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Flash info Maroc | Nouvelle réglementation des changes applicables aux importations de services au Maroc

19/04/2010

Les flux transfrontaliers avec le Maroc doivent se conformer à la réglementation des changes en vigueur, dont l’un des principes essentiels est que : toute exportation de capitaux à destination de l’étranger, quelle qu’en soit la forme et quel qu’en soit le motif, est soumise à l’autorisation préalable de l’Office des Changes, autorité compétente en la matière.

Dans un contexte d’augmentation constante des échanges internationaux, un mouvement progressif de libéralisation s’est dessiné en vue de permettre le libre transfert des opérations dites « courantes ».
Ainsi, la Circulaire n° 1606 du 21 septembre 1993 a donné délégation aux banques marocaines agréées d’exécuter, sous leur responsabilité et sans avoir à obtenir un quelconque accord de l’Office des Changes, les transferts de capitaux d’un résident à un étranger non-résident au titre des certaines opérations courantes, et notamment en matière d’assistance technique étrangère. 
De la même manière, d’autres circulaires plus spécifiques sont venues supprimer les entraves à la libre circulation des capitaux dans certains domaines d’activités spécifiques (par exemple le BPO, l’assurance et la réassurance).

Dans ce contexte d’inflation des textes, dicté par l’accroissement des besoins des opérateurs économiques marocains, l’Office des Changes a publié le 31/12/2009 une nouvelle Instruction applicable aux importations de services. Ce texte a le mérite de consolider des dispositions hétérogènes applicables aux importations de services.

L’Instruction institue ainsi un cadre général applicable aux importations de services et définit également des règles spécifiques à certaines opérations, notamment en matière d’assistance technique étrangère, de franchise, de réalisation au Maroc de contrats ou de marchés de travaux ou de prestations de services, d’exploitation de films étrangers, d’importation de services par les centres d’appels et d’importation des services informatiques liés aux technologies de l’information et de la communication.

La conséquence d’un tel assouplissement des opérations financières avec l’étranger est un accroissement des dispositifs déclaratifs et du pouvoir dévolu à l’Office des Changes en matière de contrôle a posteriori.

Dans le cadre du présent Flash info nous vous présenterons les nouvelles dispositions en vigueur issues de l’Instruction du 31 décembre 2009 qui constitue très largement le droit positif en matière d’importation de services.

1. Applicabilité immédiate des nouvelles dispositions pour tout transfert intervenant à compter du 01/01/2010

Les nouvelles normes régies par l’Instruction sont d’application immédiate. Partant, toutes les dispositions antérieures applicables en matière d’importation de services qui sont visées dans l’Instruction (Instruction relative à l’importation de 1982, Circulaires, notes aux banques intermédiaires agréées, lettres, et sources diverses) sont rapportées et déterminées inapplicables aux transferts intervenant à compter du 01/01/2010.

L’absence de dispositions transitoires impliquera pour les entreprises de réviser leurs contrats en cours d’exécution afin de respecter à la lettre les nouvelles normes édictées par l’Instruction, et ce dans la mesure où un transfert des rémunérations est envisagé au profit des prestataires étrangers.

Cette obligation de conformité immédiate est d’ailleurs expressément prévue s’agissant des entités marocaines liées à des partenaires étrangers par des contrats d’assistance technique continue, en vigueur, lesquelles sont tenues avant d’effectuer tout nouveau transfert de procéder aux formalités de domiciliation et de déclaration prévues par l’Instruction.

2. Une redéfinition des critères d’application

L’Instruction donne une définition des importations de services et, partant, des services susceptibles d’être librement rémunérés.

D’une manière générale, sont exclues du champ d’application de l’Instruction les entités installées dans les zones franches d’exportation, les places financières offshore ainsi que tout espace qui leur est assimilé au regard de la réglementation du commerce extérieur et des changes.

En outre, sont exclus du champ d’application de l’Instruction les services relatifs à certains domaines particuliers, qui demeurent régis par des dispositions spéciales (ex : services de voyages internationaux, transport international, assurance et réassurance).

Excepté ces cas particuliers, toute importation de services est entendue au sens de l’Instruction comme « toute prestation rendue au Maroc par un non-résident au profit d’un résident et donnant lieu à rémunération ».

En outre, une opération d’importation de services ne pourra pas être traitée comme telle au sens de la réglementation des changes si les opérateurs concernés ne sont pas liés par un contrat au terme duquel un non-résident s’engage à fournir à un résident une prestation de services, une assistance technique ou à lui concéder le droit d’utiliser une enseigne, une marque de fabrique ou de commerce.

Bien que ces contrats puissent être conclus « librement » et revêtir différentes formes (marché, convention, bon de commande, facture pro forma, facture définitive ou tout autre document en tenant lieu), ils doivent impérativement, pour justifier un transfert, faire mention des éléments suivants, à savoir :

  • La dénomination des parties contractantes et leur lieu de résidence ;
  • La date de conclusion du contrat et, le cas échéant, sa durée ;
  • L’objet, la nature et l’étendue des prestations ou de l’assistance technique à fournir ainsi que la consistance des droits à concéder ;
  • La rémunération convenue et les modalités de son règlement ;
  • La partie à laquelle incombe des impôts et taxes dus au Maroc.

De plus, l’Instruction impose que le contrat soit directement (i.e. exclusion des opérations triangulaires) conclu entre le prestataire étranger et l’opérateur économique marocain concerné, étant précisé que si ce dernier est une personne morale elle doit être dûment inscrite au registre de commerce.

Enfin, il est important de souligner que l’Office des Changes exige que les prestations devant faire l’objet d’un règlement soient par principe réalisées et/ou utilisées au Maroc, à l’exception toutefois des cas expressément prévus par l’Instruction.

3. Vers un renforcement des prérogatives de l'Office des Changes

L'instruction instaure une nouvelle contrainte d'ordre général à l'égard des cocontractants en exigeant que les prestations de services correspondent aux besoins réels des entités marocaines bénéficiaires et qu'elles soient rémunérées à un juste prix. Cette obligation est manifestement plus contraignante que l’exigence antérieure d’un « coût juste et réel ».

La difficulté qui se pose désormais est d’appréhender quelle sera l'interprétation retenue par l'Office des Changes concernant les besoins réels des opérateurs marocains. Cette difficulté est d’autant plus importante qu’il n’existe pas de critères d’application, d’une part, et que le transfert autorisé par la banque n’exclut pas de facto ni de jure une remise en cause ultérieure par l’Office des Changes en cas de contrôle a posteriori, d’autre part.

A l’heure actuelle, il est toutefois possible de supposer que les « besoins réels » de l’entreprise seront appréciés au regard de la nécessité pour celle-ci de recourir à des prestations de services étrangères, eu égard notamment à ses résultats et à son autonomie financière et technique (moyens humains et/ou matériels) ainsi qu’en fonction des ressources existantes/disponibles sur le marché marocain.

Le pouvoir d’appréciation de l’Office des Changes sera d’autant plus aisément mis en œuvre que l’Instruction prévoit un renforcement des obligations déclaratives (ainsi, la domiciliation des contrats, les comptes-rendus statistiques annuels, l’attestation de réalisation des prestations), incombant soit aux banques intermédiaires agréées, soit directement aux opérateurs marocains concernés.

Ces déclarations visent à faciliter les contrôles a posteriori de l’Office des Changes, mais permettront également de bloquer les transferts des rémunérations toutes les fois où il ne sera pas justifié de la réalisation effective des prestations facturées, excepté dans certains cas limités où des versements d’acomptes sont autorisés.

En tout état de cause, l’un des changements majeur de l’Instruction est l’obligation qui est désormais faite aux entreprises de requérir une autorisation expresse et préalable de l’Office des Changes pour « toute contribution financière des sociétés marocaines aux frais de gestion (management fees) et de recherche développement engagés par leurs maisons mères ou actionnaires de référence non-résidents ». Les groupes internationaux disposant d’une filiale au Maroc devraient donc évaluer leurs risques en la matière, et effectuer des arbitrages entre leurs flux intragroupe et les flux externes.

Enfin, il est rappelé qu'aucun transfert de fonds ne peut avoir lieu avant le paiement de tous les impôts (retenue à la source) et taxes (TVA, le cas échéant) en vigueur au Maroc, ce dont les intermédiaires agréés (i.e. banques marocaines) doivent préalablement s’assurer. L'entité bénéficiaire de la prestation de service devra ainsi déposer la quittance justifiant le règlement des impôts au moment de l’ordre de virement, ou bien charger la banque de verser au Trésor marocain les sommes correspondantes.

4. L'exhaustivité des services visés dans l’Instruction

L'Instruction semble fournir une liste limitative de services pour lesquels la rémunération à l’étranger est librement transférable (i.e. sans obtention préalable d’une autorisation de l’Office des changes), sous réserve du respect d’un certain formalisme plus ou moins contraignant en fonction du sous-jacent.

Il s’agit de :

  • L'assistance technique étrangère ;
  • Les franchises ;
  • La réalisation au Maroc de contrats ou de marchés de travaux ou de prestations de services ;
  • Certains services fournis aux centres d'appels (call-center) ;
  • Certains services informatiques (notamment acquisition de logiciels et prestations connexes, technologies de l’information) ;
  • L'exploitation de films étrangers aux Maroc ; et,
  • Une catégorie subsidiaire regroupant des prestations diverses dûment listées telles que : - la prise en charge en dirhams des frais de voyage et de séjour d’intervenants non-résidents ; 
    - le remboursement des frais de voyage et de séjour d’intervenants étrangers dans le cadre d’une opération d’assistance technique étrangère ; 
    - les prestations de services fournies par un personnel étranger non lié à l’entité marocaine par un contrat de travail ; 
    - les frais de recrutement du personnel non-résident par des cabinets étrangers pour le compte d’entités marocaines.

Par conséquent, on notera que :

  • toute prestation fournie par un non-résident au bénéfice d’un résident impliquant une rémunération devra nécessairement entrer dans l’une des catégories visées par l’Instruction, et répondre aux critères particuliers d’application le cas échéant. A défaut, une autorisation expresse et préalable de l’Office des Changes devra être obtenue ; et,
  • Il pourrait être opportun dans certains des schémas de prestations diverses rendues par un non-résident à un résident de dissocier les contrats y afférents en fonction de la catégorie de services à laquelle ils se rattachent, de manière à optimiser les possibilités de transfert des rémunérations correspondantes.

5. Le cas particulier du contrat de franchise

Désormais, les contrats de franchise doivent faire l'objet d'une domiciliation et d'une déclaration auprès d'un intermédiaire agréé afin de pouvoir procéder au paiement des redevances (royalties) et droits d'entrées :

  • Concernant les redevances, elles ne font l'objet d'aucune autorisation préalable supplémentaire. Le transfert a lieu sur présentation à l'intermédiaire agréé de la facture ainsi que d'un état signé et cacheté par l'entité marocaine attestant de la conformité de la facture aux clauses du contrat. En revanche, toutes les fois où les redevances ne sont pas déterminées selon un mode conforme aux dispositions de l'Instruction (soit forfaitairement, soit sur la base du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le franchisé), le transfert doit alors être soumis à l'autorisation préalable de l'Office des Changes.
  • Concernant le paiement des droits d'entrée dans un réseau de franchisé, il est important de noter que l'instruction impose que le transfert de ces sommes soit soumis à l'autorisation préalable de l'Office des Changes.

6. Focus sur les contrats d’assistance technique étrangère continue ou ponctuelle

L’Instruction maintient la distinction qui existait sous l’empire de la Circulaire n°1606 entre assistance technique étrangère continue et ponctuelle, et redéfinit les sous-jacents qu’elles recouvrent, ainsi que les conditions de transfert. On notera l’importance de la qualification des prestations d’assistance selon qu’elles sont continues ou ponctuelles et, partant, plus ou moins limitées et contraignantes comme le met en exergue le tableau ci-dessous :

Assistance technique continue

Assistance technique ponctuelle

Définition

Tout transfert, pour une durée fixée par le contrat, de technologie ou de savoir-faire au profit des entités marocaines.

Toute prestation de services limitée dans le temps fournie par un non-résident au profit d’une personne résidente.

Prestations autorisées 
(liste non exhaustive mais visée par l’Instruction)

  • Usage (voire concession d’usage le cas échéant) d’un brevet, d’une licence, d’une formule, d’informations ayant trait à une expérience acquise notamment dans le domaine industriel, commercial ou scientifique, etc.,
  • Transfert de savoir-faire pouvant contribuer au développement de l’activité de l’entité marocaine et à l’amélioration de ses performances.

Prestations en personnel portant notamment sur :

  • Les études, expertises et analyses de toutes natures à l’étranger ;
  • La réception de matériel, son montage et sa mise en services ;
  • La formation, etc.

Précisons toutefois que le personnel utilisé ne doit pas être employé par l’entité marocaine bénéficiaire desdites prestations. 

Obligations déclaratives

Etablissement par l’entité marocaine d’un compte-rendu annuel des transferts effectués durant l’année précédente à transmettre à l’Office des Changes au plus tard le 31/03 de chaque année (selon modèle de l’Office des Changes).

Domiciliation du contrat auprès d’un guichet intermédiaire agréé (dépôt d’une « déclaration de contrat d’assistance technique continue » selon modèle de l’Office des Changes).

Le dossier de domiciliation est transmis par la banque à l’Office des Changes. 

Points particuliers

Nous attirons votre attention sur certains points spécifiques, notamment :

  • Lorsque les coûts afférents aux services rendus au Maroc font l’objet d’une répartition entre les entités d’un même groupe dont l’entité marocaine (i.e. bénéficiaire du service) fait partie, un risque réel de blocage des paiements afférents auxdites prestations existe considérant la pratique des banques marocaines à ce jour ;
  • La réalisation de certaines prestations informatiques soulève un certain nombre de difficultés pratiques, notamment concernant la procédure relative au paiement et les documents justificatifs à fournir aux banques en charge des transferts.

Nous nous tenons à votre disposition pour toute demande d’information complémentaire et/ou analyse des flux envisagés.