préélectoral, la DRH a longuement indiqué aux organisations syndicales qu’elle ne souhaitait pas recevoir de candidatures par mail compte tenu d’une part des « bugs informatiques » enregistrés à l’époque dans l’entreprise, et d’autre part du volume important de courriels qu’elle recevait.

L’employeur versait à cet égard aux débats plusieurs attestations émanant des membres présents lors de la négociation du protocole, confirmant ces discussions et cette position de la DRH.

Le Tribunal judiciaire a estimé, sur ce point, que « le protocole ne prévoyait pas (…) la possibilité d’un envoi des listes par mail, la Direction ayant produit plusieurs attestations relatant qu’il s’agissait d’un point de discussion lors de l’établissement du protocole d’accord préélectoral et qu’il n’avait pas été fait droit à la demande des syndicats de procéder de la sorte, ce qui a été confirmé à l’audience par Monsieur Y (délégué syndical CFDT) ».

Le Tribunal judiciaire a donc d’une part procédé à une interprétation littérale des termes du protocole d’accord préélectoral qui ne prévoyait que le courrier recommandé et la remise en main propre, et d’autre part recherché la commune intention des parties sur ce point au moment de la signature du protocole.

S’agissant de la remise en main propre le 7 novembre 2019 à 12 heures 30 (soit avec deux heures 30 de retard), le Tribunal judiciaire a estimé que « le refus de la Direction de prendre en compte cette liste était justifié par le dépassement de l’heure limite indiquée au protocole signé par les parties ».

Il est acquis en jurisprudence que l’employeur ne commet aucune irrégularité en refusant de tenir compte d’une liste déposée tardivement (Cass. soc. 9 novembre 2011, n°10-28838 et Cass. soc. 28 mars 2012, n°11-19657).

Dans ces deux décisions, la Cour de cassation a considéré comme tardif le dépôt d’une liste de candidat intervenu :

  • le 21 mars aux lieu et place du 18 mars à 17 heures (arrêt du 28 mars 2012) ;
  • le 25 octobre à 22 heures aux lieu et place du même jour à 17 heures, soit avec 5 heures de retard (arrêt du 9 novembre 2011).

Le tribunal judiciaire de Versailles, en refusant les listes de candidats remises en main propre avec 2 heures 30 de retard, s’est montré encore plus intraitable.

Il n’a cependant, en réalité, fait qu’appliquer à la lettre le protocole d’accord préélectoral.

L’employeur, selon ce Tribunal, était donc tout à fait fondé à ne pas tenir compte des listes de candidats déposées tardivement, et/ou selon un formalisme inadéquat.

*          *          *

On le voit, le protocole d’accord préélectoral a toute son importance en cas de contentieux électoral.

Sa rédaction doit donc, autant que possible, être soignée et précise, et anticiper les difficultés à venir.

Elle permettra, aussi bien à l’employeur qu’aux organisations syndicales, voire aux salariés eux-mêmes, de connaître les règles applicables durant tout le processus des élections professionnelles.

Ce protocole constitue le règlement du jeu électoral, et l’arbitre judiciaire ne manquera pas de s’y référer, comme cela a été le cas du tribunal judiciaires de Versailles.

Le jugement rendu le 29 juin 2020 par ce Tribunal a fait l’objet d’un pourvoi en cassation à l’initiative de l’USAP.

La décision de la Cour de Cassation est attendue par les praticiens, en particulier sur :

  • l’envoi des candidatures par mail lorsque ce formalisme n’est pas prévu dans le protocole d’accord préélectoral, voire a été exclu lors des échanges préparatoires à la signature dudit protocole, quand bien même ledit mail a été notifié dans le délai visé par ledit protocole ;
  • la remise physique de listes de candidats 2 heures 30 seulement après l’heure limite visée dans le protocole d’accord préélectoral.

Article publié dans Les Echos Executives du 21/09/2020


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