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Dispositifs médicaux : la CJUE précise les conditions dans lesquelles la responsabilité civile de l'organisme notifié peut être recherchée

24/02/2017

A l’heure où, à la suite de la pression exercée par l’ANSM, les fabricants de dispositifs médicaux (DM) constatent un durcissement des conditions d’octroi et de renouvellement des certificats de marquage CE, d’une part, et où, d’autre part, plusieurs agréments d’organismes notifiés (ON) ont été retirés, l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 16 février 2017 doit retenir l’attention. Il est en effet le premier à se prononcer sur l’étendue des obligations imposées aux ON.

Le litige et les questions posées

En 2008, Mme SCHMITT, ressortissante allemande, s’est fait poser des implants mammaires PIP qu’elle s’est fait retirer en 2012, à la suite des retraits du marché prononcés par l’ANSM. Le fabricant français étant devenu insolvable, Mme SCHMITT a attrait devant les juridictions allemandes l’ON qui, de 1998 à 2008, a effectué huit visites chez le fabricant, toutes annoncées à l’avance, et au cours desquelles les documents commerciaux n’ont pas été consultés. Tout au long de cette période, le certificat de marquage CE a été maintenu. Mme SCHMITT a soutenu que, ce faisant, l’ON avait été défaillant.

Avant de répondre à l’argumentation de la plaignante, déboutée en première instance et en appel, la Cour de cassation allemande demande à la CJUE si :

  • «les dispositions de l’annexe II de la directive 93/42 doivent être interprétées en ce sens que l’organisme notifié est tenu, de manière générale ou à tout le moins lorsqu’il existe des motifs le justifiant, d’effectuer des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d’examiner les documents commerciaux du fabricant » (deuxième et troisième questions).
  • « d’une part, l’intervention de l’organisme notifié dans la cadre de la procédure de marquage CE vise à protéger les destinataires finaux des dispositifs médicaux et, d’autre part, (si) un manquement fautif à ses obligations est, dès lors, de nature à engager sa responsabilité à l’égard de ces destinataires (première question).

Les réponses de la CJUE

La réponse aux deuxième et troisième questions

En réponse à ces deux questions, la CJUE est amenée à préciser les circonstances dans lesquelles la responsabilité civile de l’organisme notifié peut être recherchée.

La CJUE précise en effet que « les organismes notifiés, dans la mesure où ils ont une obligation d’établir si la certification CE peut être maintenue, en vertu de l’article 16, paragraphe 6, de la directive 93/42, sont tenus à une obligation générale de diligence » (…) (point 46 de l’arrêt). La Cour en déduit « que l’organisme notifié est soumis à une obligation de vigilance, de telle sorte que, en présence d’indices suggérant qu’un dispositif médical est susceptible d’être non conforme aux exigences découlant de la directive 93/42, cet organisme doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’acquitter des obligations prévues audit article 16, paragraphe 6 (…) » (point 47 de l’arrêt).

La réponse à la première question

En réponse à cette question, la CJUE confirme sa jurisprudence antérieure, selon laquelle le mécanisme du marquage CE a pour finalité d’assurer la sécurité non seulement des patients mais plus généralement de tout tiers et donc des « destinataires finaux des dispositifs médicaux ». La Cour précise que la directive fait peser des obligations non seulement sur les fabricants, mais encore sur les Etats membres – qui doivent s’assurer que les produits mis sur le marché respectent les exigences essentielles et sont revêtus du marquage CE et qui doivent assurer la surveillance du marché – et sur les ON. Les conditions dans lesquelles un manquement d’un ON à ses obligations (telles que celles-ci sont définies dans la réponse aux deuxième et troisième questions) est de nature à engager sa responsabilité ne sont toutefois pas définies dans la directive.
Dès lors, les conditions dans lesquelles la responsabilité civile de l’ON peut être recherchée pour manquement à son devoir de vigilance relèvent du droit national (point 59 de l’arrêt).

Les perspectives d’évolution dans le cadre du règlement

Si le futur règlement destiné à remplacer la directive 93/42 ne définit pas plus que la directive qu’il remplace les conditions lesquelles la responsabilité civile des ON peut être recherchée, on retiendra que le règlement élargit ce que la CJUE qualifie d’obligation de diligence et d’obligation de vigilance des ON, qui sont les éléments sur lesquelles celle-ci fonde la possibilité pour l’ON d’engager sa responsabilité. En effet, d’une part, le règlement instaure une obligation de surveillance du marché après la mise en service du DM, notamment pour les produits de la classe III, et, d’autre part, l’article 4.4 de la future annexe VIII instaure un mécanisme d’audit aléatoire et inopiné1.

Actuellement, l’article 5.4 de l’annexe II à la directive se borne à prévoir que l’organisme notifié peut effectuer des visites inopinées.

Auteurs

Bernard Geneste