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Des avantages du nantissement de créance

16/09/2010


La Cour de cassation a récemment rendu une décision qui va rassurer ceux, essentiellement les banques, qui recourent au mécanisme du nantissement de créance. Le cas de figure classique est celui du financement d'un bien immobilier destiné à être loué. En garantie de ce prêt, l'établissement de crédit demande à l'emprunteur qu'il lui cède les loyers qui seront dus par les locataires jusqu'à l'échéance de remboursement du crédit.

On se rappelle que, en 2006, la même Cour de cassation avait considéré que l'opération ne conférait pas à la banque la propriété des créances locatives garantissant le remboursement du crédit. La cession conventionnelle, à titre de garantie, de droits sur des créances devait ainsi s'analyser comme un « simple » nantissement.

En l'occurrence, il en avait été déduit que la banque, si elle cédait la créance de prêt, ne pouvait céder en même temps la créance correspondant aux loyers cédés en garantie. Ce faisant, la portée de la garantie dont disposait rétablissement de crédit se trouvait singulièrement réduite. Restait alors à apprécier les conséquences de cette qualification lorsque le bénéficiaire du crédit se trouvait sous le coup d'une procédure d'insolvabilité. C'est tout l'intérêt de l'arrêt rendu le 26 mai dernier par la Cour de cassation.

En l'espèce, les locataires de l'immeuble avaient initialement payé les loyers entre les mains du créancier bénéficiaire du nantissement. Toutefois, après ouverture de la procédure collective, les sommes avaient été versées au liquidateur, sans doute sur injonction de celui-ci.

La cour d'appel avait jugé que la convention de garantie portant sur les créances de loyers ne constituait qu'une modalité de remboursement du prêt, qu'elle n'était ni constitutive d'une sûreté, ni assimilable à une saisie-attribution. Et elle en avait déduit que les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de l'emprunteur devaient être soumis aux exigences de cette dernière. En d'autres termes, le créancier nanti devait subir la règle interdisant tout paiement des dettes antérieures au jugement d'ouverture ; ce qui signifiait que le liquidateur pouvait conserver les loyers payés par les locataires.

L'arrêt est cassé. Dès lors que la cession des loyers avait été consentie en garantie du remboursement d'un prêt, le dispensateur du crédit avait la qualité de créancier nanti. Il avait donc vocation à percevoir les loyers dus par les locataires, nonobstant l'existence d'une liquidation judiciaire frappant l'emprunteur. La décision a été rendue sous l'empire du droit antérieur à la réforme des sûretés intervenue en 2006. Nul doute toutefois qu'elle demeure pleinement valable. En effet, selon l'article 2363 du Code civil, « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts ».

Le nantissement de créance s'avère donc efficace au moment où la garantie est appelée à produire ses effets, c'est-à-dire en cas de défaillance de l'emprunteur. A cela toutefois, deux exigences impératives que la Cour de cassation prend soin de rappeler. Il faut, d'une part, que le créancier nanti ait signifié la convention de nantissement aux locataires conformément aux dispositions de l'article 1690 du Code civil (par huissier). Il est, d'autre part, requis que le créancier nanti ait déclaré à la fois sa créance de prêt et la garantie convenue sous la forme d'un nantissement des loyers.


Arnaud Reygrobellet, Of counsel, Professeur à l'université Paris X

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 26 juillet 2010

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Arnaud Reygrobellet
Associé
Paris