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Forfait jours : attention à l’autonomie du salarié

Depuis sa création, le forfait-jours est un succès. Employeurs et salariés y voient un vrai intérêt. Pour autant, il est aujourd’hui régulièrement remis en cause.

08/03/2023

Dans un arrêt rendu le 25 janvier dernier (n°21-16.825), la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article L. 3121-43 ancien du Code du travail, devenu l’article L. 3121-58 depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que « peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année […] 1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable […] ; 2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».

Depuis sa création, le forfait-jours est un succès. Employeurs et salariés y voient un vrai intérêt. Pour autant, il est aujourd’hui régulièrement remis en cause, le plus souvent dans le cadre de contentieux prud’homaux initiés par des salariés ayant fait l’objet d’un licenciement. Parmi les arguments que font valoir les demandeurs, figure notamment celui lié à l’insuffisance voire l’absence d’autonomie nécessaire à la mise en place de ce dispositif. C’est le cas dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

En l’espèce, un salarié était embauché en qualité de vétérinaire, statut cadre, et soumis à un forfait annuel de 216 jours réduit, par la suite, à 156 jours dans le cadre d’un avenant à son contrat de travail. Contestant la validité de son forfait-jours, le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées.

Au soutien de ses prétentions, le salarié invoquait qu’il ne pouvait conclure une convention de forfait en jours puisqu’il n’avait ni la qualité de cadre ou de salarié autonome ni celle de vétérinaire cadre autonome prévue par la convention collective nationale des vétérinaires.

Le salarié est débouté de sa demande par la cour d’appel de Grenoble qui considère que, d’une part, compte tenu de la taille du cabinet et de la présence en son sein d’une assistante vétérinaire ou d’un autre vétérinaire, le fonctionnement du cabinet ne nécessitait pas son intégration dans un horaire collectif de travail et que, d’autre part, il ne relevait pas du statut de cadre intégré et, disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de son temps de travail, il était impossible de l’intégrer dans des horaires prédéterminés et fixes de sorte qu’il avait le statut de cadre autonome.

Ce n’est toutefois pas l’avis de la Cour de cassation qui casse l’arrêt en considérant, au visa de l’article L. 3121-43 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que les motifs adoptés par la cour d’appel étaient « impropres à caractériser l’autonomie du salarié dans l’organisation de son emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui lui étaient confiées et les raisons le conduisant à ne pas suivre l’horaire collectif de travail ».

A cet égard, il résulte des dispositions légales que seuls les salariés disposant d’une réelle autonomie dans leurs fonctions peuvent bénéficier d’une convention de forfait en jours, ces dispositions légales sont toutefois muettes quant à l’appréciation du critère d’autonomie et de non-intégration à l’horaire collectif.

Si la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur ce sujet, elle donne ici davantage de précisions en considérant que la taille de l’entreprise et la présence d’autres salariés ne suffisent pas à caractériser l’autonomie du salarié et son éligibilité au bénéfice d’une convention de forfait en jours.

La Cour de cassation avait ainsi déjà eu l’occasion de juger que le fait pour des salariés de voir leurs horaires contrôlés ou de devoir être présents pendant une certaine plage horaire au sein de la société était contraire au critère d’autonomie nécessaire à la mise en place d’un forfait en jours (Cass. soc., 15 décembre 2016, n°15-17.568).

Pour caractériser le critère d’autonomie, il est nécessaire de démontrer que le salarié dispose de la maîtrise effective et complète de son temps et de son planning de travail (Cass. soc., 31 octobre 2007, n°06-43.876 et Cass. soc., 27 mars 2019, n°16-23.800).

Il convient cependant de préciser que la convention individuelle de forfait en jours n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction (Cass. soc., 2 février 2022, n°20-15.744). Aussi, l’employeur a le pouvoir, en raison des contraintes spécifiques de l’entreprise, d’imposer au cadre en forfait-jours un planning de journées ou de demi-journées de présence sans que cela ne remette en cause son autonomie, sous réserve de laisser l’intéressé libre d’organiser son activité comme bon lui semble mais en dehors de ces contraintes.

Il appartient donc désormais à la cour d’appel de Chambéry, à laquelle la Cour de cassation a renvoyé l’affaire, de caractériser l’autonomie du salarié dans l’organisation de son emploi du temps. A défaut, sa convention de forfait en jours sera invalidée et il pourra obtenir le règlement des heures supplémentaires effectuées.

Cet arrêt donne l’occasion de rappeler que s’il est un outil de flexibilité, apprécié tant des employeurs que des salariés, le forfait-jours doit toutefois être mis en œuvre uniquement lorsque les conditions légales et conventionnelles sont bien réunies et que l’autonomie est réelle.


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